Le Sénégal célèbre demain le 63ème anniversaire de son indépendance. Mais, cette fête est coïncidée cette année avec une instabilité socio-politique qui mine le pays, même si d’autres zones de la sous-région ont plus souffert de ces crises politiques qui les ont plongées dans un presque anarchisme effarent. Hier, Yewwi Askan Wi (YEW), la plus grande coalition de l’opposition sénégalaise a sorti un communiqué pour décliner l’invitation du pouvoir pour assister à la cérémonie de la célébration de cette date symbolique qui marque l’indépendance du pays. Récemment, suite aux manifestations violentes de l’opposition dues notamment aux convocations d’Ousmane Sonko au Tribunal, ces adversaires politiques du régime de Macky Sall ont sorti un communiqué pour dire qu’ils ont rencontré « des hauts gradés » (de l’armée). Une information démentie par l’Armée sénégalaise. Tous ces aspects font aujourd’hui que ce 04 avril soit une fête dans une atmosphère empestée par cette instabilité politique qui ne semble pas prendre fin, surtout à la veille de l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Demain mardi 04 avril 2023 sera la date qui marque la 63ème édition de la célébration de l’Indépendance du Sénégal. Mais cette fête qui, jadis, se faisait dans la communion, la symbiose et l’harmonie, risque d’être, pour cette année, insipide. Pour cause, des tiraillements politiques entre opposition et pouvoir qui font l’actualité du pays ces derniers. Des manifestations violentes ont repris un peu partout dans le pays, après celles du mois de mars 2021 où une dizaine de personnes ont perdu la vue. Ousmane Sonko, président du parti, Pastef/Les Patriotes, est le principal élément déclencheur de ces hostilités entre le régime de Macky Sall et les opposants qui accuse ce dernier de vouloir briguer un troisième mandant et d’avoir pris « des otages politiques dans ses geôles ». Ces accusations et la condamnation du maire de Ziguinchor dans l’affaire Prodacqui l’oppose au ministre Mame Mbaye Niang (2 mois avec sursis en plus de 200 millions à payer à la partie civile comme dommages et intérêts) ont envenimé la situation pour créer ou augmenter cette acrimonie entre pouvoir et opposition.
Des manifestations violentes, l’armée et le démenti
Une série de manifestations a été déclarée récemment par le leader des « Patriotes » qui avait menacé qu’ils vont tenir ces marches « avec ou sans autorisation ». Le premier jour de ces manifestations, soit le 29 mars dernier, beaucoup de parties de Dakar ont été envahies par des manifestants en furie. Les forces de défense et de sécurité ont eu, au final, à maitriser ces derniers. D’autres régions, notamment au Sud du pays, des affrontements ont éclaté entre militants de Pastef et les FDS. Si les dégâts ont été moins graves, ce n’est point le cas lors des manifestations précédentes du début du même mois où il y a eu des cas de morts et de destruction de biens publics et privés. Ousmane Sonko avait aussi annoncé la date du 30 Mars, jour de son procès contre Mame Mbaye Niang, pour reprendre ces manifestations. Ses souteneurs étaient sortis d’une manière sporadique à Dakar et dans d’autres régions hors de la capitale sénégalaise. Mais, ce jour les FDS ont su étouffer dans l’œuf » toute tentative des manifestants qui ont dû céder.
Aujourd’hui, 03 avril 2023 devrait être la dernière date qui faisait partie de cette série de manifestations dernièrement annoncées par le chef de file des « Patriotes ». A la veille de la célébration de la fête de l’indépendance du Sénégal, les opposants, sous la houlette de Ousmane Sonko, avaient eux, au lieu de procéder à ce rituel, planifié de faire part de leur courroux contre le régime de Macky Sall. Mais, à la dernière minute, la conférence des leaders de Yewwi Askan Wi, a fait volte-face pour dire qu’ils vont surseoir à cette manifestation qui était prévue ce jour (03 avril).
Pour justifier un tel changement d’avis, YAW a, dans un communiqué indiqué que « tenant compte des échanges avec de Hauts gradés des forces de défense et de sécurité de notre pays et aussi des résultats de larges concertations, a décidé de reporter à une date ultérieure sa manifestation du 03 Avril 2023 qui était prévue sur l’étendue du territoire national. »
Mais, la Coalition en a profité pour dire encore que « les tensions politiques sont le seul fait d’un régime aux abois et en perte de repères. Elle appelle donc le peuple sénégalais, et particulièrement la jeunesse, à rester mobilisés pour la libération immédiate de tous les détenus politiques des geôles de Macky Sall ». Avant de faire savoir que « la poursuite de notre lutte pour le respect des libertés individuelles et collectives, ainsi que la consolidation de la démocratie et de L’État de droit, conduira à l’élaboration d’un nouveau plan d’action qui sera communiqué dès la semaine prochaine. »
Mais, il n’en fallut que de quelques instants pour l’Armée sénégalaise monte au créneau pour démonter les allégations de la Coalition Yewwi Asak Wi. Ainsi, dans la note signée par la Direction de l’information et des relations publiques des Armées (Dirpa), le 31 mars 2023, soit juste quelques heures après l’information donnée par les opposants, on peut lire : « Dans un Communiqué publié ce vendredi 31 mars 2023, il est fait mention de concertations entre acteurs politiques et gradés des Forces de Défense et de sécurité. L’Etat-major général des Armées invite les acteurs politiques de tous bords et la société civile à tenir l’Armée nationale hors du débat politique pour intérêt de la Nation. Cette dernière entend garder sa posture républicaine et se consacrer à ses missions régaliennes ». Un démenti qui a été salué à sa juste valeur d’ailleurs.
Les opposants déclinent l’invitation du pouvoir pour ce 04 avril
Plus récemment, soit hier, la coalition YAW est encore sorti de sa réserve. Mais cette fois-ci, les opposants semblent rejeter tout rapprochement avec le régime de Macky Sall. Car, dans un communiqué signé le 02 avril 2023, la Conférence des leaders de Yewwi Askan Wi informe les militants, sympathisants et I’opinion publique nationale, avoir reçu l’invitation du Président de la République à la cérémonie de célébration de la tête de l’indépendance du 4 avril 2023. Une invitation qui lui a été transmise par le ministre de l’Intérieur.
Suite à ces éléments introductifs, la « Conférence des leaders remercie le gouvernement de l’avoir convié à cette fête de l’unité nationale. Elle saisit I ’occasion pour rendre hommage à l’Armée nationale, maitresse d’œuvre de la cérémonie. Elle félicite également le peuple sénégalais pour son attachement indéfectible à la cohésion nationale, aux acquis démocratiques et sa maturité sociale. »
Cependant, peut-on encore sur le communiqué, « considérant que le Chef de l’Etat n’a encore posé aucun acte significatif pour l’apaisement de la tension politique et sociale que vit leSénégal, la Conférence des leaders est au regret de décliner son invitation. » La coalition YAW a enfin rendu « un vibrant hommage à nos héros d’hier, qui ont inlassablement mené le combat pour l’indépendance de notre pays. Ceux de l’histoirerécente, y compris tous les jeunes martyrs et résistants tombés dans les luttes pour la démocratie et l’Etat de droit, méritent aussi reconnaissance, au nom de leur engagement pour une véritable souveraineté nationale. »
Si l’on assemble ces éléments susmentionnés, alors l’on obtient sans surprise un résultat clair. Aujourd’hui, on assiste à une situation où opposition et pouvoir sont arrivés à une étape qui les éloigne de l’un autre. Car, si Sonko et Cie déclinent l’invitation de Macky Sall pour assister à la fête de l’indépendance de demain, c’est parce que tous les ingrédients semblent réunis pour une situation de non-retour, du moins pour un dialogue des deux parties autour d’une table.
Burkina, Mali, Guinée : d’autres pays de la sous-région pas sortis de l’auberge
Cependant le Sénégal fait toujours l’exception dans zone Cedeao notamment où des pays sont encore victimes de crises socio-politiques plus profondes. Récemment l’on a vu que les autorités du Burkina, du Mali et de la République de Guinéequi ont tous été « conquis » par des militaires suite à des coups d’Etat, sont interdites. Une décision qui émane de la CEDEAO qui indiquait que les pays membres ont décidé de maintenir les sanctions existantes à l’encontre du Burkina Faso, du Mali et de la Guinée et d’imposer une interdiction de voyager aux membres du gouvernement et autres hauts fonctionnaires des trois pays.
«La Conférence des Chefs d’État et de gouvernement décide de maintenir les sanctions existantes à l’encontre des trois pays et d’imposer une interdiction de voyager aux membres du gouvernement et autres hauts fonctionnaires des trois pays», indiquait le communiqué de la CEDEAO signé par Umarò Sissoco Embalo, président en exercice de la CEDEAO.
A noter que ce document est issu du sommet extraordinaire de la conférence des Chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO tenue en marge de la 36e session ordinaire de l’Assemblée de l’Union africaine (UA), le samedi 18 février dernier à Addis-Abeba.
Le Burkina Faso, le Mali et la Guinée font l’objet de suspension des instances de l’Union africaine (UA) et de sanctions de la CEDEAO, après des coups d’Etats perpétrés dans ces pays qui sont actuellement dirigés par des pouvoirs de transition.
En outre, il faut noter qu’à l’occasion de cette assemblée de l’UA, les ministres en charges des affaires étrangères du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée avaient échangé le 16 février dernier avec le président de la commission de l’UA et le commissaire aux affaires politiques, paix et sécurité, où ils ont demandé la levée de suspension de ces trois pays en Transition.
Ils ont unanimement fait remarquer que les Transitions en cours ont un chronogramme bien fixé et un agenda transparent, et les trois présidents se sont fermement engagés au respect du consensus trouvé avec la CEDEAO.
Abdou Karim MBAYE