avril 19, 2025
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Politique

Xavier Driencourt : « Paris a fait des gestes, mais l’Algérie n’a jamais répondu de manière positive »

INTERVIEW. Comment l’ancien ambassadeur de France en Algérie perçoit l’évolution de la position française sur la question du Sahara occidental ? « Le Point Afrique » a recueilli sa parole.
Un vrai coup de tonnerre sur les deux rives de la Méditerranée que cette décision française de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, prisme à travers lequel Rabat considère son environnement international. Ce fabuleux cadeau diplomatique que Paris fait à Rabat conforte sans doute l’intégrité territoriale du royaume chérifien. Il est d’autant plus à forte teneur symbolique, en raison du choix du « timing » qui coïncide avec les célébrations d’un quart de siècle du règne de Mohammed VI. En clair, la France choisit de miser ainsi sur cette nouvelle puissance régionale qu’est devenu le royaume chérifien.
Au lendemain du soutien apporté par Paris au plan marocain pour le Sahara, traditionnellement pomme de discorde entre Rabat et Alger, le roi du Maroc, par la voie d’une lettre, a invité le président français Emmanuel Macron pour une visite officielle. Le monarque a aussi exprimé son satisfecit par rapport à cette nouvelle prise de position tant attendue par Rabat.
Si, pour certains observateurs, l’évolution de la position française sur le dossier du Sahara n’était pas vraiment une surprise, d’autres considèrent cependant que ce revirement français n’a rien d’anodin. Pour comprendre les raisons du choix de l’Élysée ainsi que les retombées politiques, diplomatiques et économiques, Le Point Afrique a fait réagir Xavier Driencourt, diplomate et ancien ambassadeur de France en Algérie.
Le Point Afrique : Cette annonce vous a-t-elle surpris ? Quelles sont, selon vous, les raisons du ralliement français à la position marocaine sur le dossier du Sahara occidental ?
Xavier Driencourt : Ce n’est pas vraiment une surprise. Cela fait déjà plusieurs mois qu’il y avait une évolution assez sensible. Pendant longtemps, Paris a maintenu un équilibre entre Alger et Rabat sur cette question du Sahara en faisant état de la position de l’ONU. Mais, on était dans une relation extrêmement compliquée avec le Maroc, et donc, je comprends que pour se réconcilier avec le Maroc, en tout cas c’est ma lecture des choses, le président de la République a décidé de faire un pas en avant extrêmement important sur la question de la marocanité du Sahara occidental.
Tout cela avait commencé au mois de février avec la visite du chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, qui avait reconnu le caractère existentiel pour le Maroc du dossier saharien. Certains investissements français ont été, dès lors, autorisés au Sahara. Ce qui signifie qu’il y avait déjà une évolution. Cela dit, ce sont des termes extrêmement précis et très forts qui ont été utilisés dans la lettre du président français, surtout quand il dit que c’est « la seule base » possible pour la résolution du dossier du Sahara.
Comment cette déclaration du président Macron redéfinit-elle les dynamiques diplomatiques actuelles entre le Maroc et la France ?
Je pense qu’à Paris, on a pesé les avantages et les inconvénients, le pour et le contre, et on a décidé que les avantages étaient plus importants du côté marocain que les inconvénients d’une brouille ou d’une rupture avec Alger.
Je rappelle que ces dernières années, depuis 2017, le président Macron avait fait beaucoup de gestes du côté algérien, et d’ailleurs, le Maroc reprochait un peu ces gestes au président de la République. On a fait beaucoup de gestes du côté français et l’Algérie n’a jamais répondu de manière positive. Le président a considéré, tout compte fait, qu’il valait mieux percer l’abcès en quelque sorte et faire le geste attendu par Rabat.
Quels avantages économiques potentiels le Maroc peut-il tirer de cette reconnaissance, en particulier pour la région du Sahara ?
Je pense qu’il va y avoir quand même beaucoup plus d’opportunités qui vont s’ouvrir aux entreprises françaises qui voudront venir investir au Maroc, parce que jusqu’à présent tout était un peu suspendu à la question du Sahara. Dans le cadre, par exemple, de la préparation pour la Coupe du monde 2030, il y aura sans doute beaucoup d’opportunités franco-marocaines.
Quels avantages stratégiques Paris espère-t-il obtenir de ce soutien renforcé à Rabat, notamment en termes d’influence sur le continent africain ?
C’est possible, même si, du côté algérien, il y avait aussi une influence sur certains pays en Afrique. Je pense que les deux doivent être à peu près équivalents. L’Algérie et le Maroc sont tous les deux en concurrence sur le continent africain. Maintenant, les choses se jouent à l’UA et à l’ONU. On va voir comment tout cela s’équilibre.
Il convient de rappeler ici que le nouvel agenda du Maroc pour la façade atlantique du continent risque bien de changer les rapports de force sur le continent. C’est possible que Paris puisse jouer un rôle dans cette optique. Mais, ce qui est déterminant pour moi, c’est que le président de la République veut se réconcilier avec Rabat, et qu’il n’y a pas trente-six voies pour se réconcilier avec le royaume chérifien.
Quel rôle l’Union européenne pourrait-elle jouer dans ce contexte de soutien accru de la France au Maroc ?
Le fait que la France fasse cette avancée diplomatique importante va avoir un effet d’entraînement sur d’autres pays européens. Je pense qu’il y a un certain nombre de pays européens qui vont se dire que puisque Paris – qui est un partenaire important, qui connaît bien les deux pays du Maghreb, et qui est l’ancienne puissance coloniale en Algérie – fait ce pas, c’est bon, ils peuvent également y aller. C’est ce que craint l’Algérie justement. C’est que d’autres pays européens après l’Espagne et la France, et que l’Union européenne en tant que telle, soutiennent la position marocaine et que l’Algérie se retrouve isolée.
Peut-on dire que le Maroc se rapproche de plus en plus d’une solution définitive à ce différend autour du Sahara occidental ?
Oui, c’est un fait.
Propos recueillis par Yasmine Tijani (Pour Le Monde Afrique)

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