(Agence Ecofin) – Malgré le regain d’intérêt européen pour le gaz africain depuis le début de la guerre en Ukraine, le rapport souligne que les pays du continent auront du mal à attirer de nouveaux investissements dans ce secteur s’ils ne prennent pas des mesures fortes pour rendre leurs climats d’investissement et leurs marchés domestiques plus attractifs pour les compagnies étrangères.
Alors que de nombreux bailleurs de fonds internationaux se sont engagés à cesser de soutenir les énergies fossiles, l’Afrique sera en mesure de mobiliser les financements nécessaires au développement de ses gigantesques gisements gaziers découverts ces dernières années si elle parvient à améliorer son environnement des affaires, à changer ses politiques de tarification des produits énergétiques et à réduire l’intensité en carbone de ses projets gaziers, selon un rapport publié le 1er septembre par Oxford Institute for Energy.
Intitulé « Prospects for a potential African gas renaissance en route to a just energy transition », le rapport rappelle que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime les ressources en gaz naturel découvertes au cours des dernières années sur le continent à 5000 milliards de mètres cubes, ce qui pourrait permettre d’augmenter de 90 milliards de mètres cubes par an la production africaine d’ici 2030. Cela représente 90 % des exportations actuelles de l’Afrique et environ 60 % de sa consommation intérieure.
La Chambre africaine de l’énergie a indiqué, en août dernier, que les pays africains auront besoin d’environ 375 milliards de dollars de financements au cours des dix à douze prochaines années pour maintenir la production des champs gaziers existants, développer de nouveaux gisements et construire des infrastructures pour acheminer le combustible fossile vers les marchés.
Le rapport indique que ces financements colossaux, qui représentent près de 20% du PIB du continent, seront difficiles à mobiliser dans l’état actuel des choses, et ce malgré l’engouement européen pour le gaz africain depuis le début de la guerre en Ukraine. D’autant plus que les bailleurs de fonds se détournent de plus en plus du financement des énergies fossiles et mettent le cap sur les énergies renouvelables.
Les investissements locaux ne suffiront pas
Durant la COP 26 à Glasgow, une vingtaine de pays développés se sont engagés à mettre un terme au financement à l’étranger de projets d’énergies fossiles sans techniques de capture de carbone à partir de fin 2022.
Lors du sommet One Planet organisé en décembre 2017, le groupe de la Banque mondiale a annoncé la fin des financements des activités en amont du secteur pétrolier et gazier après 2019, tout en précisant que le financement d’activités en amont du secteur gazier sera exceptionnellement envisagé dans les pays les moins avancés lorsqu’il favorise indéniablement l’accès à l’énergie pour les pauvres et lorsque le projet est conforme aux engagements du pays au titre de l’Accord de Paris sur le climat. De son côté, la Banque européenne d’investissement (BEI) s’est engagée à mettre fin au financement des projets liés aux énergies fossiles à partir de la fin de l’année 2021.
Soumises à une pression croissante, les compagnies internationales spécialisées dans l’exploitation des hydrocarbures se désengagent, quant à elles, de plus en plus des actifs africains pour plusieurs raisons, dont les risques environnementaux, politiques et sécuritaires. Dans le même temps, très peu de compagnies nationales africaines ont les moyens pour combler une grande partie du déficit d’investissement croissant de financements.
Même des initiatives régionales comme celle lancée par la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) et l’Organisation des producteurs de pétrole africains (APPO) pour la création d’une banque africaine de l’énergie ne suffiront pas pour mobiliser les financements nécessaires au développement des nouveaux gisements gaziers découverts sur le continent. Par conséquent, des niveaux adéquats de flux d’investissements internationaux dans l’industrie gazière en Afrique sont nécessaires.
Pour débloquer ces flux d’investissements, les pays africains sont plus que jamais appelés à prendre des mesures fortes pour surmonter les obstacles au financement auxquels les projets énergétiques sont confrontés depuis plusieurs années.
Lever les subventions aux produits énergétiques
Ces obstacles sont connus, et plusieurs travaux sur la manière de les surmonter ont été déjà présentés par les institutions financières multilatérales, les grandes banques internationales et les cabinets de conseils. Il s’agit essentiellement d’améliorer l’environnement des affaires en s’attaquant aux goulots d’étranglement figurant dans les cadres juridiques, fiscaux et réglementaires existants et aux problèmes politiques et sécuritaires. Certains progrès ont été enregistrés ces dernières années sur ce front, comme l’adoption en Algérie d’une nouvelle loi sur les hydrocarbures plus attractive pour les investisseurs étrangers. Cette loi permet notamment aux partenaires étrangers de la compagnie nationale Sonatrach de récupérer les dépenses d’investissement engagées dans le cas de la découverte d’un gisement commercialement exploitable, et allège la pression fiscale sur les multinationales. Mais ce processus d’amélioration du climat d’investissement demeure lent et plus réactif que proactif dans un environnement énergétique en pleine mutation.
Le rapport recommande d’autre part aux pays africains qui souhaitent attirer davantage d’investissements dans le secteur gazier de lever les subventions aux produits énergétiques afin de permettre aux compagnies étrangères de cibler le marché domestique. La dernière enquête de l’Union internationale du gaz sur les prix de ce combustible fossile montre qu’environ 55 % des volumes consommés en Afrique sont vendus à des prix largement inférieurs à ceux pratiqués sur le marché international.
Oxford Institute for Energy Study souligne par ailleurs la nécessité pour les pays africains d’investir dans le déploiement de réseaux domestiques de distribution de gaz dans le cadre de partenariats public-privé (PPP), de réduire l’intensité en carbone de leurs nouveaux projets gaziers, d’encourager l’utilisation du gaz dans la production de l’électricité et dans l’industrie pour remplacer les combustibles plus polluants comme le charbon et le diesel, et de signer des contrats d’approvisionnement en gaz plus flexibles avec les pays européens et asiatiques