mai 30, 2025
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L’impact de la politique commerciale des États-Unis sur les économies africaines

Les droits de douane promulgués par l’administration Trump vont affecter de façons variées les pays africains. Décryptage.

Les régimes tarifaires introduits par Donald Trump à l’encontre de très nombreux pays vont bouleverser le système financier mondial ainsi que d’innombrables relations commerciales, entraînant de profondes distorsions sur les marchés et un ralentissement généralisé de la croissance.

Ce développement aura nécessairement un impact sur les pays les plus pauvres, notamment sur 39 pays à faible revenu d’Afrique qui bénéficiaient d’un accès en franchise de droits aux marchés états-uniens depuis 2000 en vertu de la loi sur la croissance et les opportunités en Afrique (African Growth and Opportunity Act, AGOA).

Cependant, le risque pour les économies africaines viendra davantage de la volatilité des prix des matières premières, qui pourrait mettre en péril leur équilibre extérieur et des chocs sur les taux souverains africains.

Augmentation des barrières tarifaires pour les exportations africaines

Le 8 avril 2025, les États-Unis ont imposé aux pays africains des droits de douane élevés, allant de 10 % à 50 % (pour le Lesotho) sous le scénario « reciprocal tariff » (droits de douane réciproques)

Le lendemain, 9 avril, l’administration Trump a annoncé mettre en pause ce scénario et avoir adopté, pour tous les exportateurs, un taux de 10 %, dit « universal tariff » (droits de douane universels).

Les droits de douane moyens imposés aux pays africains étaient de 3,7 % en 2024 (en tenant compte de leurs paniers d’exportations, qui diffèrent d’un pays à l’autre). Ils seront de 10 % pour chaque pays en cas de mise en œuvre du scénario universal tariff, et de 30 % en moyenne si c’est le scénario reciprocal tariff qui est finalement appliqué.

L’augmentation de ces tarifs sera en fait bien plus importante si l’on considère que 34 pays du continent bénéficient d’un accès privilégié (zéro tarif sur une vaste quantité de biens) au marché des États-Unis via l’AGOA, et que 35 pays profitent du Système généralisé des préférences (SGP) des États-Unis, résultant en un tarif moyen pour les exportations africaines de 1,3 % : les hausses seront donc encore plus conséquentes, que ce soit sous le scénario universal ou sous le scénario reciprocal tariff.

La dépendance relativement faible du continent au marché des États-Unis minimise l’impact

Cependant, les États-Unis représentent un marché d’exportation relativement restreint pour la plupart des pays du continent. 5,8 % seulement des exportations africaines sont à destination de ce marché (Figure 1) et, pour vingt-cinq pays, la part de ce marché dans leurs exportations totales est inférieure à 2 %.

Trente-deux pays représentent moins de 4 % des exportations africaines totales vers les États-Unis. Les principaux exportateurs vers les États-Unis sont l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Ghana, l’Angola et la Côte d’Ivoire.

Si l’on considère à la fois le changement de droits de douane et la dépendance au marché américain, 12 pays du continent seront plus particulièrement touchés (Figure 2) : le Lesotho, Madagascar, le Botswana, l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Malawi, Djibouti, le Ghana, le Kenya, le Sénégal et l’Éthiopie.

Notons que l’énergie et les minerais sont exemptés des nouveaux droits de douane, de sorte que les principaux exportateurs de pétrole, de gaz et de produits miniers ne seront pas très affectés. Il s’agit notamment de l’Angola, du Tchad, de la RDC, du Ghana et du Nigeria. Mais pour quelques-uns, l’impact pourrait être sévère, en particulier ceux qui dépendent des États-Unis comme marché d’exportation.

Pour le Lesotho, Maurice et Madagascar, qui exportent des vêtements, le choc subi est particulièrement dévastateur car ce sont les États-Unis qui ont permis cette croissance en exemptant les intrants de pays tiers (les tissus) des droits de douane. Le Kenya est également un grand exportateur de vêtements, mais avec un droit de douane de 20 %, il est désormais relativement plus compétitif.

Les États-Unis sont également une destination d’exportation importante pour l’Afrique du Sud, mais elle sera mieux placée pour surmonter le choc, grâce à son économie plus diversifiée. La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, est frappée d’un droit de 21 % sous le scénario « reciprocaltariff ». L’Éthiopie, avant d’être suspendue du programme AGOA pour des raisons politiques, avait connu une explosion de ses exportations textiles vers les États-Unis.

Alternatives sur le marché international

Si, dans l’ensemble, le commerce mondial pourrait connaître un ralentissement, certains pays africains et secteurs compétitifs à l’échelle mondiale peuvent se tourner vers de nouveaux marchés pour mieux résister aux changements de politique et aux autres risques liés à la chaîne d’approvisionnement. En fin de compte, ces droits de douane pousseront les nations africaines à former de nouvelles alliances ainsi qu’à approfondir les échanges commerciaux établis avec l’UE et avec la Chine, l’Inde et les pays du Golfe.

La Chine, en particulier, a tout à gagner, elle qui l’an dernier a supprimé les droits de douane sur les marchandises en provenance de 33 pays africains. Ces chocs extérieurs rappellent l’urgence de renforcer l’intégration économique du continent au travers de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui n’est pas seulement un projet politique au niveau continental, mais bien une nécessité stratégique.

Si la plupart des pays ne sont que très peu impactés du fait de leur faible exposition, une dizaine de pays, en particulier ceux qui avaient développé des industries autres que les produits pétroliers et minerais – exemptés de ces droits de douane – seront touchés plus fortement. Cependant, l’effet négatif pour les économies du continent pourrait se situer ailleurs…

Un risque accru de volatilité des prix qui pourrait mettre en péril l’écosystème commercial africain

Le contexte actuel de guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis entraîne un risque de ralentissement de la demande pour les matières premières africaines de la part de la Chine (les prix de référence des métaux ont chuté brutalement au début du mois d’avril) et une volatilité accrue des prix des matières premières, ce qui affectera les recettes d’exportation des pays africains.

Avant ce conflit commercial, le ralentissement de la croissance économique et l’offre abondante de pétrole depuis 2024 avaient déjà provoqué une chute des prix mondiaux des matières premières, avec un recul dans les prévisions de 12 % en 2025 puis de 5 % en 2026, marquant la fin de l’envolée des prix liée à la reprise économique après la crise Covid et l’invasion russe de l’Ukraine.

Si les tensions commerciales s’intensifient ou si l’incertitude s’aggrave, la demande globale de matières premières risque de s’affaiblir encore davantage, et les prix de baisser.

Déjà confrontés à des coûts d’emprunt élevés et à un accès limité aux financements extérieurs, les pays d’Afrique subsaharienne doivent mobiliser chaque année plus de 70 milliards de dollars de financements extérieurs bruts pour couvrir leurs besoins, soit environ 6 % de leur PIB régional. La hausse des tensions commerciales risque d’aggraver ces défis, en accentuant l’aversion pour le risque des investisseurs et en rendant plus difficile l’accès aux marchés financiers internationaux.

Choc sur les taux souverains africains

La montée de l’aversion pour le risque a déclenché une forte vente des obligations souveraines africaines, provoquant une hausse généralisée des spreads souverains. Les spreads des obligations souveraines africaines ont augmenté en moyenne d’environ 100 points de base en quelques semaines. Cette hausse du coût du risque rend le refinancement externe plus difficile pour les pays africains, malgré des tentatives de stabilisation des marchés après l’annonce d’un arrêt partiel des nouveaux tarifs le 9 avril.

Les primes de risque plus élevées devraient persister au-delà du choc immédiat, dans un contexte de durcissement des conditions financières mondiales, de ralentissement de la croissance globale et de volatilité accrue des marchés des matières premières. Ce nouvel environnement fragilise particulièrement les économies d’Afrique subsaharienne qui dépendent des marchés internationaux pour leur financement.

Effet des nouveaux tarifs américains sur la projection de croissance

Après plusieurs années de crises successives, l’Afrique était bien engagée dans une reprise progressive. Ce dynamisme reposait sur la reprise des investissements publics, le rebond des exportations de matières premières et la diversification économique en cours.

Toutefois, le durcissement des conditions financières mondiales, la hausse des coûts d’emprunt, le ralentissement de la demande extérieure et la baisse de certains prix de matières premières ont rapidement assombri les perspectives. En attestent les projections FMI pour 2025 et 2026 sorties ce mois-ci, en nette baisse relativement aux projections d’octobre 2024, ainsi le FMI a abaissé sa prévision de croissance pour l’Afrique en 2025, de 4,2 % à 3,8 %, en raison de ces incertitudes accrues. The Conversation Afrique

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