Réunir les décideurs à l’international de l’Afrique et partager les connaissances étaient les enjeux de la première édition de l’Aerospace African Forum.
Casablanca a accueilli, l’ « Aerospace African Forum », un premier événement continental et mondial pour débattre des enjeux du futur de l’aviation africaine.© Thierry Vigoureux
Environ 250 participants, 40 nationalités représentant l’Afrique, l’Europe et les États-Unis. Absente, la Russie, bien sûr, mais aussi l’Asie. Ce premier Aerospace African Forum est indéniablement un succès avec une formule pertinente d’une manifestation calée sur 24 heures alternant tables rondes et pauses qui ont permis aux dirigeants de l’aviation civile, des compagnies aériennes, des aéroports de prendre langue. Dès la plénière d’ouverture avec le thème « Quel transport aérien après la crise ? », le ton est donné. Au lieu de donner classiquement la parole aux PDG de grandes structures, l’organisation de l’AAF a demandé à cinq femmes qui comptent dans l’aérien de s’exprimer. Ce choix n’est pas anodin quand on connaît le rôle décisionnel de la femme en Afrique. Ainsi se sont succédé au micro Yvonne Makolo, PDG de Rwandair, Poppy Khoza, PDG de The South African Civil Aviation Authority, Yannick Assouad, vice-présidente, directrice de Thales Avionique, Adefunke Adeyemi, secrétaire générale de The African Civil Aviation Commission. La modération était assurée par Gesche Wüpper, présidente de l’Association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace.
2,1 % du marché mondial
On constate que, globalement, le transport aérien en Afrique s’est reconstitué après la pandémie. En 2022, selon IATA, l’association mondiale des compagnies aériennes, le trafic passagers global pour l’ensemble des compagnies d’Afrique a connu une progression de 89,2 % par rapport à l’année 2021, avec un taux de remplissage moyen de l’ordre de 71,7 % pour les vols. Cela correspond néanmoins à la plus faible performance de l’année suivant les différentes régions du monde. Les chiffres actualisés indiquent en effet que la part de l’Afrique sur le marché mondial est d’environ 2,1 %.
Cette crise n’a donc pas été l’occasion de combler les défaillances structurelles. Ainsi pour arriver à Casablanca d’un des 54 pays africains ayant une activité aérienne internationale, plusieurs participants à l’AAF ont dû passer par l’Europe ou les aéroports du Golfe, faute de correspondances en Afrique même. Trop de pays sont enclavés, à peu près correctement reliés entre eux au sein des régions comme l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et du Centre, l’Afrique de l’Est et l’Afrique du Sud. Dès qu’il faut relier une métropole d’une région à une ville moyenne d’une autre, ce peut être l’opération impossible. Les États doivent assurer la liberté du transport aérien et ne pas restreindre l’accès au marché, ont souligné plusieurs orateurs déplorant que le régime des taxes et redevances plombe le coût des billets.
Des coûts encore exorbitants pour l’Afrique
Autre sujet sensible, la décarbonation du transport aérien en Afrique est difficile à faire accepter quand ce secteur ne représente que 0,04 % des émissions mondiales. « Éradiquer la pauvreté extrême reste une priorité », soulignait un participant, « or tout coût supplémentaire pour un vol peut être critique et laisser au sol une grande partie de population ». Le recours au carburant décarboné (SAF) est très coûteux. Actuellement indisponible en Afrique, il est facturé quatre à cinq fois plus cher que le kérosène en Europe. Or le carburantaviation classique peut déjà coûter 15 à 25 % plus cher sur un aéroport africain qu’en Europe.
Par notre envoyé spécial à Casablanca, Thierry Vigoureux