juin 8, 2025
LA SOCIÉTÉ "MY MEDIA GROUP " SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU QUOTIDIEN "DAKARTIMES" DERKLE CITE MARINE N° 37. EMAIL: courrierdkt@gmail.com. SITE WEB: www.dakartimes.net.
A la une

AFRIQUE : Vers une croissance et une résilience plus solides

À l’occasion du retour des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI sur le continent africain pour la première fois depuis 50 ans, et plus précisément à Marrakech, au Maroc, ce dossier spécial sur l’Afrique traite de la conjoncture économique de l’ensemble du continent.

Après quatre années de crises et au terme d’une nouvelle année difficile, les événements récents (séisme dévastateur au Maroc, inondations destructrices en Libye et répercussions du cyclone Freddy au Malawi) ont démontré la vulnérabilité actuelle du continent aux catastrophes naturelles  et la nécessité de renforcer la résilience. De timides signes d’amélioration des perspectives à court terme sont toutefois présents dans nombre de pays d’Afrique : l’inflation est généralement en baisse, l’activité économique commence à se redresser et les déséquilibres budgétaires se résorbent progressivement. Cependant, il reste des défis considérables à relever et il est trop tôt pour crier victoire. Pour un trop grand nombre de pays, l’inflation demeure trop élevée, les facteurs de vulnérabilité de la dette restent importants et les taux de croissance à moyen terme sont trop faibles.

Les épisodes récents d’instabilité politique soulignent également la fragilité des États touchés par un conflit. Dans un tel contexte, les décideurs africains devraient privilégier les mesures visant à renforcer la résilience, en garantissant la stabilité macroéconomique et en accélérant les réformes structurelles pour favoriser une croissance plus forte et plus inclusive. La communauté internationale devrait maintenir et intensifier sa stratégie de coopération pour offrir des biens publics mondiaux. Dans le cas de l’Afrique, il est primordial d’être présent aux côtés des pays les plus vulnérables, frappés par le changement climatique et les conflits.

Le présent dossier spécial porte sur les 54 pays du continent africain : les 45 pays présentés dans les Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne et les 9 pays d’Afrique du Nord présentés dans les Perspectives économiques régionales : Moyen-Orient et Asie centrale.

Évolution récente et perspectives

Ce fut une nouvelle année difficile. Le resserrement de la politique monétaire dans de nombreux pays, provoqué par la hausse rapide et généralisée de l’inflation en 2022, continue de peser sur la croissance mondiale en 2023. De nombreux pays du continent africain ont ainsi constaté un ralentissement de la demande extérieure, une hausse des taux d’intérêt intérieurs, des écarts de taux d’intérêt souverains prononcés et des pressions constantes sur les taux de change. Ces facteurs, conjugués à des niveaux d’endettement élevés et à des problématiques structurelles profondes, ont réduit l’accès aux financements extérieurs, constituant un choc supplémentaire pour un continent qui se relève tout juste de la pandémie de COVID-19. En conséquence, la croissance en Afrique, à 3,2 % en 2023, devrait poursuivre son déclin amorcé en 2021 (tableau 1).

Dans le même temps, la croissance mondiale devrait ralentir pour se situer à 2,9 % en 2023, en baisse par rapport au taux de 3,5 % l’an dernier. Toutefois, l’inflation mondiale aussi régresse lentement, et, même si la hausse des taux d’intérêt s’annonce plus élevée et plus longue dans nombre de grands pays, le cycle de resserrement des politiques monétaires est vraisemblablement proche de son maximum et les conditions financières mondiales ont commencé à se détendre quelque peu. Pour de nombreux pays du continent africain, en particulier ceux dont les fondamentaux sont relativement plus solides, cette évolution a permis d’atténuer au moins légèrement la pénurie de financement en réduisant les écarts de taux d’intérêt souverains. Cependant, les coûts d’emprunt restent élevés de manière générale.

Avec le retour à la normale des chaînes d’approvisionnement mondiales, les principaux points de blocage ont pu être désengorgés et les cours de plusieurs produits de base ont baissé par rapport aux pics atteints durant la pandémie. Les prix internationaux des denrées alimentaires ont notamment chuté de plus de 20 % au cours des 18 derniers mois. Même s’il s’agit d’une évolution appréciée sur un continent qui reste aux prises avec une forte crise du coût de la vie, d’importantes fluctuations affectent encore les prix de l’énergie. Il est estimé qu’environ un tiers de la population vit avec moins de 2,15 dollars par jour.

Sur le continent africain dans son ensemble, de timides signes d’une reprise progressive de l’activité économique sont présents. Dans un petit nombre de grands pays africains, l’activité a été plus solide que prévu au premier semestre de l’année, grâce à une reprise continue dans le secteur des services, au regain du tourisme, à une augmentation plus forte qu’anticipé des envois de fonds des travailleurs migrants, à l’augmentation de la production agricole et à l’extraction des ressources. En outre, dans certains pays riches en ressources naturelles, cet accroissement de l’activité extractive a bénéficié de la mise en service (ou de la réparation) d’un certain nombre de projets d’hydrocarbures (Niger, Sénégal) et du démarrage de la production d’un certain nombre de projets miniers (Libéria, Mali, République démocratique du Congo, Sierra Leone).

En conséquence, la croissance sur le continent africain devrait se renforcer pour atteindre 3,8 % en 2024 (graphique 1), grâce en partie au léger assouplissement des conditions financières mondiales, et en raison de la normalisation de la demande sur l’ensemble du continent. Contrairement à 2023, la croissance devrait décoller en 2024 sous l’effet de la hausse de la consommation et de l’investissement privés dans trois quarts des pays de la région environ.

Cependant, il convient de noter que le continent africain renferme une grande variété de pays hétérogènes (graphique 2). En Afrique subsaharienne, par exemple, les pays pauvres en ressources naturelles comptent parmi eux un certain nombre des économies les plus diversifiées et les plus dynamiques du continent (Kenya, Rwanda, Sénégal, par exemple), où la croissance devrait atteindre en moyenne 5,9 % en 2024. En Afrique du Nord, en revanche, la croissance dans les pays non producteurs de ressources naturelles devrait être relativement terne l’an prochain, passant de 3,7 % cette année à 3,5 % en 2024, en raison essentiellement d’un ralentissement en Égypte. Plus généralement, la reprise de la croissance en Afrique du Nord à 3,5 % l’an prochain (pour les pays riches en ressources naturelles comme pour les autres) repose sur des évolutions propres à cette sous-région, notamment celles liées à la guerre au Soudan.

Alors même que la croissance s’accélère, l’inflation diminue. Après s’être stabilisée vers la fin de l’année 2022, l’inflation annuelle médiane sur le continent africain a culminé en décembre 2022 à 10 % avant de retomber à près de 7¼ % en juillet 2023 (graphique 3). Mais une forte hétérogénéité demeure sur l’ensemble du continent : environ un tiers des pays continue d’enregistrer une inflation à deux chiffres (ou supérieure).

Les déséquilibres budgétaires se résorbent lentement dans une situation où la marge de manoeuvre des pouvoirs publics est généralement limitée. En 2020, le déficit médian (hors dons) a nettement augmenté pour atteindre 7,9 % du PIB, en raison des effets négatifs de la pandémie sur les recettes et de la nécessité de protéger les populations les plus vulnérables du continent. En conséquence, la dette publique a aussi nettement augmenté, passant d’environ 56 % du PIB en 2019 à 66 % en 2020. Mais seul un petit nombre de pays dispose de la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour faire face durablement à un tel accroissement, et, dans la plupart des pays, les autorités ont commencé depuis lors à rééquilibrer leurs finances publiques. En conséquence, malgré la hausse des taux d’intérêt, les niveaux d’endettement ont en général légèrement diminué, mettant un terme à une tendance à la hausse depuis 15 ans, même s’ils demeurent élevés, à environ 65 % du PIB en 2023.

Défis des pouvoirs publics : faire advenir le siècle de l’Afrique

La reprise prévue de la croissance n’a que trop tardé, mais n’est pas garantie. Le continent africain reste confronté à une série de défis redoutables pour sa stabilité économique à court terme, et sa résilience future ainsi que sa prospérité à long terme dépendent fondamentalement de réformes structurelles souvent difficiles. Le tremblement de terre au Maroc, les inondations en Libye et le cyclone au Malawi nous rappellent impitoyablement les ravages que peuvent provoquer les catastrophes naturelles imprévisibles et les phénomènes météorologiques. Dans le même temps, un certain nombre d’autres risques pourraient se concrétiser : une volatilité accrue des cours des produits de base aurait des effets sur les pays exportateurs de ressources naturelles et sur les pays importateurs, ou un ralentissement de l’économie chinoise réduirait la demande mondiale, avec des conséquences néfastes pour le continent.

Dans l’immédiat, l’inflation reste trop élevée et sujette à risque. Bien que les taux aient tendance à baisser dans presque deux tiers des pays africains, l’inflation demeure supérieure aux niveaux prépandémiques dans la plupart des cas, aggravant le problème du coût de la vie auquel sont confrontées les populations les plus vulnérables du continent. Dans ce contexte, l’inflation des prix des denrées alimentaires est toujours à deux chiffres pour le pays médian, ce qui laisse présager une aggravation de l’insécurité alimentaire. Selon les estimations, 158 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë en Afrique, soit environ 13 % de la population. La suspension de l’Initiative céréalière de la mer Noire est une évolution inquiétante qui risque de pousser de nouveau à la hausse les cours mondiaux des denrées alimentaires. En outre, les prix élevés du pétrole pourraient se répercuter sur les prix des denrées alimentaires, notamment par le biais du prix des engrais.

En outre, la dette publique présente de forts facteurs de vulnérabilité. Plus de la moitié des pays du continent admissibles aux prêts concessionnels du fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance du FMI affichent un risque élevé de surendettement ou sont déjà surendettés. Par ailleurs, avec la généralisation ces dix dernières années du financement sur le marché, plus onéreux, les obligations au titre du service de la dette ont fortement augmenté pour les pays emprunteurs à faible revenu ou à revenu intermédiaire. Le ratio du paiement des intérêts de la dette publique par rapport aux recettes (hors dons) est actuellement de 10 % pour le pays africain médian, soit plus du double du ratio d’il y a dix ans et le triple du niveau constaté dans les pays avancés, reflétant en partie les difficultés de longue date que rencontre le continent dans la mobilisation des recettes intérieures. Le respect de ces obligations au titre du service de la dette empêche les pays de procéder à des dépenses essentielles pour d’autres priorités de développement, telles que la santé, l’éducation et les infrastructures.

Pour l’avenir, les perspectives générales de croissance à moyen terme sont mitigées. L’Afrique est un continent vaste et diversifié, et un certain nombre de pays s’en sortiront mieux que d’autres. En effet, les résultats de nombreux pays, en particulier certains des plus diversifiés, continuent d’être impressionnants. Toutefois, trop de pays africains vont devoir continuer de batailler pour engendrer la croissance économique soutenue, inclusive et riche en emplois dont ils ont besoin afin de regagner le terrain perdu lors de cette récente crise de plusieurs années ou de tenir le rythme de la croissance démographique du continent. Pour assurer une nouvelle trajectoire de croissance, les pays devront dans bien des cas adopter un nouveau modèle de croissance où l’activité se développera au-delà d’un petit nombre de secteurs extractifs isolés et où le secteur privé jouera davantage un rôle moteur en vue de stimuler l’investissement, la productivité et, la compétitivité. Pour cela, il conviendra d’investir dans les infrastructures et les services de base (tels que l’éducation), et, plus important encore, de procéder à des réformes de grande ampleur.

Enfin, les épisodes récents d’instabilité politique, avec 11 coups d’État ou tentatives de coups d’État dans la seule région du Sahel depuis 2020, mettent en évidence les inquiétantes conséquences d’une fragilité chronique. Près de 40 % des pays du continent africain sont classés en situation de fragilité ou de conflit. Et alors que les coûts économiques de l’instabilité politique sont bien connus, la fragmentation géoéconomique croissante aggrave les tensions politiques et sociales dans un certain nombre de pays fragiles, notamment au Sahel. La guerre qui a éclaté au Soudan en début d’année, par exemple, a dégénéré en l’une des pires crises humanitaires qu’ait connue l’Afrique. Exacerbé par l’inflation et la détérioration de la sécurité alimentaire, le conflit s’est intensifié en avril, entraînant le déplacement forcé de plus de 5 millions d’habitants et laissant plus de 20 millions de personnes, soit 42 % de la population du pays, dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë. Parmi les personnes déplacées, plus d’un million cherchent refuge dans les pays voisins, mettant de nouveau à rude épreuve les ressources sociales et financières de la région, déjà très sollicitées (graphique 4). Outre les risques inhérents aux frictions internes, les pays fragiles ou touchés par un conflit sont particulièrement exposés aux événements exogènes, tels que les chocs climatiques : à la suite de phénomènes climatiques extrêmes, les pertes de production cumulées peuvent atteindre environ 4 % dans les pays fragiles, contre environ 1 % dans d’autres pays (Jaramillo et al., 2023). Ces pertes limitent ensuite la capacité des pays à se protéger contre de futurs chocs internes ou externes. Priorités d’action : résilience, transformation et coopération

Résilience : assurer la stabilité macroéconomique

Malgré l’amélioration actuelle de la situation économique à court terme, l’Afrique a encore un long chemin à parcourir. Dans nombre de pays, l’inflation demeure élevée, l’état des finances publiques, précaire, et la confiance, limitée. S’ils devaient persister, ces forts déséquilibres rendraient le continent beaucoup plus vulnérable aux chocs. Pour garantir une reprise plus stable et plus durable, il est important que les autorités des pays africains s’abstiennent d’assouplir prématurément la politique monétaire et restent attachées à leurs projets d’assainissement des finances publiques.

Les mesures de politique monétaire doivent rester fermement axées sur la stabilité des prix. C’est là une priorité pour remédier à la crise du coût de la vie sur le continent, qui permettrait en outre de renforcer la crédibilité des banques centrales et la résilience macroéconomique dans son ensemble. En Afrique, comme ailleurs, la capacité des autorités à contenir l’inflation en cas de chocs mondiaux doit beaucoup aux améliorations apportées aux cadres d’action ces vingt dernières années : dans de nombreux pays, les améliorations apportées à l’indépendance de la banque centrale, aux cadres de ciblage de l’inflation, à la flexibilité des taux de change, à la réglementation macroprudentielle et à la communication ont toutes joué un rôle fondamental. Il importe toutefois de prendre des mesures pour poursuivre ces améliorations et renforcer encore la crédibilité, compte tenu notamment des défis posés par les récents chocs inflationnistes.

ƒDans les pays où l’inflation demeure élevée et persistante, un nouveau resserrement de la politique monétaire reste approprié jusqu’à ce que l’inflation montre clairement qu’elle est en bonne voie d’atteindre les objectifs des autorités. Cette stratégie est essentielle pour préserver la crédibilité et maintenir l’ancrage des anticipations d’inflation à long terme.

ƒ Dans les pays où l’inflation est en baisse, mais demeure élevée, le maintien d’une politique monétaire restrictive restera approprié jusqu’à ce que l’inflation globale et l’inflation hors alimentation et énergie, ainsi que les anticipations d’inflation à court terme, convergent résolument vers leur objectif. L’orientation de la politique monétaire doit donc reposer sur des données. Lorsque les conditions le permettront, les banques centrales qui envisagent un assouplissement progressif vers une orientation plus neutre devront veiller à ce que la demande intérieure ne menace pas de raviver les pressions sur les prix.

Dans certains cas, les mesures devront être mises en œuvre dans un contexte marqué par des pressions continues sur les taux de change (graphique 5). Le resserrement des politiques monétaires dans les pays avancés a non seulement entraîné une hausse des coûts d’emprunt mondiaux, mais également exercé une pression à la baisse sur de nombreuses monnaies africaines. Pour les pays à parité fixe, la stabilité implique que les autorités ajustent le dosage des mesures (notamment celles de politique budgétaire) pour soutenir la parité. Pour les pays avec des dispositions plus souples, il convient de laisser les monnaies s’ajuster autant que possible dans le cadre de politiques monétaires rigoureuses, tout en gardant à l’esprit les risques pour la stabilité financière. À cet égard, un certain nombre de pays disposant de réserves limitées et souhaitant résister à une dépréciation ont parfois été conduits à recourir à des rationnements des devises ou à des contrôles des prix ayant des effets de distorsion.

Le rationnement peut priver les entreprises d’importations indispensables, perturber la production, encourager l’informalité et décourager les entrées de capitaux. Ainsi, au lieu d’éviter les coûts de l’ajustement, une telle résistance risque au contraire de nuire à la croissance et d’aggraver la pénurie de financement.

La politique budgétaire doit continuer de rééquilibrer les finances publiques tout en apportant une aide sociale ciblée aux populations les plus vulnérables, permettant ainsi de reconstituer les marges de manoeuvre épuisées pendant la crise et de réduire les risques liés à la viabilité de la dette (graphique 6). À cet égard, les réserves budgétaires sont d’une grande importance pour assumer les réponses aux catastrophes et la reconstruction au lendemain de celles-ci, notamment après des événements tels que le cyclone Freddy, le tremblement de terre au Maroc, les inondations en Libye et les épidémies de choléra dans diverses régions d’Afrique. Pour reconstituer ces réserves budgétaires, il conviendra en partie d’examiner attentivement les priorités en matière de dépenses : réduire les subventions généralisées des prix et (dans quelques cas) les salaires élevés de la fonction publique, tout en gardant un espace pour les dépenses de développement fondamentales (en matière d’éducation, de santé et d’infrastructure, par exemple). Il conviendra de compléter cet effort en renforçant les mesures d’accroissement des recettes, notamment en élargissant l’assiette des impôts grâce à une réduction des dépenses fiscales (qui ont un effet de distorsion), une amélioration de la conception de l’impôt (plus progressive) et un renforcement de l’efficacité de l’administration fiscale.

Pour la plupart des pays d’Afrique, les mesures budgétaires ci-dessus devraient suffire à maintenir la viabilité des finances publiques. Mais, pour un petit nombre d’entre eux, ces mesures pourraient ne pas être suffisantes. Lorsque la dette n’est pas viable, il est dans l’intérêt de tous de veiller à ce qu’elle soit rapidement résolue. Dans un certain nombre de pays (Éthiopie, Ghana, Tchad et Zambie), les autorités ont dialogué avec leurs créanciers pour restructurer leur dette par l’entremise du Cadre commun du G20 pour le traitement de la dette. Bien que ce cadre soit encore en cours d’amélioration, les récentes restructurations de dette ont permis d’acquérir une précieuse expérience et de clarifier la feuille de route qui pourra être suivie par les créanciers et les débiteurs à l’avenir.

En outre, dans un environnement caractérisé par des niveaux d’endettement et des taux d’intérêt élevés, la présence de cadres budgétaires crédibles à moyen terme peut non seulement ancrer la trajectoire d’assainissement des finances publiques, mais aussi rassurer les marchés quant à l’attachement des autorités à la discipline budgétaire et, par conséquent, réduire les coûts d’emprunt, en particulier si ces cadres sont assortis d’une capacité à gérer la dette efficacement. En outre, des cadres budgétaires clairs et crédibles sont d’une importance particulière pour les pays riches en ressources naturelles, où les dépenses doivent résister à la volatilité des cours des produits de base, évitant ainsi les cycles d’expansion et de récession des investissements publics qui peuvent nuire à la croissance à long terme.

Coopération : lutter contre la fragilité pour favoriser la croissance

Au moment même où l’Afrique s’intègre dans l’économie mondiale et promet de fournir une part croissante et importante de la main-d’oeuvre mondiale, cette évolution est mise en péril par la fragmentation géopolitique : les liens commerciaux s’effritent, et les restrictions sur les migrations, les flux d’investissement et les transferts de technologie ne cessent de s’intensifier. Si cette tendance se poursuit, elle affaiblira les perspectives de croissance en

Afrique et dans le monde entier. Mais, tout aussi préoccupant, l’aggravation de la fragmentation porte atteinte à la coopération pour produire des biens publics mondiaux (lutte contre le changement climatique et les pandémies, sécurité alimentaire) et limite ainsi la capacité de la communauté internationale à répondre comme il se doit aux chocs : le monde se retrouve à la fois plus limité dans ses possibilités et plus empreint d’incertitudes.

En Afrique, peu de pays disposent de la technologie, des ressources financières et des capacités nécessaires pour répondre, par eux-mêmes, aux chocs économiques. Cela est surtout problématique pour les pays fragiles ou touchés par un conflit, qui sont particulièrement vulnérables face aux chocs extérieurs tels que l’inflation des prix des denrées alimentaires, les pandémies et les risques climatiques. Lorsqu’un État échoue, les conséquences s’arrêtent rarement à ses frontières : au contraire, elles se répercutent sur d’autres groupes de pays, souvent sur plusieurs générations. En conséquence, la lutte contre les conflits et la fragilité des États constitue un bien public mondial fondamental.

La communauté internationale devrait intensifier ses efforts pour venir en aide aux pays en difficulté. Cela est particulièrement important dans des régions telles que le Sahel, où une succession de chocs mondiaux, coïncidant avec des crises sécuritaires, humanitaires et économiques, menacent d’ébranler les institutions nationales. Même dans les situations les plus difficiles, le dialogue avec les institutions financières internationales peut jouer un rôle primordial dans la stabilisation des pays fragiles ou touchés par un conflit, contribuant ainsi à favoriser une croissance inclusive.

ƒ Dans le cadre de cette démarche plus large, le FMI met en oeuvre sa stratégie en faveur des pays fragiles ou touchés par un conflit afin d’apporter un appui plus solide et mieux adapté aux pays vulnérables. ƒ Il importe de noter que, selon cette stratégie, le FMI doit ajuster ses interventions en fonction des marges de manoeuvre limitées de ces pays. Les conseils stratégiques et l’assistance technique doivent accorder une attention particulière aux principaux facteurs de fragilité tels que la gouvernance et la corruption, l’insécurité alimentaire, le changement climatique ou les répercussions des conflits voisins au sein de la région. Les financements doivent également être flexibles et bien calibrés pour relever les défis à venir Comment le FMI aide ses pays membres sur le continent africain

Outre une attention particulière renouvelée à l’égard de ses pays membres les plus vulnérables, le FMI reste déterminé à soutenir les pays africains en leur offrant des conseils stratégiques, en favorisant le développement des capacités et en apportant une assistance financière. Les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI à Marrakech en 2023 seront l’occasion d’un dialogue d’envergure sur les défis stratégiques auxquels sont confrontés les pays du continent et du monde entier.

La crise des quatre dernières années a montré que le FMI pouvait fournir un appui décisif aux pays africains, en particulier à ceux ayant des marges de manoeuvre limitées. La demande d’assistance a considérablement augmenté au cours de la période 2020–22, et le FMI a fourni des conseils stratégiques et des financements à hauteur de 45 milliards de dollars depuis le début de la pandémie, en grande partie à des conditions concessionnelles très favorables, ainsi que 34 milliards de dollars en allocations de droits de tirage spéciaux, pour un total d’environ 80 milliards de dollars. Trente pays africains ont conclu des accords de financement avec le FMI, et 3,8 milliards de dollars ont été décaissés jusqu’à présent en 2023. Depuis décembre 2022, six pays (Kenya, Maroc, Niger, Rwanda, Seychelles et Sénégal) ont reçu l’approbation d’un accord dans le cadre du fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité récemment mis en place, ce qui les aidera à mieux se préparer aux chocs climatiques. Le Burkina Faso, la Guinée, le Malawi et le Soudan du Sud ont reçu 358 millions de dollars du nouveau guichet de financement des ripostes aux chocs alimentaires pour renforcer leur capacité à surmonter la crise alimentaire mondiale. En début d’année, le FMI a également approuvé un accord pour une ligne de crédit modulable en faveur du Maroc, afin de renforcer ses réserves extérieures.

Toutefois, la capacité du FMI à continuer de prêter à des niveaux élevés dépendra de la disponibilité des ressources concessionnelles. C’est un défi que le FMI s’efforce de relever, notamment en encourageant ses pays membres à annoncer leurs contributions au fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance.

Au lendemain d’une longue crise et au moment où un certain nombre de signes d’optimisme pointent à l’horizon, le moment est venu pour le continent africain et la communauté internationale d’unir leurs forces. Soutenir le développement de l’Afrique permettra à l’économie mondiale de devenir plus résiliente et plus prospère pour le bien de tous.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *