Plus que jamais, le Royaume jouit d’une crédibilité établie au sein de la communauté internationale, illustrée notamment par le soutien apporté par la majorité des pays à son plan d’autonomie au Sahara. Suffisant pour lui permettre d’accéder à un statut de membre permanent du Conseil de sécurité ?
C’est finalement Omar Hilale qui aura craché le morceau. “Le Royaume est éligible à devenir membre du Conseil de sécurité parce que, tout simplement, le critère fondamental pour devenir membre est de contribuer à la paix et la sécurité dans le monde notamment en contribuant aux forces de maintien de la paix”, a estimé le représentant permanent du Maroc à l’Organisation des Nations unies (ONU), en marge des Atlantic Dialogues organisés du 12 au 14 décembre 2024 à Rabat. Une véritable déclaration d’intention de la part d’un des diplomates marocains les plus en vue du moment, et sans doute, derrière aussi, des pouvoirs publics, en vue de prétendre à une place permanente au sein de la plus haute instance onusienne. C’était, en tout cas, dans le pipe, depuis que le 12 septembre 2024, les États-Unis s’étaient exprimés favorablement à l’élargissement de la composition du Conseil de sécurité à au moins deux autres pays africains; et qui de mieux, justement, que le Maroc, à la lumière du leadership continental qu’il a assis au cours des dernières décennies sous la conduite du roi Mohammed VI ? Sur le plan de l’Afrique, le Royaume est, ainsi, devenu, un acteur à la fois crédible et incontournable, où une grande partie de la politique africaine se décide, et en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, il est naturellement à être indiqué pour porter à l’international la voix du continent et de ses peuples. Mais c’est aussi que cette image positive au sein de la communauté internationale, le Maroc en jouit également auprès d’interlocuteurs non-africains, notamment de l’autre rive de la Méditerranée où, en Europe, les pays s’empressent de plus en plus à vouloir nouer une relation de coopération fructueuse avec Rabat. Un simple fait, le plus éloquent sans doute, pour l’illustrer? La prééminence désormais indéniable accordée à l’initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie dans la région du Sahara, sachant que la position adoptée eu égard au différend autour des provinces du Sud est, selon le propre mot de Mohammed VI, le “prisme” à partir duquel le Maroc considère son environnement international (propos dont le Souverain s’était fendu dans son discours de la révolution du Roi et du peuple du 20 août 2022).
Avancées diplomatiques en Europe
Ainsi, puisqu’il est également temps de faire le bilan de l’année 2024, on a vu quatre nouveaux pays européens apporter leur appui à ce plan que la partie marocaine avait soumis en avril 2007 à la discrétion du Conseil de sécurité à titre de voie de règlement réaliste, à savoir la Slovénie (en juin 2024), la Finlande (en août), le Danemark (en septembre) et l’Estonie (en novembre). En l’occurrence, donc, des États où les thèses séparatistes portées par l’Algérie ont longtemps eu un certain succès, du fait de l’activisme de la voisine de l’Est auprès de partis de gauche locaux.
Mais le grand tournant, c’est bien évidemment celui de la France, qui par le truchement d’une lettre adressée le 9 juillet 2024 par le président Emmanuel Macron à Mohammed VI, en prévision de la célébration de la Fête du Trône trois semaines plus tard, rétablissait une justice historique en prenant fait et cause pour la marocanité du Sahara. “Pour la France, le présent et l’avenir [du Sahara marocain] s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine.
L’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue”, réitérait, le 29 octobre 2024 au Parlement marocain, Emmanuel Macron, à l’occasion de la visite historique de trois jours qu’il a effectuée au Maroc. Entre les lignes, c’est une véritable reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur son Sahara à laquelle la France a procédé, d’autant que couplée à elle est prévue l’inauguration d’un consulat en bonne et due forme à Dakhla; mais c’est surtout que, d’aucuns ont peut-être tendance à l’oublier, la France reste une grande puissance, membre permanent justement de ce Conseil de sécurité que lorgne désormais ouvertement le Maroc.
Mouvement séparatiste discrédité
Et à ce titre, son initiative est à mettre quasiment sur le même pied que celle des États-Unis en décembre 2020 qui, rappelons-le, avaient franchi le même pas par la voie du président Donald Trump. “Cette évolution positive (la reconnaissance française, ndlr), qui fait prévaloir le bon droit et la légitimité par la reconnaissance des droits historiques du Maroc, est portée par un grand pays, doté du statut de membre permanent au Conseil de sécurité et reconnu comme un acteur influent de la scène internationale.
Bien plus, la France possède une connaissance pointue de la nature et des soubassements de ce conflit régional”, avait à cet égard souligné, le 11 octobre 2024, Mohammed VI dans son discours d’ouverture de la session d’automne du Parlement. De ce fait, on se retrouve, en tout cas, avec au moins 20 des 27 pays de l’Union européenne (UE) qui, désormais, soutiennent l’initiative d’autonomie, et ce sur un ensemble de 113 pays dans le monde -dont 40% des pays africains, soit dit en passant. En même temps, la junte militaire algérienne ne s’est jamais autant retrouvée poussée dans ses retranchements: à ce jour, seuls 28 pays, y compris l’Algérie elle-même, continuent de reconnaître la soi-disant “République arabe sahraouie démocratique” (RASD) autoproclamée par le mouvement séparatiste du Front Polisario en février 1976 -après avoir carrément été, à un moment, 84-, et même parmi ces pays le seul qui soit véritablement militant, en dehors d’Alger, est l’Afrique du Sud, mais en définitive son hostilité à l’intégrité territoriale du Maroc reste tributaire du maintien au pouvoir du parti du Congrès national africain (ANC) -ce qui, dans le contexte démocratique sud-africain, est loin d’être une garantie. Même en Amérique latine, un des terrains de jeu favoris (et longtemps acquis) à un moment des généraux algériens pour pousser de l’avant leur bébé polisarien, un revirement est observable sur la longue durée, illustré cette année 2024 notamment par le retrait de la reconnaissance de l’entité fantomatique par l’Équateur (octobre 2024) et le Panama (novembre).
Et en Afrique, puisqu’il faut y revenir, les États font donc, de façon majoritaire, clairement leur choix actuellement. Au niveau de l’Union africaine (UA), où le couple algéro-sud-africain avait longtemps agi de concert pour nuire aux intérêts marocains, la question du Sahara marocain n’est plus du tout posée sur le tapis depuis le sommet de juillet 2018 de Nouakchott, alors qu’à un moment on se souvient que l’organisation panafricaine avait tenté de s’autosaisir directement en procédant à la nomination, en juin 2014, de l’ancien président mozambicain, Joaquim Chissano, en tant qu’envoyé spécial; aujourd’hui, on laisse ouvertement le soin au seul Conseil de sécurité de trancher, grâce au travail en coulisses du Maroc depuis son retour aux instances décisionnelles continentales en janvier 2017. Lequel Conseil de sécurité pousse lui-même, à la suite notamment du lobbying américain et français, en faveur du Maroc, après avoir jeté depuis belle lurette aux orties l’ancienne fausse bonne idée d’un soi-disant référendum d’autodétermination (dont nulle résolution ne fait mention depuis juin 2001). Et cela tombe bien: le Maroc aurait, à l’avenir, toutes les chances de pouvoir lui-même apporter de l’eau au moulin, à en croire un certain Omar Hilale.
Par Wissam El Bouzdaini