août 26, 2025
LA SOCIÉTÉ "MY MEDIA GROUP " SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU QUOTIDIEN "DAKARTIMES" DERKLE CITE MARINE N° 37. EMAIL: courrierdkt@gmail.com. SITE WEB: www.dakartimes.net.
Politique

BOCAR LY, ADJOINT AU MAIRE DE RUFISQUE-EST

« La lutte contre les inondations doit être pensée sur quinze ans, pas en urgence »

Dans un entretien accordé à Dakar Times, l’adjoint au maire de Rufisque-Est et coordonnateur départemental des FDS/Les Guelwaars, Bocar Ly, analyse sans détour le Plan de redressement économique et social (PRES), la dette et le chômage, tout en livrant sa lecture de la crise des inondations à Rufisque et en détaillant ses priorités pour transformer sa commune d’ici 2026.

Le 1er août dernier, le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté, sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye, le Plan de redressement économique et social (PRES). Quelle est votre appréciation de ce plan et en quoi peut-il répondre aux attentes pressantes des Sénégalais ?

Ce plan vise à redresser l’économie nationale et à renforcer la souveraineté économique du pays, dans un contexte marqué par un legs catastrophique de l’ancien régime. Il ambitionne de stabiliser notre économie, de restaurer la confiance entre le peuple et ses gouvernants, mais aussi de réhabiliter l’image du Sénégal auprès des investisseurs et des institutions comme le FMI. Ses finalités sont claires : relancer fortement l’activité économique de 2025 à 2029 avec un budget de 5667 milliards, ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB et engager un processus de désendettement après des années de gestion maquillée qui avaient valu au pays la suspension de certains financements.

Le Sénégal fait face à une dette massive et un chômage élevé. Quelles marges de manœuvre réelles pour le gouvernement ?

La dette, qui se rapproche de 14 000 milliards soit 83 % du PIB fin 2024, constitue un enjeu majeur. Le service de la dette absorbe entre 1600 et 1800 milliards par an, ce qui étouffe l’investissement public et alourdit la note souveraine du pays. Cela se répercute directement sur l’emploi, car les entreprises empruntent plus cher et créent moins de postes. Résultat : un chômage structurel de 21,7 % au premier trimestre 2025, bien loin des 4,9 % recommandés par le BIT. Les marges de manœuvre sont réduites, mais elles existent. Le Président Diomaye a choisi des arbitrages courageux : lutter contre le chômage, enclencher un désendettement progressif et réorienter les ressources vers l’investissement productif.

Les Sénégalais attendent des résultats rapides. Quelles mesures prioritaires doivent être visibles dès 2025 ?

Les citoyens veulent du concret, pas des promesses. Dès 2025, il faudra d’abord régler les arriérés intérieurs dus aux fournisseurs, PME, BTP et pharmacies. Ensuite, orienter les commandes publiques vers les entreprises locales afin de stabiliser l’emploi et d’en créer environ 50 000 nouveaux, directs et indirects. Dans l’agriculture, la stratégie est de générer 20 000 emplois saisonniers, réduire de 25 % les pertes post-récolte et augmenter de 10 % les revenus des producteurs. Sur les finances publiques, le gel des dépenses non essentielles (parc automobile, missions, séminaires) est indispensable. Enfin, les premières recettes issues du pétrole et du gaz, attendues dès le deuxième trimestre 2025, devraient apporter plus de 500 milliards et donner de l’air à nos finances.

Rufisque, comme d’autres communes de Dakar, vit actuellement des inondations. Quelle est la situation sur le terrain dans votre localité ?

Les inondations n’ont épargné aucune localité. À Rufisque, les quartiers Colobane, Gouye Mouride, Darou Nahim, Darou Rahmane, Diorga Montagne, Kéury Kao Darou Karim, Diokoul Kao et Arafat sont les plus touchés. Le TER et les routes autour du pôle urbain ont entravé les bassins versants naturels. L’urbanisation anarchique a aggravé la situation, avec des champs transformés en quartiers sans aménagement hydraulique adapté. Aujourd’hui, plusieurs maisons sont littéralement envahies par les eaux.

Quelles actions concrètes la mairie de Rufisque-Est a-t-elle entreprises pour soulager les populations sinistrées ?

Sous l’impulsion du maire Elimane Sakho Sembène, un dalot de 580×210 cm a été construit en 2024 pour servir d’exutoire au canal de l’Est, ce qui a réduit l’impact des inondations. Des opérations pré-hivernales ont été menées en avril dernier, et le programme PASIC du Dr Oumar Cissé a appuyé des initiatives communautaires. Un réseau de drainage des eaux pluviales, financé par l’État à hauteur de 210 millions, est en cours. À Sangalkam, le maire Pape Sow a, pour sa part, déployé 42 motopompes permettant de sortir 153 familles des eaux et a construit deux bassins de rétention.

Certains estiment que l’État a longtemps manqué de planification face aux inondations. Que proposez-vous pour une réponse structurelle et durable à Rufisque ?

Rufisque paie le prix de décennies d’absence de planification urbaine et hydrologique. Les inondations sont le résultat d’une urbanisation anarchique qui a obstrué les voies naturelles d’écoulement, de l’absence d’un schéma directeur spécifique à la ville et de réponses limitées aux pompages d’urgence. Il faut désormais une approche structurelle. Cela signifie la construction d’ouvrages hydrauliques majeurs, la création de bassins de rétention stratégiques, l’utilisation de cartographies digitales pour anticiper les flux, mais aussi une réforme de l’urbanisme pour geler les lotissements dans les zones inondables et instaurer une véritable police municipale de l’eau. Je plaide aussi pour un fonds spécial « Inondations Rufisque », géré avec transparence, et pour une mobilisation citoyenne à travers des systèmes d’alerte précoce, des formations aux métiers de l’assainissement et des actions de reboisement. Ce combat doit s’inscrire dans un horizon de dix à quinze ans, avec des résultats visibles dès deux ou trois ans.

Les populations sont souvent frustrées par le manque de résultats visibles. Comment leur redonner confiance ?

La confiance se regagne par des actes, pas par des slogans. Il faut des résultats rapides, des indicateurs chiffrés accessibles à tous et une implication directe des citoyens dans les opérations pré et post-hivernales. La transparence et la proximité sont la clé.

Vous êtes adjoint au maire et coordonnateur départemental des FDS. Comment parvenez-vous à concilier l’action locale et l’engagement national ?

Je ne distingue pas les deux. Servir Rufisque, c’est servir le Sénégal. Mon rôle local m’ancre dans les réalités quotidiennes, mes responsabilités politiques me donnent une vision nationale. Je conjugue les deux : l’attachement à ma ville et l’idéologie des Guelwaars portée par Babacar Diop, avec l’ambition d’accompagner la vision de transformation du président Diomaye.

La coalition présidentielle Diomaye Président est jugée discrète par certains observateurs. Que répondez-vous ?

La discrétion n’est pas un manque d’action. C’est un choix de sobriété. Nous préférons travailler en silence et laisser parler les résultats.

Quelle place Rufisque doit-elle occuper dans le projet politique de rupture et de souveraineté ?

Rufisque a toujours été un modèle de mobilisation citoyenne. Sa jeunesse, qui représente 60 % de la population active, son dynamisme économique et son héritage culturel en font un acteur clé de la rupture. Avec le soutien nécessaire, Rufisque peut générer à elle seule plus de 20 % de croissance locale et devenir un pilier de la transformation nationale.

Quelles priorités vous fixez-vous pour Rufisque-Est d’ici 2026 ?

Ma priorité n’est pas un poste ou un titre, mais un engagement à transformer le quotidien des 70 000 habitants de la commune. Cela signifie d’abord garantir l’accès à l’eau et à l’assainissement : réduire de moitié les zones non couvertes et atteindre 90 % de couverture grâce à de nouveaux forages et mini-réseaux. Ensuite, offrir des perspectives à la jeunesse : former et insérer 5400 jeunes dans des métiers porteurs tels que le BTP, le numérique, l’artisanat et la pêche industrielle, tout en créant un fonds local de soutien pour les initiatives des jeunes et des femmes.

Je veux aussi renforcer les infrastructures sociales. Cela passe par la construction d’un centre de santé moderne de niveau 1 entre Colobane et Thiawlène, la réhabilitation et le bitumage d’au moins 15 km de routes et la création de nouveaux espaces pour la jeunesse. Deux terrains sportifs seront réalisés, à Mérina et au camp marchand, ainsi qu’un centre socio-culturel Jacaranda. Mon ambition est claire : faire de Rufisque-Est une commune moderne, résiliente et porteuse d’espoir pour ses habitants.

 

Entretien réalisé par El Hadji Malick SARR

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *