septembre 15, 2025
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Politique

« Bonjour l’Afrique ! » : quel bilan pour les mercenaires russes de l’Africa Corps ?

Malgré une communication soignée, les mercenaires russes présents officiellement au Mali depuis cent jours peinent à contenir les groupes djihadistes et touareg.

« Bonjour l’Afrique ! » Régulièrement sur X, l’Africa Corps salue ainsi le continent africain. Un salut accompagné de photos à l’esthétique soignée. Les soldats de ce groupe paramilitaire, créé en décembre 2023 et placé sous la tutelle plus directe du ministère de la Défense russe, y apparaissent lourdement équipés, circulant à motocross et en quad sur des pistes sablonneuses.

Depuis le 6 juin, l’Africa Corps, qui reprend explicitement le nom des forces allemandes engagées en Afrique pendant la Seconde Guerre mondiale, a officiellement remplacé le groupe Wagner au Mali. Ce changement marque, selon le Timbuktu Institute, à Dakar, « l’abandon du déni plausible entretenu par le statut flou de Wagner » au profit d’une approche officielle, assumée et structurée avec l’Africa Corps. Présent depuis cent jours, quel premier bilan peut-on tirer de leur présence au Mali ?

Si l’Africa Corps a recruté majoritairement d’anciens membres de Wagner, il a également publié des offres d’emploi en Russie, de Moscou à Saint-Pétersbourg, en passant par Nijni Novgorod et Krasnodar. Outre des soldats d’infanterie, le groupe recherchait des artilleurs, des tankistes, des sapeurs, des spécialistes en défense antiaérienne et en renseignement radio-électronique. Ces profils très spécifiques laissent penser que l’Africa Corps entend mener des opérations en totale autonomie.

Malgré la perte de la base navale de Tartous et de la base aérienne de de Hmeimim, toutes les deux en Syrie, en décembre 2024, l’Africa Corps a pu acheminer des chars T-72, des blindés BTR-82 et BMP-3, ainsi que des lance-roquettes multiples BM-21 Grad. Dans une vidéo publiée le 1er juillet, on reconnaît un BMP-3 circulant dans la région de Ségou, au centre du Mali. Ce matériel lourd est débarqué notamment dans le port libyen de Tobrouk, contrôlé par le maréchal Haftar, allié de la Russie. Peu adaptés à la lutte contre des groupes djihadistes mobiles et connaissant parfaitement le terrain, ces chars et ces blindés semblent surtout destinés à protéger les régimes en place et à étouffer toute tentative de coup d’État.

Des combats réguliers avec les groupes séparatistes

Le départ officiel de Wagner du Mali survient après la lourde défaite du groupe paramilitaire près de Tin Zaouatine, village situé à la frontière algérienne, le 27 juillet 2024. Ce jour-là, environ 80 mercenaires russes ont trouvé la mort dans une embuscade menée conjointement par le GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) et le Cadre stratégique permanent pour une défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA), une alliance de groupes séparatistes touareg.

Les attaques menées contre les convois à l’aide d’engins explosifs improvisés demeurent régulières. Dès le 13 juin 2025, soit une semaine après l’arrivée officielle de l’Africa Corps, un convoi russo-malien est pris dans une embuscade dans la région de Kidal (est du pays) : environ 45 mercenaires russes et soldats maliens sont tués, 21 véhicules détruits. Le lendemain, un bombardier Soukhoï Su-24 s’écrase après avoir été touché par le Front de libération de l’Azawad (FLA) touareg.

Le 20 août dernier, le FLA a revendiqué une attaque de drones contre un regroupement de l’Africa Corps et des troupes maliennes à Tessalit qui aurait fait plusieurs victimes. Cette information a été démentie par le groupe russe sur X. Au total, une vingtaine d’attaques contre les forces russo-maliennes ont été recensées depuis l’arrivée de l’Africa Corps.

Des accusations d’exactions contre les civils

Comme Wagner, son prédécesseur, l’Africa Corps est accusé d’avoir commis des exactions contre des civils. « À Kidal, l’armée malienne et les membres de l’Africa Corps ont été accusés d’avoir perpétré des atrocités de masse. Des civils auraient été exécutés, brûlés vifs ou jetés dans des puits lors d’opérations à Ibdakan, Eghacher-Sediden et Abelel entre les 25 et 26 juin », selon l’organisation Acled (Armed Conflict Location & Event Data), qui recense 91 événements violents au Mali pour le mois d’août.

Ces violences renforcent le soutien au GSIM et au FLA. Si l’Africa Corps a installé des dispositifs anti-drones dès juin sur ses véhicules, les Touareg, probablement aidés par les services de renseignements ukrainiens, ont utilisé dès juillet des drones à fibre optique. Malgré ses moyens, l’Africa Corps semble incapable d’empêcher la dégradation de la situation sécuritaire au Mali.

En dépit de tout cela, l’Africa Corps bénéficie d’une image plutôt positive sur les réseaux sociaux. « Le passage de Wagner à l’Africa Corps s’accompagne d’une communication plus propre, voire plus étatique. Il y a un logo, des éléments de langage ministériels qui évoquent la mémoire, la professionnalisation de la guerre. Cela ressemble davantage à des communiqués officiels », analyse Dimitri Zufferey, journaliste et coauteur d’un livre sur Wagner, Wagner. Enquête au cœur du système Prigojine (Éditions du faubourg, 2023). L’Africa Corps met en avant la formation militaire dispensée à ses hommes et aux forces armées maliennes. Il s’appuie également sur des relais comme l’African Initiative, agence de presse russe liée aux services de renseignements qui relaie les faits d’armes du groupe et les initiatives russes sur le continent africain, tout en fondant des ONG. Ces dernières participent au soft power russe.

Par Clément Machecourt

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