Voici un extrait du rapport du Fmi datant du mois de Juin 2022 et qui porte sur la situation économique du Sénégal et les conséquences de la Covid-19 et la guerre en Ukraine.
1. Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont atteint leur niveau le plus élevé depuis plusieurs décennies. Cette augmentation s’est surtout accélérée avec la guerre en Ukraine. Les prix mondiaux des denrées alimentaires avaient augmenté de 23,5 % en avril 2022 par rapport à leur niveau de l’an dernier. La Russie et l’Ukraine représentent à elles deux environ 25 % des exportations mondiales de blé, 75 % des exportations d’huile de tournesol et 15 % des exportations de maïs. De gros producteurs de produits importés de première nécessité au Sénégal, comme l’huile de palme et le blé, ont imposé des interdictions d’exportations, ce qui réduit encore davantage l’offre mondiale. De surcroît, l’augmentation des coûts des combustibles et des engrais accentue les pressions haussières sur les prix.
2. Le Sénégal est particulièrement exposé à ces fluctuations de prix, compte tenu de la part importante des denrées alimentaires importées dans le panier de consommation et l’apport calorique. Plus de 70 % du riz et l’intégralité du blé sont importés, pour 64 % à la Russie et l’Ukraine. Le riz, le millet, le sorgho, le blé et le maïs constituent la base de l’alimentation des Sénégalais, qui puisent 60 % de leurs calories de la consommation de céréales. Déterminants et répercussions de l’inflation des prix des denrées alimentaires au Sénégal
3. Les prix des denrées alimentaires sur le marché intérieur au Sénégal ont épousé la courbe des prix internationaux et poussé l’inflation globale vers le haut (voir le graphique 1 du texte de l’annexe II). Le taux de transmission des prix mondiaux des denrées alimentaires et des fluctuations des taux de change sur les prix des denrées alimentaires au Sénégal sont estimés à 25 % et 36 % respectivement
4. L’inflation des prix des denrées alimentaires s’élevait à 11,3 % en avril 2022 (10,6 % en février et 10,1 % en mars) et le prix du pain a augmenté de 17 % sous l’effet de la hausse des cours internationaux du blé. Sachant que les denrées alimentaires représentent près de la moitié du panier de l’IPC5, l’inflation des prix des denrées alimentaires a eu un effet direct sur l’inflation globale annuelle (7,0 % en glissement annuel en avril 2022, contre 2,2 % à fin décembre 2021).
4. La flambée des prix des denrées alimentaires au Sénégal est alimentée par d’autres facteurs conjoncturels et structurels. Du fait de la faible fertilité de son sol, le Sénégal dépend fortement des engrais chimiques, dont les prix et la disponibilité sont lourdement affectés par la guerre en Ukraine et la hausse des coûts de l’énergie (graphique 1 du texte de l’annexe II). Les prix à l’importation du bœuf et de l’agneau, viandes essentielles provenant principalement du Mali, ont déjà augmenté de 15,7 % et 12,6 % respectivement au dernier trimestre 2021, et ils devraient encore augmenter en 2022 en raison de l’entrée en vigueur des sanctions économiques et financières contre le Mali.
5. L’augmentation des prix des denrées alimentaires aura des incidences sur la sécurité alimentaire. Les denrées alimentaires représentent en moyenne 44,1 % de la consommation totale et cette part est encore plus importante chez les ménages pauvres, qui dépensent 53,4 % de leur revenu dans la nourriture et ont peu de marges financières pour faire face à l’augmentation des prix6 Les ménages pauvres pourraient donc se retrouver de plus en plus confrontés à l’insécurité alimentaire.
6. L’augmentation des prix des denrées alimentaires pourrait également mettre en péril des progrès acquis de haute lutte dans la réduction de la pauvreté et de l’inégalité. La pauvreté reste très répandue et concentrée sur les zones rurales. En 2019, le taux de pauvreté était de 53,6 % dans les zones rurales, contre 29,9 % dans les zones urbaines. Les habitants pauvres des zones rurales sont les plus vulnérables aux chocs extérieurs tels que des flambées des prix des denrées alimentaires ou des conditions météorologiques défavorables, qui ont des incidences négatives sur leur revenu. Cependant, le taux de pauvreté au Sénégal a baissé au cours des deux dernières décennies, passant de 57 % en 2001 à 37,8 % en 2019. Au cours de la même période, les inégalités de revenus ont légèrement diminué : l’indice de Gini a baissé de 35,6 % en 2011 à 35,1 % en 20198. L’inflation des prix des denrées alimentaires pourrait rapidement effacer ces progrès.
7. Pour une petite économie ouverte dépendante des importations de denrées alimentaires comme celle du Sénégal, une augmentation des prix des denrées alimentaires pourrait créer un terrain favorable à des effets inflationnistes secondaires. L’augmentation des prix des denrées alimentaires et des combustibles a infligé au Sénégal son second choc sur les termes de l’échange le plus grave depuis deux décennies. Après une détérioration de 2,4 % en 2021, les termes de l’échange du Sénégal devraient subir une nouvelle dégradation de 2,2 % en 2022. L’augmentation des prix des denrées alimentaires et des combustibles pourrait en outre indirectement déclencher des effets secondaires sur l’inflation hors alimentation et énergie lorsque, par exemple, les salaires négociés sont indexés sur l’inflation.
Riposte des pouvoirs publics

8. Comme en 2007/20089, la riposte des pouvoirs publics a pris la forme de mesures destinées à limiter les répercussions de l’augmentation des prix mondiaux des denrées alimentaires sur les prix intérieurs (tableau 1 du texte de l’annexe II). Un premier train de mesures relatives aux recettes a été adopté en septembre 2021. Il comprenait la réduction/suspension de TVA et de droits de douane sur plusieurs denrées alimentaires de première nécessité dans la consommation des populations pauvres (blé, maïs, huile végétale, sucre). Un deuxième train de mesures adopté en février 2022 portait sur les recettes et les dépenses publiques, et sur la réglementation des prix. Les mesures complémentaires relatives aux recettes concernaient le prolongement de la suspension de droits de douane sur des denrées de première nécessité comme le riz. Sur le plan des dépenses, une augmentation des subventions a été adoptée pour la production sénégalaise de riz (32 francs CFA/kg afin d’abaisser le prix pour les consommateurs) et les intrants agricoles. Le gouvernement a baissé les prix administrés de l’huile végétale, du riz et du sucre10. L’incidence sur les finances publiques attendue en 2022 s’élève à environ 0,5 % du PIB.
9. Les pouvoirs publics pourraient envisager un panachage de mesures à court et moyen terme afin d’alléger l’impact de la hausse des prix des denrées alimentaires pour les pauvres et d’augmenter la production agricole.
• Mesures à court terme. Compte tenu de la menace pesant sur la sécurité alimentaire et des imperfections des dispositifs de protection sociale, les mesures de réduction de la taxation pourraient être maintenues provisoirement, car elles ciblent des denrées de première nécessité qui constituent la base de l’alimentation des groupes les plus pauvres. Cependant, des aides monétaires pourraient constituer une solution mieux ciblée pour apporter une aide sociale aux plus vulnérables.
• Mesures à moyen terme. Le dispositif de sécurité sociale du Sénégal devrait être renforcé en : i) mettant à jour et élargissant le Registre National Unique afin d’y intégrer non seulement les pauvres, mais aussi les personnes vulnérables aux chocs et ii) privilégiant les outils numériques pour le ciblage et le versement des aides au des ménages. Parallèlement à ce renforcement du dispositif de sécurité sociale, il conviendrait de répercuter l’augmentation des prix mondiaux sur les prix intérieurs de façon progressive afin de rendre le système plus efficient, d’atténuer les incidences de l’augmentation des prix des produits de base sur la balance des paiements, et de réduire les externalités négatives et la contrebande. Il conviendrait également de prendre des mesures structurelles afin de stimuler la production du secteur agricole, en améliorant par exemple l’efficacité des programmes d’aide à l’achat d’intrants agricoles, en particulier pour les petites exploitations et les exploitations de taille intermédiaire.
10. Une vaste campagne de communication, couplée à des mesures de transparence s’impose pour assurer l’efficacité de ces mesures à court et moyen terme. Cette communication doit porter sur le coût des allègements fiscaux et des subventions, leur distribution entre riches et pauvres 11 et l’effet d’éviction sur d’autres dépenses prioritaires (pour la santé et l’éducation, par exemple). La stratégie de communication doit avoir pour objectif de créer un large consensus quant aux bienfaits de la transmission des prix mondiaux aux prix intérieurs, combinée à des mesures ciblées pour protéger les plus vulnérables.