octobre 13, 2024
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Economie

Énergie nucléaire en Afrique : effet de mode ou nécessité pour les pays du continent ?

Plusieurs pays africains ont annoncé un ambitieux programme de construction de centrales nucléaires pour produire de l’électricité. Si très peu ont lancé les projets proprement dits, la BBC tente de comprendre pourquoi cette ambition provoque à la fois enthousiasme et méfiance.

La dernière annonce du Burkina Faso, de vouloir construire une centrale nucléaire a remis au goût du jour cette tendance devenue à la mode pour certains Etats, d’ambitionner de détenir une centrale sur son territoire.

Le pays d’Afrique de l’Ouest dirigé par les militaires est le dernier d’une série d’au moins 10 pays sur le continent. Cependant, le coût et les conditions de réalisation de la centrale nucléaire ne sont pas encore connus.

Mais les autorités se sont fixé l’objectif de créer cette centrale d’ici 2030, pour doubler la production d’électricité de ce pays où moins de 10 % de la population en zone rurale a accès à l’électricité.

Quels sont les pays africains qui ambitionnent d’avoir l’énergie nucléaire, et où en est-on avec le projet ?

Outre le Burkina Faso, le Maroc, l’Algérie, le Maroc, le Ghana, l’Egypte, l’Ouganda, le Niger, le Nigeria, la Tunisie, le Kenya, la Zambie ou encore le Soudan ont déjà déclaré vouloir passer à la production d’énergie nucléaire. Mais ces projets connaissent des fortunes diverses.

  • Égypte : 4 réacteurs en construction

C’est un projet ambitieux que l’Egypte a lancé à El Dabaa, près de la frontière méditerranéenne, en entamant la construction des unités 1 et 2, respectivement en juillet et août 2022, puis la 3 en mai 2023, le pays s’est engagé dans un projet visant à se doter d’une centrale à quatre réacteurs.

Depuis 2015, le pays est lié par un accord avec le conglomérat russe Rosatom, qui gère 70 % du marché mondial de constructions des centrales nucléaires.

Coût du projet, 30 milliards de dollars, pour une infrastructure qui doit générer 1,2 gigawatts d’énergie nucléaire, représentant 10 % de la production totale de l’électricité dans le pays. Il doit alimenter 20 millions de personnes.

Selon le calendrier officiel, les deux premiers réacteurs devraient être fonctionnels en 2028, le troisième en 2029, et le dernier qui a déjà reçu une licence du régulateur du nucléaire égyptien doit entrer en fonction en 2030.

  • Le Maroc en procédure avancée

Le royaume chérifien a l’ambition depuis des décennies, mais c’est seulement en juin 2022 qu’il a annoncé officiellement vouloir sauter le pas. Le pays dispose déjà d’un réacteur expérimental à Maârona depuis plusieurs années.

Depuis l’annonce en 2022, le pays a franchi trois étapes importantes. D’abord l’adoption en mai 2023 par le Parlement d’une loi dite de relance nucléaire, qui selon le ministère de la transition énergétique devrait permettre au pays de « produire une énergie indépendante, compétitive et décarbonée ».

En outre, le pays s’est fait inscrire sur la liste des dix pays dans le monde entrés dans la « phase de décision », selon une déclaration du patron de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique, AIEA.

Le pays a aussi obtenu, en marge de la 68e conférence générale de l’AIEA, le 16 septembre 2024, le renouvellement, pour la période 2025-2029, de la reconnaissance du Centre National de l’Énergie, des Sciences et des Techniques Nucléaires.

L’AIEA a ainsi reconnu une nouvelle fois le Centre marocain en tant que collaborateur international dans l’utilisation des techniques nucléaires et isotopiques dans les domaines de la gestion des ressources en eau, de la protection de l’environnement et des applications industrielles.

Pour l’heure, la date du démarrage des travaux de construction des centrales n’est pas connue, mais on sait que la Russie a signé un accord avec le Maroc en 2022, mettant la société d’État russe Rosatom en pole position, bien que la France et les États-Unis n’ont cessé de faire les yeux doux au royaume chérifien pour la réalisation du projet.

  • Le Ghana et leur partenariat avec les USA

Parmi les 10 pays en phase de décision tels que publiés par l’AIEA, figurent, outre le Maroc, le Kenya, le Nigeria, la Namibie et le Ghana.

Accra a signé, fin août 2024, avec les États-Unis, un accord nucléaire novateur visant à faire passer le Ghana à une production d’énergie sans carbone.

L’accord commercial conclu entre Nuclear Power Ghana (NPG) et Regnum Technology Group, un développeur américain, utilisera la technologie des petits réacteurs modulaires (SMR) de NuScale Power. Le programme nucléaire devrait aider le Ghana à répondre à sa demande actuelle d’électricité tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

L’accord, signé lors du sommet américano-africain sur l’énergie nucléaire qui s’est tenu à Nairobi, s’appuie sur des accords existants qui devraient faire du Ghana un centre régional d’excellence en matière d’énergie nucléaire. Il assurera également la formation des techniciens et des opérateurs de l’énergie nucléaire.

Le Ghana est confronté à des pénuries d’électricité qui affectent les ménages et les industries. Actuellement, 84 % des Ghanéens ont accès à l’électricité. Les autorités estiment que l’énergie nucléaire peut résoudre les problèmes énergétiques, réaliser les ambitions industrielles et lutter contre le changement climatique.

  • Le Kenya avance une date

Toujours lors du sommet Américano-africain tenu fin août, le Kenya en a profité pour officialiser son programme nucléaire à usage énergétique.

L’on retient que Nairobi veut inaugurer sa première centrale kényane située sur l’Océan Indien en 2034.

Les autorités du pays prévoient le lancement des travaux de construction de cette centrale de 1000 mégawatts en 2027, pour un coût d’environ 3,9 milliards de dollars.

Le programme ambitionne de réduire l’émission de gaz, même s’il inquiète encore les populations locales.

Pour le moment, aucune information ne filtre sur le constructeur de la centrale. On sait au moins que les autorités du pays sont assez avancées dans les échanges avec les États-Unis sur le projet.

On sait aussi que depuis quelques années, Nairobi coopère dans le domaine du nucléaire avec la Chine, la Russie, la Corée du Sud et la Slovaquie.

  • Le Rwanda prend-il les devants ?

Le Rwanda semble aussi être en processus très avancé. À en croire les autorités du pays, le pays aura un réacteur expérimental d’ici 2026, pour des essais qui vont durer deux ans.

Le pays a signé en septembre 2023 un accord d’implémentation du projet avec une société canado-allemande appelée Dual Fluid Energy Inc.

Le coût de l’investissement est de 75 milliards de dollars, pour allier une technique innovante utilisant du combustible liquide et du liquide de refroidissement au plomb, ce qui entraînera moins de déchets radioactifs, selon l’Office rwandais de l’énergie atomique cité par l’agence de presse Reuters.

Le pays pourrait devenir le premier en Afrique de l’Est à détenir une centrale fonctionnelle.

Bien que d’autres pays de la région comme l’Ouganda voisin se sont engagés sur le chemin du nucléaire. Kampala a déclaré en mars 2023, vouloir commencer à produire au moins 1 000 MW d’énergie nucléaire d’ici 2031.

  • La Namibie sur les pas de l’Afrique du Sud

L’Afrique du Sud est jusqu’ici, le seul pays du continent à disposer d’une centrale nucléaire fonctionnelle. Celle-ci l’est depuis 1984, mais sa voisine la Namibie compte lui emboîter le pas. L’AIEA considère le processus assez avancé.

Ce pays d’Afrique australe produit entre 8 et 10 % des parts mondiales d’uranium (substance utilisée pour produire de l’énergie nucléaire) selon l’AIEA et l’Association nucléaire mondiale.

Les autorités n’ont pas encore annoncé la date de démarrage de la construction d’une centrale nucléaire.

Qui construit les centrales nucléaires africaines ?

S’il n’y a pas une opposition claire entre les puissances pour la construction de ces infrastructures dans les pays africains, on entrevoit quand même une petite guerre de tranchées.

La Corée du Sud et la Russie doivent construire la première centrale Ougandaise, alors qu’une entreprise Canado-allemande est à pied d’œuvre au Rwanda voisin.

La même Russie est annoncée en Egypte, au Maroc, au Nigeria et au Burkina Faso, même si au Maroc, la France tente toujours de se positionner.

Le Kenya aussi est un terrain de bataille. Le pays est en pourparlers avancés avec les USA, alors que par le passé, les autorités de Kigali avaient signé des partenariats dans le même sens avec la Chine, la Russie, la Corée du Sud et la Slovaquie.

Pourquoi les pays africains penchent-ils pour l’énergie nucléaire ?

Dans un continent où moins de 40 %, soit moins d’un Africain sur deux, a accès à l’électricité, selon la Banque mondiale, les pouvoirs publics essaient de diversifier les sources d’approvisionnement, pour satisfaire la demande.

En Afrique de l’Ouest, par exemple, les énergies fossiles représentaient encore 79 % des sources d’énergie, dont 42 % apportés par le gaz naturel, puis les produits pétroliers, 37 %, avant de compter l’hydroélectricité qui représente 19 % des parts.

À côté des infrastructures de production hydroélectrique souvent en pénurie en période d’étiage, des pays comme l’Afrique du Sud sont fortement dépendants du charbon pour s’approvisionner, loin devant l’énergie nucléaire qui ne représente que 5 % de son alimentation.

Ces dernières années, le continent s’est tourné vers le solaire, qui ne représente ici que quelque 1 % de la production dans la zone CEDEAO, par exemple.

“En matière d’hydroélectricité, l’Afrique a des atouts importants avec les bassins du Nil, du Niger et du Congo. Mais l’hydroélectricité a ses propres limites, notamment en raison des sécheresses de plus en plus intenses et de la disponibilité limitée des sites”, analyse Claire Kerboul, l’auteure du livre l’urgence du nucléaire durable, publié en 2023, jointe par la BBC.

Si le solaire est une autre alternative, notamment pour des pays qui ne disposent pas d’un bon arrosage hydraulique, le recours à cette source au nucléaire pose encore débat en Afrique.

Même si, pour Claire Kerboul, en matière nucléaire, l’Afrique dispose de mines d’uranium qu’elle n’exploite pas pour ses besoins propres.

La physicienne nucléaire estime que le continent pourrait tirer parti du développement industriel de SMR (Small Modular Reactor) de moyenne puissance (150-250 MWe) pour remplacer ses centrales à combustibles fossiles.

« L’avantage de ces petits réacteurs tient à leur modularité et leur compacité, depuis la fabrication en série en usine jusqu’au traitement-refabrication du combustible incluant la gestion des déchets ».

Elle recommande alors l’usage de la technologie à neutrons rapides (RNR) « permettant l’économie de la ressource uranium : c’est ce qu’on appelle le nucléaire durable (économe de la ressource et produisant peu de déchets) qui est la seule solution à relativement court terme ».

Pourquoi le nucléaire inquiète la société civile africaine ?

Plusieurs points expliquent cette réticence, de la part des populations et de la société civile. D’abord pour la maîtrise de la technologie. L’usage de cette énergie renouvelable est resté pendant longtemps un tabou en Afrique, du fait de l’usage de sa matière première à des fins d’armement.

Ce que Claire Kerboul appelle « la peur de l’inconnu » exacerbée par les médias. Le nucléaire reste largement mal connu, car peu ou pas enseigné, selon elle.

« Les Africains n’ont pas encore la technologie nucléaire, ce qui les expose à de la main d’œuvre étrangère qui pourrait s’avérer plus onéreuse », estime pour sa part Didier Dinamou, spécialiste des énergies renouvelables.

L’expert pense qu’il est préférable que les pays africains investissent dans les énergies dont ils ont la maitrise, comme l’hydroélectrique et le solaire, « dont ils maîtrisent le coût et la maintenance, pour éviter une dépendance à la main d’œuvre étrangère ».

Il craint aussi que certains pays ne produisant pas l’uranium soient dépendants de leurs fournisseurs, ce qui pourrait se traduire par des pénuries ou l’explosion des prix chez le consommateur final.

Dans les pays ayant affirmé leur volonté de se doter de la technologie nucléaire, la société civile lève souvent le ton pour émettre des inquiétudes. Au Maroc, par exemple, les inquiétudes portent sur la gestion des résidus.

La gestion post-production des centrales nucléaires reste un défi. Selon la Commission canadienne de sûreté nucléaire, 97 % des déchets radioactifs sont inoffensifs, pouvant être éliminés comme de simples déchets.

Par contre, les 3 % restants sont composés de déchets de haute activité. Ils peuvent demeurer radioactifs pendant des centaines d’années.

En plus, les populations craignent des accidents dans les centrales. Les accidents dans les centrales nucléaires sont rares, mais deux sont arrivés ces dernières décennies. En avril 1986 à Tchernobyl en Ukraine et Fukushima au Japon en 2011.

Pour l’un et l’autre, les morts se sont comptés par centaines, voire par milliers. Celui de Fukushima a fait plus de 2300 morts, déplacé plus de 160 000 personnes dans la région, et affecté plus de 1150 kilomètres carrés de terres, les rendant impossibles à exploiter par l’homme.

Tirant conséquence de cet accident, le Japon a mis fin à son programme nucléaire, fermant les 54 réacteurs actifs dans le pays.

L’ONG Greenpeace, dans une de ses sorties, a par exemple déconseillé aux gouvernements africains d’investir dans ce type d’énergie, évoquant sa dangerosité. « Il existe des alternatives énergétiques moins coûteuses, plus sûres et plus durables pour l’Afrique. Il n’y a pas de place pour l’investissement nucléaire risqué », déclare l’ONG sur son site Internet.

Un avis que ne partage pas Claire Kerboul. Elle explique que L’OMS a publié les taux de mortalité par les différentes sources d’énergie dans le monde en intégrant la totalité des causes de mortalité, y compris les accidents graves.

De ce rapport, dit-elle, on retient que « les énergies fossiles (le pétrole, le charbon et le gaz) sont à l’origine de plus de 6,5 millions de morts chaque année pour chaque TWh produit. L’énergie nucléaire est, de très loin, la ressource énergétique la plus sûre en termes de santé publique pour les populations ». De BBC

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