décembre 7, 2024
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La Leçon sénégalaise, par Abderrafie Hamdi

Le 24 mars 2024, Bassirou Diomaye Faye, jeune candidat fraîchement sorti de prison, remportait l’élection présidentielle au Sénégal. À une période où le pays semblait au bord du chaos, ses adversaires l’ont immédiatement félicité pour sa victoire. Les rues, qui vibraient encore de manifestations, se sont soudainement vidées, et la vie quotidienne a repris son cours.

Huit mois plus tard, conscient qu’il ne pouvait mettre en œuvre son programme sans une majorité parlementaire, le nouveau président a dissous l’Assemblée nationale. Des élections législatives anticipées ont été organisées le 17 novembre, et son parti a obtenu une majorité confortable. Là encore, ses opposants ont reconnu leur défaite.

C’est cela, Dakar. Une capitale qui a organisé depuis 1963 pas moins de douze élections présidentielles et un nombre encore plus grand de scrutins législatifs. Comment ce peuple a-t-il acquis une telle maturité politique alors que son histoire géographique le place dans une région marquée par l’instabilité ?

À titre de comparaison, il suffit de regarder vers Alger, où, il y a moins de deux mois, Abdelmadjid Tebboune orchestrait des élections présidentielles si mal ficelées qu’elles ont suscité les moqueries internationales, à peine étouffées par la soif de gaz et de pétrole des puissances occidentales. De même, à Tunis, Kais Saïed se pavane en solitaire sur la scène électorale, interdisant et emprisonnant à sa guise, profitant de la fatigue d’une élite divisée depuis les soubresauts du printemps arabe, et d’un peuple écrasé par la pauvreté.

Au Sénégal, lorsque le président sortant a tenté de reporter l’élection présidentielle de quelques mois, la rue et les élites civiles et politiques s’y sont opposées fermement. Le Conseil constitutionnel a annulé cette décision, et le chef de l’État s’est plié à ce verdict par respect pour l’institution judiciaire.

Au Sénégal, la démocratie n’est plus un simple slogan réservé aux élites. Elle est devenue une culture populaire. L’électorat qui avait voté pour Bassirou Faye en mars lui a offert en novembre les moyens constitutionnels et légaux de tenir ses promesses. Ce même électorat sait que l’heure du bilan viendra inévitablement.

Avec cette conscience politique partagée, les Sénégalais ont dépassé même leur ancienne puissance coloniale, la France, où l’idée de “cohabitation” entre un président et un Premier ministre issus de camps politiques opposés a souvent plongé le pays dans une paralysie institutionnelle. Qui pourrait oublier les tensions entre François Mitterrand et Jacques Chirac, ou encore entre Jacques Chirac et Lionel Jospin ? Aujourd’hui encore, Paris semble engluée dans des affrontements stériles entre l’Élysée, Matignon et l’Assemblée nationale, au détriment de l’intérêt général.

Pourtant, un paradoxe subsiste : comment un pays qui a su refuser l’autoritarisme peut-il encore tolérer la corruption dans son économie, son administration et sa société ?

Le Sénégal est un des rares pays d’Afrique à n’avoir jamais connu de coup d’État, alors que ce fléau faisait jadis figure de “sport national” sur le continent. C’est aussi un pays qui, dès son indépendance, a opté pour le multipartisme à une époque où les régimes de parti unique dominaient en Afrique. Cependant, ce pays se classe encore au 169e rang mondial en matière de développement humain et au 70e rang en termes de corruption, deux fléaux qui pèsent lourdement sur le quotidien de ses habitants.

Malgré ces défis, Dakar a ancré la démocratie comme un choix collectif. C’est aussi une nation pionnière en matière de parité : dès 1963, Caroline Faye Diop devenait la première femme élue au Parlement sénégalais, un événement inédit sur le continent. Le Sénégal a également su forger une coexistence religieuse apaisée dans un pays majoritairement musulman, et a clairement défini la place de la religion dans la gestion de l’État.

Aujourd’hui, le peuple sénégalais a confié au président Bassirou Faye et à sa majorité parlementaire tous les outils nécessaires pour lutter contre la corruption et la pauvreté. Mais le chef de l’État sait mieux que quiconque que le moment du bilan arrivera, inévitablement.

C’est là la leçon sénégalaise, une source d’inspiration non seulement pour les nations du Sud, mais aussi pour les démocraties vacillantes du Nord.La Leçon sénégalaise

Le 24 mars 2024, Bassirou Diomaye Faye, jeune candidat fraîchement sorti de prison, remportait l’élection présidentielle au Sénégal. À une période où le pays semblait au bord du chaos, ses adversaires l’ont immédiatement félicité pour sa victoire. Les rues, qui vibraient encore de manifestations, se sont soudainement vidées, et la vie quotidienne a repris son cours.

Huit mois plus tard, conscient qu’il ne pouvait mettre en œuvre son programme sans une majorité parlementaire, le nouveau président a dissous l’Assemblée nationale. Des élections législatives anticipées ont été organisées le 17 novembre, et son parti a obtenu une majorité confortable. Là encore, ses opposants ont reconnu leur défaite.

C’est cela, Dakar. Une capitale qui a organisé depuis 1963 pas moins de douze élections présidentielles et un nombre encore plus grand de scrutins législatifs. Comment ce peuple a-t-il acquis une telle maturité politique alors que son histoire géographique le place dans une région marquée par l’instabilité ?

À titre de comparaison, il suffit de regarder vers Alger, où, il y a moins de deux mois, Abdelmadjid Tebboune orchestrait des élections présidentielles si mal ficelées qu’elles ont suscité les moqueries internationales, à peine étouffées par la soif de gaz et de pétrole des puissances occidentales. De même, à Tunis, Kais Saïed se pavane en solitaire sur la scène électorale, interdisant et emprisonnant à sa guise, profitant de la fatigue d’une élite divisée depuis les soubresauts du printemps arabe, et d’un peuple écrasé par la pauvreté.

Au Sénégal, lorsque le président sortant a tenté de reporter l’élection présidentielle de quelques mois, la rue et les élites civiles et politiques s’y sont opposées fermement. Le Conseil constitutionnel a annulé cette décision, et le chef de l’État s’est plié à ce verdict par respect pour l’institution judiciaire.

Au Sénégal, la démocratie n’est plus un simple slogan réservé aux élites. Elle est devenue une culture populaire. L’électorat qui avait voté pour Bassirou Faye en mars lui a offert en novembre les moyens constitutionnels et légaux de tenir ses promesses. Ce même électorat sait que l’heure du bilan viendra inévitablement.

Avec cette conscience politique partagée, les Sénégalais ont dépassé même leur ancienne puissance coloniale, la France, où l’idée de “cohabitation” entre un président et un Premier ministre issus de camps politiques opposés a souvent plongé le pays dans une paralysie institutionnelle. Qui pourrait oublier les tensions entre François Mitterrand et Jacques Chirac, ou encore entre Jacques Chirac et Lionel Jospin ? Aujourd’hui encore, Paris semble engluée dans des affrontements stériles entre l’Élysée, Matignon et l’Assemblée nationale, au détriment de l’intérêt général.

Pourtant, un paradoxe subsiste : comment un pays qui a su refuser l’autoritarisme peut-il encore tolérer la corruption dans son économie, son administration et sa société ?

Le Sénégal est un des rares pays d’Afrique à n’avoir jamais connu de coup d’État, alors que ce fléau faisait jadis figure de “sport national” sur le continent. C’est aussi un pays qui, dès son indépendance, a opté pour le multipartisme à une époque où les régimes de parti unique dominaient en Afrique. Cependant, ce pays se classe encore au 169e rang mondial en matière de développement humain et au 70e rang en termes de corruption, deux fléaux qui pèsent lourdement sur le quotidien de ses habitants.

Malgré ces défis, Dakar a ancré la démocratie comme un choix collectif. C’est aussi une nation pionnière en matière de parité : dès 1963, Caroline Faye Diop devenait la première femme élue au Parlement sénégalais, un événement inédit sur le continent. Le Sénégal a également su forger une coexistence religieuse apaisée dans un pays majoritairement musulman, et a clairement défini la place de la religion dans la gestion de l’État.

Aujourd’hui, le peuple sénégalais a confié au président Bassirou Faye et à sa majorité parlementaire tous les outils nécessaires pour lutter contre la corruption et la pauvreté. Mais le chef de l’État sait mieux que quiconque que le moment du bilan arrivera, inévitablement.

C’est là la leçon sénégalaise, une source d’inspiration non seulement pour les nations du Sud, mais aussi pour les démocraties vacillantes du Nord.

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