mai 12, 2025
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LE DESENCHANTEMENT DE L’INTERNET : Désinformation, rumeur et propagande 

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Internet fait peur. Mais Internet désenchante aussi depuis un jour particulier. Le 6 juin 2013 Edward Snowden publie, par l’intermédiaire des médias, notamment The Guardian et The Washington Post, des informations classées top-secrètes de la NSA concernant les programmes de surveillance mis en oeuvre par les gouvernements américains et britanniques. Pour justifier ses révélations, il a indiqué que son « seul objectif est de dire au public ce qui est fait en son nom et ce qui est fait contre lui ».

C’est ce moment culminant de l’Histoire d’internet que Romain Badouard a choisi comme introduction de son livre, « Le désenchantement de l’internet ». L’auteur connaît les médias, il les enseigne même. Il est de nombreuses fois cité dans le domaine scientifique en sa qualité de chercheur et son livre lui a conféré une certaine notoriété auprès du grand public.

Et on comprend pourquoi. C’est un livre basé sur les faits, qui s’appuie sur de nombreuses sources et études. L’auteur tente de dresser un état des lieux des enjeux et risques actuels de l’internet. De nombreux phénomènes, en grande partie liés à la manière de s’informer et de s’exprimer sur le web, sont expliqués par l’auteur. S’il n’a pas vocation à démystifier l’internet, il compte apporter à ses lecteurs des clés pour comprendre cet univers, qui est en passe de devenir l’ennemi de la démocratie, sans jamais nous imposer son point de vue. Romain Badouard s’emploie à rendre intelligible les vices cachés de l’internet, en rappelant que « c’est la défense de l’internet comme un bien commun qui est en train de se jouer aujourd’hui »1.

EN QUOI L’ECONOMIE DU CLIC IMPACTE-ELLE L’ENGAGEMENT POLITIQUE ?

Si internet permet l’émergence de nouvelles formes d’engagement politique et d’accès à l’information, il exerce également un fort conditionnement. Dès 1999, Lawrence Lessig avait pointé du doigt ce biais, si l’individu se conforme à un certain nombre de conventions sociales dans la vie « physique », son comportement « virtuel » est influencé par les caractéristiques techniques du web. Le code, c’est la loi : « code is law »2. Aujourd’hui, l’un des principaux objectifs des géants du numérique est de réussir à capter l’attention de leurs utilisateurs.

DE NOUVELLES FORMES D’EXPRESSION POLITIQUE

Les géants de la Silicon Valley ont ainsi une place dominante et oligopolistique pour déterminer nos usages. D’après l’auteur, ces entreprises sont en mesure de « produire de nouvelles formes sociales ». Sur Twitter, le nombre de caractères autorisé dans chaque tweet était limité à 140, jusqu’à la fin de l’année 2017, où il est passé à 280. Si les utilisateurs de la plateforme veulent publier des contenus, ils sont obligés de s’y conformer. Dans certains cas, les utilisateurs ajoutent une image avec du texte écrit pour contourner cette limitation.

On assiste alors au développement des pratiques de contournement. Comme le disait Michel de Certeau, le contournement désigne une réappropriation des codes imposés au « consommateur », grâce à des « ruses » ou « procédures »3 : « on cherche la petite phrase, on en vient plus facilement à utiliser des mots durs, on raccourcit sa pensée ». Ainsi, sur Twitter, la forme l’emporte sur le fond. Romain Badouardparle d’un « environnement d’échange à la fois simpliste, conflictuel et moralisateur ».

LA PETITION COMME MOTEUR DES NOUVELLES FORMES DE PARTICIPATION

L’avènement des réseaux sociaux a également permis le développement de nouvelles formes d’engagement politique. La pétition, méthode déjà utilisée dès le XIXème siècle connaît un nouvel essor à partir des années 2010. En 2016, les citoyens mobilisés contre la loi Travail se sont massivement mobilisés sur la plateforme Change.org, notamment grâce à une pétition lancée par Caroline De Haas qui a récolté plus d’1,2 millions de signatures4.

Cette forme de participation repose sur un principe extrêmement simple, qui ne nécessite pas de lourdes contraintes pour les individus : on parle de forme de participation dite « push button ». Cette forme d’engagement est pointée du doigt par ses détracteurs, notamment pour sa simplicité qui ne résulterait pas des motivations réelles des individus. Pour Romain Badouard, cet engagement n’est pas reconnu à sa juste valeur. Il évoque notamment une critique récurrente : « sur internet, les individus n’ont pas toujours conscience qu’ils contribuent à un mouvement d’ensemble, car ce qui compte pour eux, c’est l’expression d’un souhait personnel »5. Il avance également que ces formes de participation sont vectrices d’inclusion : peu importe le niveau de langue ou d’expression, tout le monde peut se sentir légitime pour signer une pétition.

LA PROPAGANDE INTERIEURE

Internet charrie l’idéal d’une participation décuplée, libérée des entraves physiques. Dès lors, tout individu pourrait s’exprimer librement, affranchi de toutes contraintes, y compris celle de la loi.

LE NOUVEAU WEB, DE LA TERRA INCOGNITA A LA COLONISATION

Pour comprendre la « propagande intérieure » dont il est question, il faut s’intéresser à l’avènement du web 2.0. Cette “nouvelle version” du web voit les ressources nécessaires à l’expression en ligne baisser de manière drastique, ressources qui constituaient en fait des barrières à l’entrée. Il en ressort une explosion de l’expression sur Internet qui se traduit d’abord par l’essor des blogs, puis par l’éclosion des réseaux sociaux. La production de contenus numériques connaît dès lors un essor à la fois spectaculaire et durable, qui semble bien loin de se tarir.

Notre époque voit émerger un phénomène de libération des subjectivités6, qui manifeste l’appropriation de cette liberté de publier par un large spectre censé recouvrir la diversité de la population. Chacun est libre d’exprimer son avis sur Internet, ce qui fait fleurir une infinie variété de positions sur tous les thèmes qu’il nous est possible d’imaginer.

D’UNE TERRE PROMISE A L’ENFERMEMENT IDEOLOGIQUE

C’est bel et bien un espace d’expression qui s’est ouvert, propice au dialogue et à l’échange. Internet est une nouvelle forme d’espace public, une forme d’« agora 2.0 ».

Romain Badouard fait remarquer que de nombreuses pratiques politiques sur le web ne sont qu’une adaptation numérique de comportements de la vie quotidienne. Simple en apparence, ce processus reproduit également certaines caractéristiques dont on pensait précisément qu’elles disparaîtraient sur Internet. Il n’en fut rien et c’est pourquoi la transposition numérique a créé, ou recréé, la « propagande intérieure ».

Sur le web comme dans le quotidien, les individus ont parfois le travers de se maintenir dans une certaine forme de confort. Ils choisissent soigneusement les contenus auxquels ils s’exposent. Cette homéostasie, matérialisée par une « zone de confort » idéologique, les conforte dans leurs opinions préexistantes, sans qu’il paraisse nécessaire de rechercher une autre information.

L’année 2005 a vu l’un des exemples les plus emblématiques de ce phénomène, avec le référendum relatif à la ratification française du traité constitutionnel européen. Les principaux partis politiques et les grands médias appelaient à voter « oui » à ce référendum, alors que de nombreux français ont fait le choix de recourir aux ressources du web pour obtenir d’autres informations. Cette période voyait se développer un fort engouement pour les blogs, dont ceux-ci militaient, pour les deux-tiers, en faveur du « non ». L’internaute voyageait en général à l’intérieur de cet espace sans jamais en sortir, car la blogosphère était extrêmement compartimentée. Ce phénomène d’enfermement idéologique, aussi appelé homophilie, exprime la « propension qu’ont les individus à débattre entre personnes qui partagent la même opinion »7. Finalement, les principaux responsables de cette homophilie sont les individus eux-mêmes, en reproduisant les travers de leur vie quotidienne. Toutefois, si les individus ont le pouvoir de choisir les contenus auxquels ils souhaitent être exposés, ils ne sont pas tout à fait maîtres de ce qu’ils voient sur Internet.

ENTRE FILTRAGE ET CONDITIONNEMENT, UNE NOUVELLE ORGANISATION DES CONTENUS

L’enfermement idéologique n’est pas seul à influer sur ce que nous voyons en ligne. Ceux qui offrent, transmettent, proposent des contenus sont désormais acteurs à part entière de notre consommation. Lorsque Google introduit un critère de personnalisation dans son moteur de recherche en 2010, il propose alors des résultats conformes à ce que l’internaute peut attendre, de manière qualitative. Concrètement, certains résultats seront écartés faute de proximité politique avec cet internaute. Il est alors moins susceptible d’être exposé à des contenus avec lesquels il n’est pas d’accord. L’avènement de ces techniques de personnalisation répond à des objectifs commerciaux, car maintenir l’homéostasie de l’internaute garantit l’utilisation durable des services offerts par les firmes californiennes.

Cette automatisation du filtrage algorithmique s’opère également sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook. La plateforme base son filtrage sur les relations de l’individu avec ses pairs. Là encore, l’exposition à des contenus proches est privilégiée. Cela donne lieu à ce qu’Eli Pariser a baptisé en 2010 des « filter bubbles » ou « bulles de filtrage ». Il s’agit d’espaces quasiment clos où un individu reste exposé à des informations auxquelles il adhère, échange avec des individus qui adhèrent également à ces contenus. Le problème, c’est que ces bulles de filtrage, parce qu’elles n’existent que virtuellement, nous donnent l’illusion que ce qui nous entoure est effectivement la réalité, alors qu’il ne s’agit que d’une fraction de celle-ci à laquelle on adhère.

Ces bulles de filtrage ont conduit à sous-estimer à plusieurs reprises le résultat de votes politiques, à commencer par l’élection de Donald Trump aux États-Unis, et le « Brexit » du Royaume-Uni. Elles accentuent la polarisation du débat et la radicalisation de celui-ci. Mais surtout, elles sont redoutables car les usages ont changé. On s’informe aujourd’hui bien moins par Google et par la recherche active de contenus ; on s’expose de manière passive à l’information. C’est ainsi que Facebook est devenu le premier moyen d’information des 18-25 ans. L’actualité consommée est alors tronquée et participe d’une « circulation circulaire de l’information », telle que la décrivait Pierre Bourdieu. Finalement, on recherche « la confirmation plutôt que l’information ».

A l’heure où l’accès à l’information est plus facile que jamais, celle-ci est un bien particulièrement convoité et est instrumentalisée de bien des manières. Nous en avons vu le pendant commercial destiné au profit des géants de la SiliconValley, mais la bataille pour l’information est une joute permanente dans laquelle nos démocraties entières sont remises en jeu, à l’ère de la post-vérité.

QUAND LA VIOLENCE SE VIRTUALISE

Dans le deuxième chapitre, intitulé « La brutalisation du débat », Romain Badouard évoque tout d’abord l’anonymat comme une condition sine qua non de la démocratisation de la parole en ligne. Le web devient un espace de construction identitaire. C’est aussi un lieu pour l’expression de ceux qui ne participent pas souvent dans les discussions quotidiennes hors ligne, étant donné leur faible connaissance des différents sujets. C’est d’ailleurs un terrain où il n’existe pas de limites pour les thèmes proposés.

Par conséquent, ce décloisonnement de la parole aboutit généralement à des propos haineux. C’est alors que l’Internet devient un moyen idéal d’exacerber la manifestation agressive de plusieurs frustrations. Celles-ci se produisent le plus souvent chez les personnes qui ne se connaissent pas directement, que Badouard explique comme ayant des « liens faibles ». Dans ce scénario, il existe une tendance à discréditer la différence souvent présente dans les échanges réalisés en ligne, principalement dans les groupes politiquement de droite, et aussi de gauche, qui alimentent le cercle vicieux de la disqualification.

Dans ce contexte, le recours sans restriction à la justice punitive est conforme à la loi du talion. La violence est exercée contre ceux qui transgressent les normes sociales préétablies. Cela signifie que les propositions virulentes contre ceux ayant un comportement immoral sont souvent sanctionnées collectivement. C’est dans cet espace que la figure du troll est née. Son objectif primaire est de « pourrir » les fils de discussions afin de susciter des controverses et des polémiques. D’après le sociologue Antonio Casilli8, ce personnage contribue indirectement à enrichir la conversation en ligne, vu que les arguments contraires doivent être plus clairs et bien basés.

Si le troll possède une grande notoriété, c’est parce qu’il existe un public désireux de consommer son contenu comme une forme de distraction. La normalisation de l’agressivité, la banalisation de l’usage de la violence deviennent les spécificités du web.

Dans ce cadre, Badouard évoque le concept de « monologue interactif », théorisé par Michael Dumoulin9. Sur de nombreux forums et réseaux sociaux, partager des convictions communes accroit le sentiment d’appartenance des groupes. Le rejet des individus en désaccord est notoire, ce que Marc Angenot10 désigne comme un « dialogue de sourds ».

De cette brutalisation généralisée découle un phénomène d’évitement, où les internautes « ordinaires » fuient les conversations politiques, ce que la sociologue Nina Eliasop11 désigne comme « l’évaporation du politique ». Ce phénomène d’évitement préserve la cohésion au sein des groupes et, par conséquent, masque les dissensions internes et crée le phénomène du cloisonnement, renforcé par les algorithmes qui nous confortent dans nos positions. Le web constitue un terrain propice à la diffusion des propagandes masquées.

Néanmoins, bien qu’il existe une tendance à la brutalisation en ligne, le web possède aussi un espace dédié au développement d’un projet collectif, dont le but est la production d’un résultat, avec une participation équitable et des échanges plus pacifiés. Badouard cite l’exemple de Wikipédia, « une forme d’intelligence collective » qui se distingue des forums (minorités agissantes). D’ailleurs, à l’instar des encyclopédies académiques, Wikipédia comporte une quantité très faible quantité d’erreurs ou d’imprécisions. Enfin, Romain Badouardnous rappelle que les sciences humaines s’intéressent à tous ces contextes de civilité numérique, et que cela nous montre que « l’on ne débat pas ‘mieux’ ou ‘moins bien’ en ligne, mais l’on y débat autrement ».

LA DEREGULATION DU MARCHE DE L’INFORMATION LES FAKE NEWS

Sur internet, il est presque impossible de filtrer l’intégralité des contenus produits. Chacun peut s’exprimer de manière totalement libre. Tout utilisateur d’internet est alors un producteur d’informations potentiel. A l’inverse des médias classiques, personne n’intervient directement entre l’information et sa réception. Ce rôle de gatekeeper, habituellement réservé aux journalistes, n’existe pas dans les médias numériques. Sur internet, tout peut être dit et il n’y a, a priori, ni hiérarchie ni sélection dans les contenus qui circulent. Néanmoins, il est important de rappeler que, sur certaines grandes plateformes web, les professionnels du filtrage ont été remplacés par des robots modérateurs. Ces derniers obéissent à une logique méritocratique puisqu’ils trient et classent alors les informations selon leur popularité.

C’est dans ce contexte que les fake news ont pu voir le jour. Elles recoupent différentes réalités, telles que les fausses nouvelles, les rumeurs ou encore les théories du complot. Selon l’auteur, l’arrivée des fake news a redistribué les cartes de l’espace médiatique en ligne puisqu’elles prennent petit à petit le pas sur les grands médias classiques. Elles expriment généralement une forme de défiance vis-à-vis des élites et des détenteurs légitimes de la parole publique. On les retrouve principalement sur des petits sites web, là où les robots modérateurs n’agissent pas.

L’auteur nous rappelle que les rumeurs sont un phénomène très ancien. Il les qualifie même de « média le plus ancien au monde » (R. Badouard, p.40). Mais elles prennent aujourd’hui une toute autre dimension. En utilisant l’internet comme terrain de jeu, elles obéissent désormais à la logique capitaliste. Cette désinformation a été industrialisée. Elle obéit à une stratégie bien définie, qui se déploie grâce à des réseaux très organisés. Selon la définition communément admise, elles sont mobilisées afin de véhiculer des idées politiques. Mais elles peuvent aussi être motivées par le seul appât du gain. En effet, certains réseaux de désinformation cherchent à monétiser leur audience, en se calquant sur le modèle économique des grandes plateformes numériques. L’auteur illustre son propos par l’exemple frappant des rumeurs pro-Trump, durant les campagnes présidentielles des États-Unis en 2016, dont le centre névralgique se trouvait en Macédoine12. Elles n’étaient pas produites par des organisations en lien avec le Parti Républicain, mais bien par des individus qui avaient vu en cette activité une source de revenus non négligeable. En l’occurrence, l’objectif premier n’était pas d’influencer l’opinion publique mais plutôt d’engranger de grosses sommes d’argent.

Romain Badouard propose de s’intéresser également à la réception des fake news, afin de mieux cerner ce problème. Il explique, en partie, la force du phénomène par sa dimension collective. Il soulève un paradoxe. Les individus ne croient pas forcément aux rumeurs auxquelles ils sont confrontés. Mais celles-ci arrivent à remporter leur adhésion car elles se rapprochent de leurs convictions. Les individus vont alors partager ces rumeurs afin de donner une certaine visibilité à leurs opinions, pour ensuite tenter de convaincre leur communauté. Les fake news agissent ainsi comme un facteur d’appartenance. Les membres d’un même groupe vont voir leurs liens se renforcer à partir du moment où ils partagent et affirment des valeurs communes.

La désinformation trouve finalement sa force dans de nombreux phénomènes, parfois insoupçonnés. Les grandes plateformes numériques offrent aux fake news un terrain des plus fertiles, notamment avec les bulles idéologiques. L’auteur nous met cependant en garde sur les risques d’une telle pratique, qui agit comme un facteur de polarisation et de brutalisation du débat. Il nous incite à prendre le problème à la racine. Les fake news doivent-elles être considérées comme une menace pesant sur la démocratie ou, avant tout, comme le symptôme d’un malaise ?

« UNE NOUVELLE GUERRE DE L’INFORMATION »

Face à l’ampleur du phénomène, il est plus qu’urgent d’agir. Les détenteurs légitimes de l’information ainsi que les grandes plateformes numériques se livrent à une véritable guerre contre les fake news. Rétablir la vérité est devenu leur nouveau cheval de bataille. De nombreux outils ont été créés à cet effet. Facebook a par exemple pris la décision de supprimer certains comptes diffusant des rumeurs, et de mettre en avant les sources d’information légitimes et vérifiées. De grands médias ont également mis en place des « vérificateurs de faits ». Le journal Le Monde a adopté cette technique, avec la création du Décodex. L’objectif est de permettre à ses utilisateurs de vérifier la fiabilité d’un site d’informations francophone, selon un principe de labellisation du contenu.

Mais ces nouvelles méthodes de contrôle et de filtrage de l’information ne font pas l’unanimité. Les fake news effraient et menacent les voies de communication classiques. Journalistes et pouvoirs publics récupèrent cette peur pour légitimer leur « travail de censure » (R. Baudouard, p.46). Mais l’auteur nous rappelle que ce sont ces mêmes organisations qui sont visées par les fake news. On pourrait donc penser que cette solution n’en est pas vraiment une car elle exacerbe encore plus la propagation de fausses informations.

Un autre problème se pose. L’auteur insiste sur l’impossible neutralité dans cette technique de filtrage. Personne ne détient la vérité absolue, et la frontière entre le vrai et le faux est trop abstraite et subjective. Il évoque un « problème de posture » (R. Baudouard, p.45). Les fact-checkers, ces journalistes qui sont chargés de vérifier la véracité des informations, doivent juger les contenus produits par leurs pairs. Ces derniers sont d’autres journalistes, avec qui les fact-checkers sont en concurrence directe. Ils ne peuvent ainsi pas faire preuve d’une objectivité totale. Les pratiques de fact-checking n’ont pas la capacité de mettre un terme au phénomène des fakenews.

L’auteur propose alors d’autres approches pour combattre les fake news. La méthode de « sanction verticale » ne semble pas appropriée. Selon Romain Baudouard, la vérification des informations est bien plus efficace si elle se fait collectivement. Il s’inspire du modèle Wikipédia, où la collaboration et le consensus sont au centre de la production. Cette approche communautaire promet plus de transparence, donc plus de confiance en l’information produite. L’auteur insiste également sur la solution de « l’éducation aux médias et au numérique » (R. Baudouard, p.51). Actuellement peu considérée par les pouvoirs publics, elle pourrait être une méthode plus douce mais bien plus pérenne pour combattre les fake news. En effet, selon Romain Badouard, la désinformation est avant tout « un problème culturel et politique ». Cette éducation au débat pourrait finalement permettre de minimiser l’impact des fake news, mais également d’enrayer de nombreux problèmes liés à l’Internet.

Romain Badouard articule ses propos autour d’une question essentielle : Internet est-il devenu l’ennemi de la démocratie ? Il propose de nombreuses pistes de réflexion, mais sans jamais répondre à cette question de manière tranchée. Libre au lecteur de se forger son propre avis. Ce livre n’a pas vocation à offrir une analyse profonde des vices de l’internet, ni d’y apporter des solutions concrètes. L’auteur cherche davantage à rendre accessible et compréhensible l’architecture actuelle du web et les usages qui en découlent.

Et c’est chose faite. Par notre lecture, nous avons pris conscience qu’internet n’est pas seulement le résultat d’innovations du XXIème siècle, mais, qu’au contraire, il se base sur des modèles déjà bien connus, en politique notamment. Nous avons pu faire le lien avec le maillage monté par le PCF durant ses heures de gloire, dans l’immédiat après-guerre, qu’on pourrait aujourd’hui qualifier de « réseau social ». En effet, ses militants se caractérisent par leur forte contribution à la vie rurale, qui leur permettait l’enrôlement de nouveaux sympathisants. C’est par ce moyen que les institutions politiques ont pu atteindre les acteurs dans les territoires13.

Les rencontres dans le cadre des loisirs permettent notamment une « homogénéisation partisane ». C’est grâce à cela que le PCF a pu compter dans ses rangs le monde ouvrier comme la classe intellectuelle française, dont la figure de proue reste Sartre. Tout le monde se retrouvait au repas de chasse, comme aujourd’hui tout le monde se retrouve sur internet.

Romain Badouard. FYP Editions, 2017

Aurégane Binard , Clara Caubet

Endie Eloah de Arruda Bezerra, Adrien Raffray Tanguy Pégné

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