Dans le creux de la vague ces dernières année, la lutte sénégalaise est en quête perpétuelle de sauver sa peau. Parmi les voies trouvées par les promoteurs, figure désormais l’usage du Pay-per-view. Mais cette technologie payante permettant de suivre les combats de lutte est loin d’être parfaite en plus des prix qui ne cessent de grimper au grand dam des amateurs.
Fuite des sponsors, violences…, mais comment la lutte sénégalaise, en pleine crise, peut-elle se réinventer ? Depuis cinq ans environ, c’est dans le système de Pay-per-view que les promoteurs semblent trouver leur compte.
Pay-per-view, un système révolutionnaire
En effet, le Pay-Per-View qui, étymologiquement, signifie payer par vue, est une technologie permettant, via une plateforme de faire payer pour voir un contenu diffusé via cette même plateforme. Pay per view ou PPV est un terme qui se réfère donc à un système de tarification dans lequel le téléspectateur ou l’internaute paie pour chaque vue ou visionnage d’un film, d’une émission de télévision, d’un spectacle ou d’une rencontre sportive. Ce système utilisé dans les pays développés notamment aux États-Unis a fait irruption au Sénégal depuis plus de cinq ans grâce aux promoteurs de lutte.
Ainsi, la lutte, le sport national sénégalais qui était, jusqu’ici, assujetti aux lois des sponsors et des chaines de Télévision pour la diffusion peut user de ce moyen pour son autonomie. Avec la crise qui sévit dans la lutte marquée par la fuite des sponsors, les scènes de violences…, le PPV semble plus que jamais d’actualité. Pour les combats qui opposent des lutteurs populaires, il sera plus facile pour les organisateurs de s’en tirer grâce à ce système qui peut permettre aux fans d’obtenir les images en direct avec une connexion internet. Le Pey-per View vient s’ajouter à la billetterie comme retombées pour les promoteurs. Mais pour les amateurs, c’est un véritable casse-tête.
Plein de disfonctionnements
Comme les chaines de télé cryptées, le Pay per view n’est pas épargné par la piraterie. En sus, la connexion souvent instable qui irrite les utilisateurs. Certains d’entre eux ne maitrisent pas encore les rouages de ce système. « La dernière fois, on a acheté 5.000 F et on n’a même pas pu suivre le combat Gris Bordeaux – Ama Baldé. Jusqu’ici, il n’y pas de remboursement même pas des excuses » dénonce Babacar Ngom, amateur.
Les défaillances du Pay-per-view à chaque fois qu’il est utilisé prouvent que le chemin à parcourir pour rendre satisfait la clientèle est encore très long. Pour rappel, selon un ingénieur en informatique qui a travaillé pour le pay-per-view du combat Balla Gaye 2 – Modou Lô (acte 2), 16 millions de FCFA ont été déboursés pour rembourser les personnes qui ont été débitées. A revoir.
Les promoteurs en abusent
Un des grands initiateurs (lors de l’affiche Gris Bordeaux – Balla Gaye 2 en 2018), le promoteur Luc Nicolaï avait démarré par la modique somme de 1000 francs CFA pour offrir la passe aux amateurs. C’était un prix presqu’idéal pour permettre aux férus de ce sport de chez-nous de suivre les grandes affiches sans se déplacer avec tous les risques qu’ils encourent souvent. Mais au fil des saisons, les prix imposés par les promoteurs et les détenteurs de ces plateformes ne cessent de grimper en flèche.
Les prix sont passés de 1.000 F à 1500, puis 2000 ainsi de suite. Mais jusqu’ici, les prix imposés des Pay Per view n’avaient jamais dépassé 5.000 FCFA. En tout cas, jusqu’à ce que la structure Al Bourakh Events ne viennent élever la barre. En effet, pour son prochain grand gala avec comme tête d’affiche, le choc Balla Gaye 2 – Tapha Tine, le prix du PPV est passé du simple au double. Pour suivre ce combat revanche sans se déplacer, les amateurs qui sont au Sénégal devront casquer 10.000 FCFA contre 19,99 euros pour les Sénégalais de la diaspora. Des prix jugés exorbitants.
Dans la rue comme dans les réseaux sociaux, ça ralle. Falilou Wade n’y va pas de main morte pour critique cette méthode : « ils veulent tuer ce sport avec ce pay per view là. Il comporte pas mal de contraintes et de manquements. Avec 10 F, je pays un abonnement TV pour un mois ou plus. De toute façon, on peut suivre la rediffusion de ce combat à la télé. ». Dans la même veine, un autre amateur accuse les promoteurs d’être trop gourmands. « Ils (promoteurs) le beurre et l’argent du beurre et du pain. Comment peuvent-ils encaisser dans le sponsoring, le ticketing plus le pay-per view. Ils veulent tuer la lutte », fulmine Birahim Thioune. La lutte semble perdre son charme avec cette révolution.
Jacques Victor GOMIS