La vision française de l’Afrique, héritée de la période coloniale et perpétuée à travers la Françafrique, s’est définitivement effondrée. Les expulsions successives du Mali, du Burkina Faso et du Niger ne sont que les manifestations les plus visibles d’un rejet systémique du modèle français sur le continent. Cette rupture historique, loin d’être conjoncturelle, marque l’échec d’une conception des relations avec l’Afrique basée sur l’influence politique, la présence militaire et l’exploitation économique.
Dans ce contexte de reconfiguration géopolitique majeure, le modèle marocain s’impose comme une alternative crédible et éprouvée. La différence fondamentale réside dans la philosophie même de l’engagement : le Maroc a développé une approche basée non pas sur la présence « en » Afrique mais sur la construction « avec » l’Afrique. Cette nuance conceptuelle traduit un changement radical de paradigme dans les relations avec le continent.
Le succès de la stratégie marocaine repose sur des fondamentaux clairs : respect absolu des souverainetés, création de valeur locale, transfert effectif de technologies et de compétences. Cette approche, systématiquement déployée dans les secteurs bancaire, des télécommunications, des engrais ou des infrastructures, a permis au Royaume de devenir un acteur économique majeur en Afrique sans susciter les réactions de rejet qui caractérisent la présence française.
La visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc, au-delà de sa dimension bilatérale, acte cette nouvelle réalité géopolitique : l’accès au continent africain passera désormais par Rabat. Pour les entreprises françaises, cela implique une transformation profonde de leur mode opératoire. L’implantation au Maroc devient un préalable incontournable, non pas comme simple base arrière mais comme laboratoire où devra se démontrer leur capacité à opérer selon les standards marocains.
Cette évolution impose une refonte complète de la stratégie française en Afrique. Les entreprises devront adopter intégralement le modèle marocain : création de filiales de droit marocain, développement du marché local, intégration dans les chaînes de valeur existantes, avant de pouvoir prétendre à une expansion continentale. Cette exigence n’est pas négociable : elle constitue la seule voie possible pour maintenir une présence économique française en Afrique.
La séquence à la Fondation OCP lors de la visite présidentielle illustre parfaitement cette nouvelle configuration géopolitique. Le groupe marocain, devenu acteur majeur de la sécurité alimentaire africaine, incarne cette capacité à conjuguer puissance industrielle et développement partagé. Son action démontre qu’une présence économique forte est possible sans susciter d’hostilité, à condition qu’elle s’inscrive dans une logique de co-développement.
Cette reconfiguration marque la fin définitive du « pré carré » français en Afrique. La France ne peut plus prétendre à une relation privilégiée directe avec le continent. Son influence future dépendra de sa capacité à s’intégrer dans le dispositif marocain, à en adopter les codes et les pratiques. C’est une révolution géopolitique majeure qui s’opère, où la puissance coloniale d’hier doit accepter la médiation de son ancien protectorat pour maintenir sa présence en Afrique.
La dimension stratégique de ce repositionnement dépasse largement le cadre économique. Elle traduit un bouleversement profond des équilibres régionaux où le Maroc s’impose comme l’interface incontournable entre l’Europe et l’Afrique. Cette nouvelle configuration géopolitique s’appuie sur des atouts structurels que le Royaume a su développer : stabilité politique, infrastructure moderne, capital humain qualifié et surtout, une vision stratégique claire de son rôle continental.
Le modèle marocain de développement en Afrique repose sur une compréhension fine des réalités locales et un respect scrupuleux des spécificités de chaque pays. Contrairement à l’approche française traditionnelle qui tendait à reproduire un schéma unique, le Maroc a su adapter ses modes d’intervention aux contextes nationaux tout en maintenant une cohérence stratégique globale.
Pour la France, l’adoption de ce modèle implique une remise en question fondamentale de sa conception des relations internationales. Il ne s’agit plus d’exercer une influence directe mais d’accepter un rôle d’acteur secondaire, intégré dans une stratégie définie et pilotée par Rabat. Cette position, impensable il y a encore quelques années, devient aujourd’hui la seule option viable face à l’effondrement du dispositif français en Afrique.
Cette reconfiguration implique des changements structurels profonds dans l’architecture des relations franco-africaines. Les entreprises françaises devront non seulement s’implanter au Maroc, mais surtout prouver leur capacité à créer de la valeur locale avant de pouvoir prétendre à une expansion continentale. Cette période probatoire au Maroc n’est pas une simple formalité : elle constitue un test grandeur nature de leur capacité à opérer selon des standards radicalement différents de ceux qui ont prévalu jusqu’ici.
La réussite de cette transformation dépendra largement de l’acceptation par les acteurs français de cette nouvelle hiérarchie géopolitique. Le Maroc n’est plus un simple partenaire mais devient le prescripteur des normes et des pratiques acceptables pour opérer en Afrique. Cette inversion des rôles, où l’ancien protectorat définit les règles du jeu pour son ancienne puissance tutélaire, marque une rupture historique dans les relations post-coloniales.
Au niveau opérationnel, cette nouvelle configuration exige des entreprises françaises une intégration complète dans l’écosystème marocain. Cela signifie le développement de véritables centres de décision locaux, une participation active aux initiatives marocaines de développement continental, et surtout, l’abandon de toute velléité de stratégie africaine autonome. Les succès futurs en Afrique dépendront de leur capacité à s’inscrire sincèrement dans la vision marocaine du développement continental.
Le message est limpide : l’époque où la France pouvait prétendre à une relation directe et privilégiée avec l’Afrique est révolue. L’avenir de sa présence sur le continent passe désormais par l’adoption du modèle marocain, seul à même de garantir une acceptabilité durable. Une évolution qui marque peut-être la fin définitive de la Françafrique et l’émergence d’un nouveau paradigme dans les relations économiques franco-africaines.
Des contrats majeurs en perspective
La séquence économique de la visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc, articulée autour des Rencontres entrepreneuriales Maroc-France à l’Université Internationale de Rabat, révèle l’ampleur des ambitions économiques bilatérales. La présence massive des grands patrons français témoigne d’une volonté de concrétisation rapide.
Les secteurs stratégiques en première ligne
La composition de la délégation économique dessine les contours des accords attendus:
Transport ferroviaire avec Alstom
Aéronautique avec Airbus
Énergies avec TotalEnergies et Engie
Environnement avec Suez
Technologies spatiales avec Thalès
Une séquence entrepreneuriale majeure
Le temps fort économique se déroule à l’Université Internationale de Rabat avec :
Clôture des Rencontres entrepreneuriales
Focus sur les secteurs d’avenir
Signature de partenariats structurants
Annonces d’investissements
Les nouveaux territoires économiques
L’inclusion d’une séquence « Gaming » illustre la volonté d’explorer de nouveaux champs de coopération :
Industries créatives
Économie numérique
Formation et talents
Innovation technologique
Les grands groupes présents
Alstom (Transport)
Airbus (Aéronautique)
Suez (Environnement)
Orange (Télécommunications)
CMA CGM (Transport maritime)
TotalEnergies (Énergie)
Thalès (Défense et Spatial)
Une délégation française record
Avec 122 personnalités issues de tous les secteurs clés, la délégation qui accompagne Emmanuel Macron au Maroc est l‘une des plus importantes jamais constituées pour une visite d’État. Cette composition révèle les priorités françaises et l’ambition donnée à cette séquence diplomatique.
Une délégation gouvernementale de premier plan
Le gouvernement français déploie une équipe ministérielle impressionnante, illustrant l’approche globale souhaitée :
Bruno RETAILLEAU, ministre de l’Intérieur
Anne GENETET, ministre de l’Éducation nationale
Jean-Noël BARROT, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
Rachida DATI, ministre de la Culture
Antoine ARMAND, ministre de l’Économie
Annie GENEVARD, ministre de l’Agriculture
Les capitaines d’industrie en force
Le volet économique est particulièrement étoffé avec des dirigeants de groupes stratégiques :
Henri POUPART-LAFARGE (Alstom)
Wouter VAN WERSCH (Airbus International)
Sabrina SOUSSAN (SUEZ)
Catherine MacGREGOR (ENGIE)
Pierre-Etienne FRANC (Hy24)
Les secteurs représentés
Industrie traditionnelle
Énergies nouvelles
Numérique et gaming
Transport et infrastructures
Services et finance
Une délégation culturelle exceptionnelle
Avec 56 personnalités du monde artistique, culturel, sportif et universitaire, la France déploie son soft power :
Edgar MORIN, philosophe
Tahar BEN JELLOUN, écrivain
Jacques ATTALI, économiste
Leïla SLIMANI, écrivaine
Karim AMELLAL, ambassadeur
L’expertise académique et scientifique
La présence massive du monde universitaire et de la recherche souligne l’importance accordée à la formation et à l’innovation :
Directeurs de grandes écoles
Présidents d’universités
Chercheurs de renom
Experts en relations internationales