La base stratégique de Boni, dans le département de Torodi, a été prise par le JNIM qui, n’a pas eu à livrer de combats face à l’armée nigérienne résignée, incapable de riposte, et dénuée de renforts. C’est un cinglant revers, et une preuve supplémentaire que l’Etat nigérien a perdu toute substance. Le Niger n’a plus d’âme avec un territoire fragmenté, une armée agonisante et un pouvoir autarcique. L’AES, créée à la sauvette pour palier la déficience des États qui en sont membres, n’est d’aucune utilité. En fin de compte, c’est un désenchantement général.
Les groupes armés terroristes circulent, librement, tuent, pillent, en toute impunité. L’armée, débordée, voit ses bases tomber, l’une après l’autre. L’Etat n’a plus le monopole de la violence ni de dispose d’autorité sur le territoire.
Boni, n’est pas une base comme une autre. Située à quelques kilomètres de la frontière burkinabé, elle était un bastion contre les invasions djihadistes.
Le 15 mai 2025, des éléments du JNIM ont mené un assaut sans rencontrer de résistance significative. L’opération de conquête n’a pu être contrée, massive et irrésistible. Les soldats du BSI 95 du GIS ont été submergés. La seule tentative de riposte est venue d’un hélicoptère burkinabé en provenance de Niamey assigné à une mission de reconnaissance. L’appareil a été forcé de replier en catastrophe face à la batterie anti-aérienne des assaillants. Le bilan est très lourd car la base a été littéralement anéantie. Les images des corps sans vie des soldats, abandonnés sur le sol, sont insoutenables. C’est un massacre, un acte de barbarie, et un symbole tragique de l’abandon dont ils ont été victimes. Par dignité et par respect pour ces hommes trahis jusque dans la mort, nous avons choisi de ne pas publier ces images. Comme d’habitude, la hiérarchie militaire est restée de marbre, la vie des soldats, n’étant pas une priorité pour elle. La population doit s’attendre au pire.
Il est important de relever que la base de Bankilaré qui aurait pu venir à la rescousse, a elle-même été la cible d’une attaque en février 2025 au cours de laquelle dix soldats nigériens avaient perdu la vie.
Cette autre attaque illustre une nouvelle fois le harcèlement continue contre les forces armées nigériennes dans la région de Tilaberi. Cela explique la difficulté à mobiliser des renforts depuis des bases déjà engagées dans des opérations de défense ou de sécurisation de leurs zones de compétences.
Les contraintes opérationnelles et sécuritaires pourraient expliquer l’absence de réaction immédiate et le défaut de renforts à partir de Bankilaré suite à l’attaque de Boni. La déconvenue de Boni arrive au moment où le Burkina perd Diapaga, arrachée en vingt minutes.
L’AES n’est d’aucun secours. Le JNIM s’implante, s’enracine, vole de victoire en victoire, récupère du matériel et des équipements militaires importants.
Termit: une mutinerie qui en dit long sur l’érosion de l’appareil militaire.
La mutinerie en gestation à Termit atteste de la déliquescence de l’armée nigérienne. Des sous-officiers, entrés en rébellion, exigent une rencontre avec le ministre Salifou Modi. Ils ne veulent de personne d’autre comme interlocuteur, portés à la désobéissance.
Selon des villageois, des convois militaires venus du nord convergeraient vers la Termit. Le signe que la grogne monte et le mouvement d’humeur se répand comme une traînée de poudre?
Dans tous les cas, Termit n’a pas le monopole des récriminations. Le vent de fronde souffle sur les compagnies de Tahoua, Dosso et Bankilaré. Le pouvoir remue terre et ciel pour éviter un effet de contagion. Il faut cependant savoir que l’histoire militaire sahélienne est têtue: les mutineries toujours virales sont de véritables rouleaux compresseurs contre les régimes établis.
Les soldats vivent dans les mêmes conditions de précarité partout au Niger: soldes impayées, primes non reversées, abandon sur le terrain. Les revendications de Termit rencontrent un écho favorable dans toutes les casernes où elles résonnent fort.
C’est cette armée nigérienne exsangue que le Capitaine Ibrahim Traoré a sollicité pour le salut de son pays. Un régime agonisant appelant à l’aide un autre mourrant, est une démarche pathétique.
L’AES est une coalition de losers à la tête d’Etats honnis et infréquentables, confrontés à la survie quotidienne.
Le Niger ne coule pas seul. Le Burkina Faso a touché le fond. Le Mali est sur une pente glissante. L’AES qui regroupe les trois grands corps malades sous la bannière d’un souverainisme poussiéreux n’est plus qu’un club de régimes assiégés avec des dirigeants reclus dans des palais aseptisés dans des capitales érigées en forteresses pendant que leurs territoires sont écumés par les djihadistes.
La propagande ne suffit plus à galvaniser les foules et à assurer l’immunité des pouvoirs militaires. La rhétorique panafricaniste ne compense plus l’incurie et la médiocrité au sommet des États. Les tourments politiques, les démons sécuritaires nourrissent la révolte populaire et inspirent des craintes. Les tensions communautaires ressurgissent. Le sentiment d’abandon et de mépris nourrit la colère, le ressentiment, et bientôt la revanche.
En somme, le Niger sombre, militairement, institutionnellement, et moralement. Le pays n’a plus de repères ni de gouvernail. Les services publics tournent au ralenti ou sont interrompus: écoles fermées, hôpitaux vides, infrastructures delabrées. L’Etat n’éduque plus, ne soigne plus, ne nourrit plus.
Un pays menacé de disparition dans l’ensemble de l’AES voué à l’échec.
Samir Moussa