avril 29, 2025
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Sécurité

NOTE RENSEIGNEMENT, TECHNOLOGIE ET ARMEMENT : Evolution prévisionnelle des armements et de la guerre

Nous voilà toujours dans le secteur spatial. En partie 1 nous avons traité des satellites de positionnement. Là, nous allons parler de l’activité principale de ce secteur à savoir les satellites de télécommunications, ceux d’observation et une catégorie que l’on oublie souvent, ceux d’alerte avancée. Nous les abordons ensemble pour des raisons qui vont apparaître claires plus loin.

Commençons par rappeler l’incidence qu’a eue l’utilisation par les troupes ukrainiennes de la constellation Starlink. En effet, cela a permis aux unités d’avoir un Internet sûr et haut débit sur le champ de bataille. Ce fut la dernière brique ajoutée à la boucle dite « voir, orienter, décider et agir » ou OODA (Observe, Orient, Decide and Act) en anglais. Évoquons aussi les écrits (2004 !) de Jacques Blamont, conseiller du CNES qui annonçait que quand cette boucle avait une constante de temps de 6 minutes pour l’armée américaine, elle était de 24 heures pour la France seule ; ne parlons donc pas de l’OTAN !

Commençons par conséquent, dans le cadre OODA, d’identifier quels sont les besoins. Il est évident qu’observer le champ de bataille sinon l’ennemi et pouvoir y communiquer et y localiser les diverses parties est une nécessité. Les satellites de surveillance et de télécommunications sont donc impératifs. Ensuite, dans le domaine de l’observation, il est important de bien interpréter ce que l’on voit. Il y a, bien entendu, des photo-interprètes, mais avec les progrès de l’électronique, les volumes de données sont tels qu’il a fallu leur substituer dans bien des cas des machines. L’IA devrait permettre des avancées considérables tant dans la vitesse de traitement que dans la précision et la pertinence de l’analyse.

Néanmoins, ce type d’engin a quelques faiblesses de par son principe même. En effet, ces satellites sont en orbite polaire, c’est-à-dire une orbite constante qui passe par les deux pôles. Ils voient donc défiler la terre sous eux à un rythme d’un tour par jour. Chacun comprendra alors que si on veut avoir une vision globale, il en faut plusieurs. Par ailleurs, ils ne reviennent pas au-dessus d’un même point chaque jour du fait de leur vitesse de révolution. Et cela implique encore une certaine inflation.

Ce qui va faire leur performance, au-delà des qualités de leurs instruments, c’est ce que l’on appelle leur agilité. Ils vont pointer leur cible devant eux en défilant et tourner autour d’un axe ad hoc pour la suivre depuis l’approche jusqu’à l’éloignement, permettant ainsi un plus grand temps d’observation et en conséquence la collecte de davantage d’informations. Le lecteur est convié à regarder l’image en illustration de ce texte pour se faire, peut-être, une meilleure idée.

De leur côté, les constellations de type Starlink maillent en permanence la planète en matière de télécommunications et constituent donc une ressource potentielle pour améliorer la couverture concernant l’observation. Nous pouvons donc prédire, sans trop de risque de se tromper, que l’évolution se fera vers des satellites duaux qui incluront des « télescopes» et dont l’agilité sera beaucoup moins cruciale s’il y a, par exemple, 42 000 éléments comme le prévoit Elon Musk. Nous pouvons aussi pronostiquer assez facilement que le besoin sera davantage la vidéo que la photo, puisque ce que veulent les militaires, in fine, c’est la téléréalité et épier (incluant l’écoute) ce qui se passe chez le voisin à chaque instant.

Il ne fait nul doute non plus que l’interférométrie sera mise largement contribution. En quoi cela consiste-t-il ? Faire de grands miroirs pour les télescopes est cher, long et compliqué. Une façon d’éviter cet écueil consiste à mettre plusieurs éléments plus petits répartis sur une grande surface. On combine alors mathématiquement les images des uns et des autres et cela se comporte comme si on avait un outil dont la surface est celle balayée par les petites unités. C’est ainsi que marche, par exemple, l’observatoire appelé VLT au Chili. Cette technologie sera donc très probablement utilisée pour le cas qui nous concerne dans cet article, mais la cerise sur le gâteau devrait venir d’une interférométrie vidéo (à développer !), car ce qui nous intéresse dans le domaine militaire est avant tout le changement et non les images statiques.

Nous allons donc voir – elle a déjà commencé – une course aux constellations. Les Chinois ont au moins trois projets, dont celui de Huawei ; aux Etats-Unis il y a le projet Kuiper dans les cartons ; et il y a bien entendu l’Europe et la Russie qui s’y sont attelées récemment.

Ce sont ipso facto en réalité de vrais systèmes de guerre qui sont en préparation dans l’espace, le tout sous un prétexte humanitaire – fournir l’Internet aux personnes isolées – sans que jamais quiconque ne se soit demandé si ces dernières en ont un réel besoin.

Le lecteur aura remarqué que si on a la vidéo, on a aussi l’alerte. Nous avons donc couvert quasiment tout le spectre nécessaire.

Une question politique va alors se poser. Ces constellations sont-elles civiles ou militaires ? Elon Musk est passé à deux doigts d’être partie au conflit ! Nous vous laisserons sur cette question pour sauter à une idée pour neutraliser ces OVNIS.

Tout d’abord, nous avons déjà publié un article sur la façon anéantir Starlink avec 12 kg de charge utile dans une configuration à 12 000 satellites. Donc, exit la solidité de telles constellations. Là encore, comme dans la partie 1, il serait très difficile de prouver que l’on a été victime d’une attaque. Néanmoins, un problème supplémentaire apparaît ici. En effet ces concepts sont écologiquement non viables sur à moyen et long terme. Si on crée, en plus, des débris, volontairement, même au motif d’une guerre, on a potentiellement un souci qui impacte tout le monde. Nous allons donc proposer une solution alternative, plus chère et plus compliquée, mais qui a l’avantage de seulement inhiber les satellites à la demande.

Commençons par expliquer au lecteur qu’il y a un célèbre théorème de physique qui s’applique particulièrement bien en orbite et qui dit que dans un système isolé, il y a conservation du moment cinétique. Vous pouvez vous rendre compte de ce phénomène en regardant un patineur sur glace. Il tourne lentement sur lui-même quand il écarte les bras et sa vitesse de rotation augmente lorsqu’il les ramène le long de son corps. Cela est dû au fait que la répartition de sa masse dans l’espace n’est pas la même.

Dans l’espace, les satellites sont stabilisés par ce que l’on appelle des roues d’inertie que l’on fait marcher au gré des besoins. Mais il est utile de préciser que cela doit se faire de façon douce, sans à-coup, etc. Concevons donc un système miniature de roues qui tournent sur trois axes perpendiculaires et commandables à distance (via un satellite, par exemple en bande Q ou V). Nous allons lancer cet équipement muni d’un adhésif et d’un petit panneau solaire sur les cibles, ce qui n’est pas très compliqué avec un satellite dit « inspecteur ». Dès lors, en dirigeant un régime d’accélérations brusques et aléatoires sur n’importe quelle orientation, on va perturber l’attitude du satellite qui va perdre son pointage et devenir inutilisable. La constellation visée sera d’autant plus fragile que les satellites la constituant seront en communication entre eux.

Il y a bien entendu d’autres possibilités que nous ne décrirons pas ici. Notre but est juste de montrer que tous ces systèmes, chers et complexes, sont extrêmement vulnérables et qu’en se compliquant à l’avenir, leur vulnérabilité ne va cesser d’augmenter. Comme le temps est à la guerre, le sanctuaire spatial va perdre de sa tranquillité, c’est sûr. Et ainsi que nous l’avons souligné plus haut, une question majeure restera : doit-on considérer ces outils comme civils ou militaires ? Pour nous ici, il ne fait nul doute qu’ils sont militaires, mais la politique ne nous appartient pas. Nous verrons bien ce qui se décidera.

JEAN-FRANÇOIS GENESTE

Jean-François Geneste a près de 40 ans d’expérience dans les domaines aéronautique espace et défense. Il a été directeur scientifique du groupe EADS, devenu Airbus Group, pendant 10 ans. Il a été professeur au Skolkovo Institute of Science and Technology à Moscou. Il est actuellement le PDG de la startup WARPA qui vient de se voir attribuer un brevet pour son moteur de propulsion spatiale à impulsion spécifique infinie.

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