avril 20, 2025
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RAPPORT MONDIAL 2023 : Bilan annuel de HRW sur les droits humains dans le monde

La conclusion évidente à tirer de la litanie de crises des droits humains survenues en 2022 – des attaques délibérées du président russe, Vladimir Poutine, contre les civils en Ukraine à la prison à ciel ouvert de Xi Jinping pour les Ouïghours en Chine, en passant par la mise en danger de famine de millions d’Afghans par les talibans – est que le pouvoir autoritaire incontrôlé engendre un flot incessant de souffrances humaines. Mais l’année 2022 a également fait apparaître un changement fondamental dans les rapports de force dans le monde, qui ouvre la voie à tous les gouvernements concernés pour contrer ces abus, en protégeant et en renforçant le système international des droits humains, en particulier quand les actions des grandes puissances ne sont pas à la hauteur des attentes ou sont problématiques.

Nous avons vu des dirigeants mondiaux renoncer cyniquement à leurs obligations en matière de droits humains et à la nécessité de faire rendre des comptes aux auteurs d’abus, en échange de gains politiques à court terme. La promesse de principe de Joe Biden, alors candidat à la présidence des États-Unis, de faire de l’Arabie saoudite un « État paria » en raison de son bilan déplorable en matière de droits humains, a été réduite à néant par son « check » du poing amical avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, une fois en poste et confronté à la hausse des prix de l’essence. Et l’administration Biden, en dépit de sa rhétorique sur la priorité à donner à la démocratie et aux droits humains en Asie, a modéré ses critiques des abus et de l’autoritarisme croissants en Inde, en Thaïlande, aux Philippines et ailleurs dans la région au nom d’enjeux sécuritaires et économiques, au lieu de reconnaître que les uns et les autres sont liés.

Bien sûr, ce genre de double langage n’est pas uniquement le fait des super-puissances mondiales. Le Pakistan a soutenu la surveillance par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme des abus commis au Cachemire à majorité musulmane mais, en raison de ses liens étroits avec la Chine, a fermé les yeux sur de possibles crimes contre l’humanité commis contre les Ouïghours et d’autres musulmans turciques au Xinjiang. L’hypocrisie du Pakistan est particulièrement flagrante compte tenu de son rôle de coordinateur de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui compte 57 membres.

Les crises des droits humains ne surgissent pas de nulle part. Les gouvernements qui manquent à leurs obligations légales de protéger les droits humains sur leur territoire sèment les graines du mécontentement et de l’instabilité et, à la fin, de la crise. Laissés sans contrôle, les actes répréhensibles des gouvernements abusifs se multiplient, consolidant leur conviction que la corruption, la censure, l’impunité et la violence sont les outils les plus efficaces pour parvenir à leurs buts. Ignorer les violations des droits humains a un coût élevé et leurs répercussions ne doivent pas être sous-estimées.

Mais dans un monde marqué par des changements dans la répartition des pouvoirs, nous avons également identifié des opportunités en préparant notre Rapport mondial 2023, qui examine la situation des droits humains dans près de 100 pays. Chaque sujet doit être compris et traité selon ses propres caractéristiques et chacun exige du leadership. Tout État conscient du pouvoir résultant d’un travail de concert avec d’autres pour obtenir des changements en matière de droits humains peut assurer ce leadership. Les gouvernements ont aujourd’hui davantage d’espace, et non pas moins, pour défendre les droits et adopter des politiques en leur faveur.

De nouvelles coalitions et de nouvelles voix ont émergé, qui peuvent donner forme à cette tendance et la perpétuer. L’Afrique du Sud, la Namibie et l’Indonésie ont ouvert la voie pour que davantage de gouvernements reconnaissent que les autorités israéliennes commettent le crime contre l’humanité d’apartheid à l’encontre des Palestiniens.

Les nations insulaires du Pacifique, agissant en bloc, ont exigé des réductions plus ambitieuses des émissions de gaz à effet de serre de la part des pays qui polluent le plus, tandis que le Vanuatu a pris la tête d’un effort visant à porter les effets néfastes des changements climatiques devant la Cour internationale de justice, pour leur propre intérêt – et le nôtre.

Et alors que la Cour Suprême des États-Unis a aboli la protection fédérale des droits reproductifs en vigueur depuis 50 ans, la « vague verte » de l’expansion du droit à l’avortement en Amérique latine – notamment en Argentine, en Colombie et au Mexique – offre un contraste encourageant.

Telle est la leçon fondamentale de notre monde de plus en plus perturbé : nous devons repenser la manière dont le pouvoir est exercé dans le monde et affirmer que tous les gouvernements ont non seulement la possibilité, mais aussi la responsabilité d’agir pour protéger les droits humains à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières.

Ukraine : espoirs et contradictions 

L’invasion à grande échelle de l’Ukraine déclenchée en février par le président russe, Vladimir Poutine, et les atrocités qui l’ont accompagnée se sont rapidement hissées au premier plan des préoccupations du monde en matière de droits humains en 2022. Après que les troupes ukrainiennes eurent forcé l’armée russe à se retirer de Boutcha, au nord de la capitale, Kiev, l’ONU a découvert qu’au moins 70 civils avaient été victimes de meurtres illégaux, notamment d’exécutions sommaires, qui constituent des crimes de guerre. Ce schéma d’atrocités russes s’est répétéd’innombrables fois.

Un homme poussait son vélo parmi des débris et des carcasses de véhicules militaires russes à Boutcha, au nord-ouest de Kyiv, en Ukraine, le 6 avril 2022. Human Rights Watch a documenté de nombreux crimes de guerre présumés commis par les forces russes pendant leur occupation de Boutcha, du 12 au 31 mars 2022.

Des centaines d’habitants déplacés ont trouvé refuge au Théâtre d’art dramatique de Marioupol, inscrivant à la peinture le mot russe « DETI » (« enfants ») sur le sol à l’extérieur du bâtiment, en lettres tellement grandes qu’elles étaient visibles sur des images satellite. Cette mise en garde visait à protéger les civils, y compris de nombreux enfants, qui avaient trouvé refuge à l’intérieur. Mais au contraire, elle semble avoir servi d’incitation pour les forces russes, dont les bombes ont détruit l’édifice et tué au moins une douzaine, et probablement plus, de ses occupants. Infliger des souffrances aux civils, comme les frappes incessantes contre les infrastructures énergétiques dont les Ukrainiens dépendent pour leur électricité, leur eau et leur chauffage, semble être un élément central de la stratégie du Kremlin.

Les actions éhontées de Poutine ont été favorisées dans une large mesure par la latitude dont il a longtemps bénéficié pour opérer en toute impunité. Les pertes en vies humaines en Ukraine ne sont pas une surprise pour les Syriens, qui ont souffert de graves abus en conséquence de frappes aériennes à la suite de l’intervention de la Russie en soutien des forces syriennes de Bachar al-Assad en 2015. Poutine s’est appuyé sur des officiers de premier plan ayant participé à cette campagne militaire pour diriger son effort de guerre en Ukraine, avec des conséquences prévisibles – et dévastatrices – pour les civils ukrainiens. La Russie a accompagné ses opérations militaires d’une grande brutalité en Ukraine d’une répression des activistes pro-droits et anti-guerre en Russie, étouffant toute contestation et toute critique du régime de Poutine.

Mais une conséquence positive face au comportement de la Russie a été l’activation générale du système mondial de défense des droits humains créé justement pour répondre à des crises comme celle-ci. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a rapidement ouvert une enquête afin de documenter et de préserver les preuves des violations des droits humains commises dans cette guerre, et a ensuite créé un poste de rapporteur spécial chargé de surveiller la situation des droits humains en Russie. L’Assemblée générale de l’ONU a condamné quatre fois – généralement à de larges majorités – l’invasion et les violations des droits humains de la Russie. L’Assemblée générale a également suspendu la Russie du Conseil des droits de l’homme, neutralisant sa capacité de blocage de certaines décisions sur l’Ukraine et sur d’autres graves crises des droits humains actuellement à l’ordre du jour de cet organe.

Les pays européens ont accueilli des millions de réfugiés ukrainiens, une réponse louable mais qui a mis en lumière la politique de deux poids-deux mesures de la plupart des pays membres de l’Union européenne dans le traitement qu’ils réservent à d’innombrables Syriens, Afghans, Palestiniens, Somaliens et autres demandeurs d’asile. Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye a ouvert une enquête sur la situation en Ukraine, après en avoir été saisi par un nombre sans précédent de pays membres de la Cour. Des gouvernements se sont également mobilisés pour affaiblir l’influence dans le monde et la puissance militaire de Poutine, l’UE, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et d’autres imposant des sanctions internationales ciblées à des particuliers, à des compagnies et à d’autres entités russes.

Cette réponse extraordinaire a montré ce qu’il est possible de faire pour l’établissement des responsabilités, la protection des réfugiés et la sauvegarde des droits humains de certaines des personnes les plus vulnérables du monde. En même temps, les attaques contre les civils et les horribles abus commis en Ukraine devraient rappeler que ce soutien massif, aussi crucial soit-il, ne devrait pas être confondu avec une solution miracle.

Au contraire, les gouvernements devraient se demander quelle serait la situation aujourd’hui si la communauté internationale avait fait un effort concerté pour faire rendre des comptes à Poutine beaucoup plus tôt – en 2014, au tout début de la guerre dans l’est de l’Ukraine ; en 2015, pour les abus commis en Syrie ; ou pour l’escalade de la répression des droits humains en Russie ces dix dernières années. Le défi à l’avenir pour les gouvernements sera de reproduire le meilleur de la réponse internationale concernant l’Ukraine et d’accroître la volonté politique de s’occuper d’autres crises à travers le monde, jusqu’à obtenir une amélioration significative dans le domaine des droits humains.

Vers une obligation de rendre des comptes en Éthiopie

Le conflit armé dans le nord de l’Éthiopie n’a attiré qu’une infime fraction de l’attention internationale comparée à celle accordée à l’Ukraine, malgré la documentation de deux ans d’atrocités, y compris des massacres, commises par les parties belligérantes.

En 2020, des tensions entre le gouvernement fédéral éthiopien et les autorités régionales du Tigré, le Front de libération du peuple tigréen (TPLF), ont dégénéré dans cette région en un conflit armé, dans lequel les forces régionales Amhara et l’armée de l’Érythrée voisine soutiennent les forces armées éthiopiennes. Depuis lors, le gouvernement a lourdement restreint l’accès des enquêteurs indépendants sur la situation des droits humains et des journalistes aux zones affectées par le conflit, rendant difficile l’observation des abus lorsqu’ils se produisent, alors que le conflit s’est étendu aux régions voisines de l’Amhara et de l’Afar.

Des gouvernements et l’ONU ont condamné les assassinats sommaires, les violences sexuelles généralisées et les pillages, mais n’ont pas fait grand-chose de plus. Une campagne de nettoyage ethnique contre la population tigréenne dans l’ouest du Tigré a causé un grand nombre de morts, de violences sexuelles, de détentions de masse et le déplacement forcé de milliers de personnes. Le véritable siège imposé à la région du Tigré par le gouvernement s’est poursuivi tout au long de l’année 2022, déniant à la population civile un accès à la nourriture, aux médicaments et à une aide humanitaire vitale, ainsi qu’à l’électricité, aux opérations bancaires et aux communications, en violation du droit international.

 

 

Les trois membres africains élus du Conseil de sécurité de l’ONU – le Gabon, le Ghana et le Kenya – ainsi que la Russie et la Chine, ont bloqué l’inscription de l’Éthiopie à l’ordre du jour permanent du conseil, en dépit du mandat de cet organe de maintenir ou de restaurer la paix et la sécurité internationales.

Les gouvernements ont également hésité à adopter des sanctions ciblées à l’encontre d’entités et d’individus éthiopiens responsables d’abus. La surveillance internationale a plutôt reposé sur le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui a renouvelé de justesse le mandat du mécanisme qu’il avait créé en décembre 2021 pour enquêter et préserver les preuves des graves abus et identifier les responsables. Toutefois, les autorités fédérales éthiopiennes continuent farouchement de faire obstacle à ses travaux.

Un processus de paix de dix jours, sous l’égide de l’Union africaine (UA), a abouti en novembre à une trêve entre le gouvernement fédéral éthiopien et les autorités tigréennes, ce qui offre aux autres États l’occasion de jouer un rôle moteur en soutenant des solutions à même de briser les cycles mortels de la violence et de l’impunité. Les voies pour une reddition de compte au niveau national étant bouchées, une supervision internationale de l’accord est nécessaire, en même temps que des efforts crédibles pour faire rendre des comptes aux auteurs d’abus pendant le conflit.

Les principaux commanditaires et observateurs de l’accord, dont l’UA, l’ONU et les États-Unis, devraient maintenir leur pression pour assurer que les organismes indépendants chargés d’enquêter puissent accéder aux zones de conflit, documenter les abus et en préserver les preuves. Faire rendre des comptes pour ces crimes doit demeurer une priorité, afin que les victimes et leurs familles puissent obtenir une mesure de justice et des réparations.

Le respect des droits comme recette de stabilité

Les autocrates profitent d’une illusion qu’ils entretiennent selon laquelle ils sont indispensables au maintien de la stabilité, ce qui en retour semble justifier leur oppression et les violations généralisées des droits humains qu’ils commettent à cette fin.

Mais cette « stabilité », motivée par la quête sans fin de pouvoir et de contrôle, infecte et érode chacun des piliers indispensables à une société fonctionnelle basée sur l’État de droit. Il en résulte fréquemment une corruption massive, une économie en ruines et un système judiciaire désespérément partial. L’espace civique vital est démantelé, les activistes et les journalistes indépendants sont en prison, en fuite ou vivent dans la crainte permanente de représailles.

Les manifestations de protestation de plusieurs mois en Iran en 2022 illustrent les graves risques encourus par les autocraties lorsqu’elles s’imaginent que la répression est un raccourci vers la stabilité. Ces protestations ont éclaté à travers le pays en réaction à la mort, en septembre, d’une jeune femme kurde iranienne de 22 ans, Mahsa (Jina) Amini, à la suite de son arrestation par la « police des mœurs » pour avoir porté un « hidjab inapproprié ». Mais le port obligatoire du hidjab contesté par les manifestants n’est que le plus visible des symboles de la répression. En fait, la nouvelle génération de protestataires dans tout le pays se fait l’écho des frustrations des générations passées : les citoyens en ont assez de vivre sans droits fondamentaux et d’être dirigés par des individus qui méprisent de manière impitoyable le bien-être de leur peuple.

L’exigence d’égalité déclenchée par les femmes et les écolières s’est transformée en un mouvement national du peuple iranien contre un gouvernement qui leur a systématiquement dénié leurs droits, a mal géré l’économie et a plongé de nombreux citoyens dans la pauvreté. Les autorités iraniennes ont réprimé ce qui est vite devenu un mouvement de protestation anti-gouvernemental généralisé en recourant à une force excessive et létale, puis à des simulacres de procès menant à des condamnations à mort pour ceux qui osent défier l’autorité du gouvernement. Les indications selon lesquelles les autorités pourraient démanteler la police des mœurs sont loin de répondre à la demande d’abolition des lois discriminatoires sur le port obligatoire du hidjab, et encore plus loin des réformes structurelles fondamentales réclamées par les manifestants pour que le gouvernement rende des comptes.

Le lien entre l’impunité pour des abus et une mauvaise gouvernance peut être constaté ailleurs. Des pénuries de carburant, de nourriture et d’autres biens essentiels, dont les médicaments, ont provoqué des manifestations massives au Sri Lanka, forçant le Premier ministre, Mahinda Rajapaksa, puis son frère, le président Gotabaya Rajapaksa, à démissionner. Malheureusement, l’homme que le parlement a choisi pour les remplacer, Ranil Wickremasinghe, a renoncé à ses engagements en faveur de la justice et de l’établissement des responsabilités pour les violations flagrantes des droits commises lors de la guerre civile de 26 ans qu’a connue le pays et qui s’est terminée en 2009. Au lieu de concentrer ses efforts sur la résolution de la crise économique et l’apport d’une justice sociale, le président Wickremasinghe a réprimé les manifestations, utilisant même la loi de triste réputation sur la Prévention du terrorisme pour emprisonner des étudiants activistes.

Des fissures sont également apparues dans les fondations de pays apparemment inébranlables. En novembre, l’irritation croissante suscitée par les strictes mesures de confinement imposées par Pékin dans le cadre de sa stratégie « zéro Covid » a gagné la rue, des manifestants protestant dans de nombreuses villes à travers le pays et dénonçant les mesures draconiennes du Parti communiste et, dans certains cas, le pouvoir de Xi. Ces remarquables manifestations de défiance, menées essentiellement par des jeunes, notamment des jeunes femmes, prouvent que le désir de droits humains ne peut pas être anéanti, en dépit des moyens considérables consacrés par le gouvernement chinois pour les écraser.

Il est facile de célébrer les manifestants qui portent le combat en faveur des droits humains dans les rues. Mais nous ne pouvons pas attendre des protestataires qu’ils se chargent, à eux seuls, de diagnostiquer les problèmes – ce qu’ils font en prenant de grands risques pour eux-mêmes et pour leurs familles – et de faire rendre des comptes aux responsables des privations dont ils ont souffert. Les gouvernements respectueux des droits doivent fait preuve d’attention et de détermination politiques afin que les changements nécessaires en matière de droits humains se produisent. Les gouvernements devraient assumer leurs responsabilités vis-à-vis des droits humains à l’échelle mondiale et non se contenter de méditer et prendre des poses à leur sujet.

Prenons le cas du Soudan, dont la révolution populaire de 2018-19 a contesté la structure du pouvoir abusive qui a plongé le pays dans la répression pendant des décennies. La transition conjointe militaro-civile qui dirigeait le pays depuis deux ans a été sabotée par un coup d’État militaire fin 2021, plaçant des autocrates et des chefs militaires soudanais impliqués dans de graves abus – certains d’entre eux sont de nouveau en train d’en commettre – aux commandes de l’avenir du pays.

Mais les Comités populaires de résistance soudanais – des organisations civiles pro-démocratie créées à l’issue de la révolution de 2018 – sont toujours actifs, en dépit d’actes de répression parfois mortels. Ces organisations insistent pour une transition exclusivement civile et veulent que les responsables d’abus soient amenés à rendre des comptes. En décembre, les acteurs politiques sont parvenus à un accord préliminaire avec les militaires auteurs du coup d’État, reportant à plus tard les discussions sur des réformes des secteurs de la justice et de la sécurité, mais les protestataires et les organisations de victimes l’ont rejeté.

 

Si le Soudan devait s’acheminer vers un avenir plus respectueux des droits, les demandes de ces organisations, y compris leurs appels à la justice et à la fin de l’impunité pour les personnes au pouvoir, devrait être une priorité des États-Unis, de l’ONU, de l’UE et des partenaires régionaux du Soudan lors de leurs contacts avec la hiérarchie militaire soudanaise. Ceux qui ont mené le coup d’État pour obtenir le pouvoir ne l’abandonneront pas sans moyens de dissuasion ou sans coût financier.

De même, donner une place centrale aux demandes des millions de personnes qui réclament le respect des droits humains et le retour au régime civil démocratique au Myanmar demeure crucial pour faire face à la crise actuelle. En février 2021, l’armée du Myanmar a pris le pouvoir par un coup d’État et a depuis lors brutalement réprimé une vase opposition. Pendant deux ans, la junte militaire a commis des abus systématiques, notamment des meurtres extrajudiciaires, des actes de torture et des violences sexuelles, qui constituent des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre.

 

 

L’Association des nations d’Asie du sud-est (ASEAN) a produit un plan de « Consensus en cinq points », négocié avec la junte du Myanmar, afin d’essayer de régler la crise. Cette tentative a échoué, plusieurs pays membres de l’ASEAN comme la Malaisie, l’Indonésie et Singapour reconnaissant que la junte refusait de s’y conformer. Depuis le coup d’État, l’ASEAN a écarté les représentants de la junte du Myanmar de ses réunions de haut niveau. Au-delà de cela, l’ASEAN n’a imposé qu’une pression minimale au Myanmar, tandis que d’autres gouvernements influents, dont ceux des États-Unis et du Royaume-Uni, s’abritent derrière l’organe régional pour justifier leur propre quasi-inaction.

Si elle souhaite vraiment obtenir un résultat différent, l’ASEAN doit adopter une approche différente. En septembre, le ministre malaisien des Affaires étrangères de l’époque, SaifuddinAbdullah, a été le premier responsable de l’ASEAN à rencontrer ouvertement des représentants du Gouvernement d’unité nationale du Myanmar, un organe d’opposition formé après le coup d’État par des parlementaires élus, des représentants des minorités ethniques et des activistes de la société civile. L’association régionale devrait suivre la même voie et étendre ses contacts aux représentants de la société civile.

L’ASEAN devrait également intensifier la pression sur le Myanmar en s’alignant sur les efforts internationaux visant à priver la junte de ses sources de revenus en devises étangères et de ses achats d’armes, ce qui affaiblirait l’armée du Myanmar. En tant que nation assumant la présidence tournante de l’ASEAN en 2023, l’Indonésie devrait prendre l’initiative d’effectuer un examen formel du bilan de la junte en matière de droits humains et de son refus de se conformer au plan de consensus en cinq points, et envisager de suspendre le Myanmar afin de confirmer l’engagement pris par l’ASEAN d’être une association « tournée vers l’être humain, axée sur l’être humain ».

Un nouvel engagement international pour les droits humains

La magnitude, l’échelle et la fréquence des crises des droits humains à travers le globe démontrent combien il est urgent d’adopter un cadre et un mode d’action nouveaux. Considérer nos plus grands défis et les plus lourdes menaces pesant sur le monde moderne par le prisme des droits humains permet de voir clairement non seulement les causes profondes des perturbations, mais aussi la marche à suivre pour les résoudre.

Chaque gouvernement a l’obligation de protéger les droits humains et d’en promouvoir le respect. Après des années d’efforts épars et souvent sans conviction pour les civils menacés dans des lieux comme le Yémen, l’Afghanistan et le Soudan du Sud, la mobilisation du monde autour de l’Ukraine vient nous rappeler l’extraordinaire potentiel quand les gouvernements assument leurs responsabilités en matière de droits humains à l’échelle mondiale. Tous les gouvernements devraient apporter le même esprit de solidarité à la multitude de crises des droits humains dans le monde, et pas seulement quand cela sert leurs intérêts.

Source : HRW

 

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