En 2022, la sécurité mondiale s’est nettement détériorée par rapport à la décennie précédente. Partout dans le monde, les guerres, les dépenses militaires et l’insécurité alimentaire ont augmenté. Les vagues de chaleur, les sécheresses et les inondations ont eu d’importants coûts humains et économiques. La stabilité internationale a été mise à mal par la guerre en Ukraine et un regain de tensions entre les grandes puissances, ce qui a affaibli le contrôle des armements et l’efficacité de la diplomatie. Insécurité alimentaire et tensions géopolitiques Alors que la faim dans le monde s’aggrave constamment depuis 2017, la guerre en Ukraine n’a fait qu’exacerber le problème. L’importante production d’aliments de base par la Russie et l’Ukraine a souffert de la guerre et des sanctions. Et ceci survient après que la pandémie de Covid-19 a entraîné une forte hausse des prix alimentaires mondiaux. Si la guerre en Ukraine marque les esprits, 55 autres pays ont connu un conflit armé en 2022.
Cette guerre a toutefois nettement détérioré les relations entre les grandes puissances, alimenté une discorde politique croissante dans le monde, nuisant ainsi à la capacité de gérer et résoudre conflits et différends locaux et régionaux. L’Asie du Nord-Est est la ligne de front d’une relation de plus en plus tendue et risquée entre la Chine, les États-Unis et leurs alliés. La région souffre en outre des tensions provoquées par la poursuite du programme de développement de missiles de la Corée du Nord, qui a procédé à plus de 90 essais en 2022. La guerre en Ukraine La Russie a envahi l’Ukraine pour la 2e fois en février 2022, entraînant une guerre totale. Les forces russes ont systématiquement attaqué des cibles civiles, provoquant des destructions urbaines à grande échelle, et auraient commis de nombreux crimes de guerre, selon des preuves recueillies par les Nations unies. Fin 2022, ni une victoire ni une paix négociée n’étaient en vue, les positions des deux pays demeurant très antagonistes.
Les données sur l’ampleur des souffrances humaines causées par la guerre sont fragmentaires et peu fiables. Questions sans réponse Tandis que la guerre en Ukraine ébranle le système international, quelle place l’agenda international réserve-t-il à la résolution des problèmes les plus communs comme la crise environnementale ? L’énergie et la guidance onusiennes peuvent-ils compenser le leadership mondial défaillant des grandes puissances ? Si, fin 2022, ces questions étaient sans de réponse, de nombreuses grandes institutions internationales continuaient d’œuvrer en faveur du bien commun. En témoignent l’accord visant à créer un fonds « pertes et dommages » pour les pays les plus vulnérables au changement climatique et l’adoption d’un nouveau cadre d’action pour enrayer la perte de biodiversité. Mais le contexte international actuel permet difficilement de générer l’énergie et l’action collective nécessaires à la mise en œuvre de ces engagements ainsi que d’autres, d’échelle internationale.
TENDANCES DES CONFLITS ARMÉS
2022 a été une année de conflits armés généralisés dans le monde, mais la nature et le niveau de violence ont varié considérablement d’une région à l’autre. Si la guerre en Ukraine a dominé les débats sur la guerre et la paix, elle est le seul conflit interétatique majeur impliquant des armées permanentes. Hors Europe, la plupart des guerres se sont poursuivies au sein d’États – ou de groupes d’États aux frontières poreuses – impliquant des groupes armés non étatiques (réseaux djihadistes transnationaux, gangs criminels, forces séparatistes et groupes rebelles). Un total de 56 États étaient en proie à un conflit armé, soit 5 de plus qu’en 2021. Trois d’entre eux (Ukraine, Myanmar et Nigéria) pouvaient sans conteste être qualifiés de conflits majeurs, avec une estimation d’au moins 10 000 morts liées au conflit. La guerre civile en Éthiopie a probablement franchi ce seuil. Même en l’absence de données solides, on estime qu’elle aurait fait des dizaines de milliers de morts. Seize autres conflits armés intensifs ont fait entre 1000 et 9999 morts.
Le nombre total de décès liés aux conflits est estimé à 147 609, soit un peu moins qu’en 2021. Ce chiffre masque toutefois d’importantes fluctuations régionales de la violence. Le nombre de décès dans certains conflits armés graves et persistants, comme en Afghanistan et au Yémen, a considérablement baissé. Ce nombre a grimpé en flèche en Ukraine et presque doublé au Myanmar. L’Afrique est restée la région la plus touchée par les conflits armés, dont la plupart a fait moins de 1 000 morts. En 2022, l’Afrique a également connu deux coups d’État réussis et trois tentatives infructueuses, alors qu’aucune autre région n’en a connu. L’invasion de l’Ukraine menaçait d’accroître l’instabilité mondiale en 2022, perturbant les marchés alimentaires et énergétiques et sapant les mécanismes internationaux de résolution des conflits. Les conséquences ont toutefois été moins graves que prévues, même si l’incertitude économique a entraîné des troubles politiques dans de nombreuses régions.
Plus de 12 000 manifestations liées à l’alimentation et au carburant ont été enregistrées dans le monde, avec de nombreux incidents violents. Elles n’ont toutefois pas donné lieu à de nouveaux conflits civils ou régionaux.
Gestion des conflits internationaux
En dépit de la guerre en Ukraine, la Russie et les puissances occidentales ont pu, pour la plupart, évité de bloquer la diplomatie onusienne pour d’autres conflits. Le Conseil de sécurité de l’ONU a continué à mandater des opérations de paix, régimes de sanctions et initiatives de médiation au même rythme que l’an dernier. En Afghanistan, en Haïti et au Myanmar, ses résolutions ont ouvert de nouveaux horizons, ce qui suggère que cet organe est encore considéré comme un canal valide de coopération. Le Conseil de sécurité et le système des Nations unies n’ont toutefois pas pu trouver de solutions décisives, par exemple à la flambée de violence djihadiste au Sahel, la montée de la violence en RDC et l’effondrement de l’ordre public en Haïti, où l’ONU jouait déjà un rôle dans la gestion de la crise.
Si l’ONU a pu franchir le cap de 2022, il a été plus difficile pour les alliés de la Russie et de l’Ukraine de trouver un espace de compromis au sein de l’OSCE, tandis que l’UE et l’OTAN se concentraient de plus en plus sur l’Ukraine et la défense territoriale plutôt que sur la gestion des conflits. Hors Europe, l’Union africaine et les entités sous-régionales africaines, notamment le G5 Sahel et la CEDEAO, se sont efforcées de relever les défis concomitants de la violence djihadiste et des coups d’État sur le continent. Néanmoins, les forces nationales et multinationales ont réussi à repousser les groupes djihadistes en Somalie et au Mozambique. En Asie du SudEst, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est n’a guère progressé dans ses efforts diplomatiques concernant le Myanmar.
Accords de paix
Les possibilités de pacification ont été rares en 2022. L’ONU a instauré une trêve au Yémen d’avril à octobre – avec une apparente baisse de la mortalité et un meilleur accès à l’aide, malgré la poursuite des violences. Par ailleurs, des médiateurs d’États africains, d’Arabie saoudite, de l’ONU et des États-Unis ont poussé les autorités militaires du Soudan à convenir d’un nouveau cadre pour un gouvernement civil après une année 2021 marquée par des troubles entre militaires et civils. Une offensive militaire de l’armée éthiopienne et de ses alliés a contraint le Front de libération du peuple tigréen à demander une trêve en novembre. Négociée à la hâte à Pretoria, la trêve s’est maintenue tant bien que mal jusqu’en 2023. En Colombie, un nouveau gouvernement de gauche a travaillé sur une initiative de paix avec plusieurs groupes armés fin 2022, avec des résultats mitigés en décembre.
OPÉRATIONS DE PAIX MULTILATÉRALES
2022 a connu 64 opérations multilatérales de paix actives, soit une de plus qu’en 2021. Cinq ont débuté en 2022 : les Forces collectives de maintien de la paix de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) au Kazakhstan ; la Mission de transition de l’Union africaine (UA) en Somalie (ATMIS) ; la Mission de soutien à la stabilisation de la CEDEAO en Guinée-Bissau (MSSGB) ; la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est en République démocratique du Congo (FRCAE-RDC) et la Mission de surveillance, de vérification et de contrôle de l’UA en Éthiopie (AU-MVCM). Quatre ont pris fin en 2022 : les forces collectives de maintien de la paix de l’OTSC au Kazakhstan, la mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine (MSO), la mission de l’UA en Somalie (AMISOM) et l’équipe internationale de surveillance (EIS) à Mindanao. Le personnel déployé dans les opérations multilatérales de paix (OMP) dans le monde a augmenté en 2022, rompant avec une tendance à la baisse entre 2016 et 2021. L’augmentation reflète principalement celle des déploiements de personnel pour des OMP en Afrique subsaharienne, région où se trouvent le plus grand nombre d’OP et de personnel. Quatre des cinq nouvelles opérations en 2022 y ont été lancées par des organisations régionales. Ces nouvelles missions illustrent la régionalisation croissante des opérations de paix et l’accent mis sur le déploiement de personnel en uniforme plutôt que de personnel civil.
Morts dans les opérations de paix de l’ONU
En 2022, 74 membres du personnel international (53 militaires, 13 civils et 8 policiers) et 27 membres du personnel local sont décédés dans le cadre d’OP onusiennes, soit 21 de moins qu’en 2021. En dépit de cette diminution, le nombre de décès hostiles –causés par des actes malveillants – a augmenté de 24 en 2021 à 32 en 2022. La MINUSMA (Mali) est restée la plus meurtrière pour les soldats de la paix, avec 25 décès enregistrés, soit 10 de moins qu’en 2021. L’événement le plus meurtrier de l’année s’est produit en mars, lorsqu’un hélicoptère affecté à la MONUSCO (RDC) s’est écrasé, tuant huit soldats de la paix de l’ONU.
Érosion des relations avec les gouvernements hôtes et rivalités géopolitiques Les relations difficiles entre les OP et les gouvernements hôtes ont donné lieu à l’expulsion du personnel de l’ONU de la République démocratique du Congo et du Mali. Dans les deux pays, des manifestations ont exigé la fermeture des opérations de maintien de la paix de l’ONU en raison de leur inefficacité présumée. Au Mali et en République centrafricaine, ces relations difficiles ont été compliquées par la présence du groupe Wagner, une société militaire et de sécurité privée russe, accusée de participer à des violations des droits de l’homme et à des campagnes de désinformation. Enfin, la guerre en Ukraine a exacerbé les rivalités géopolitiques déjà croissantes, en particulier entre les pays occidentaux et la Russie, provoquant la fermeture de la mission de surveillance de l’OSCE, ainsi qu’une dynamique politique difficile au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.
SOCIÉTÉS MILITAIRES ET DE SÉCURITÉ PRIVÉES DANS LES CONFLITS ARMÉS
Tendances, acteurs et sujets de préoccupation Ces 20 dernières années ont connu une croissance rapide des sociétés militaires et de sécurité privées (SMSP). Il n’existe pas de définition universellement acceptée et juridiquement contraignante d’une SMSP et le secteur opère souvent dans un vide juridique : leurs employés ne sont ni des soldats ni des civils et ne peuvent généralement pas être définis comme des mercenaires. Les guerres d’Irak (2003-11) et d’Afghanistan (2001-21) ont modifié la perception de l’industrie militaire et de sécurité privée, le déploiement massif de contractants par les États-Unis ayant créé de nouvelles opportunités de marché dans le monde. Les raisons de la croissance des SPMS sont variables, mais il s’agit souvent d’un calcul de rentabilité : les États se procurent des compétences et des services qu’il leur coûterait trop cher d’assurer euxmêmes.
Les SPMS opèrent désormais dans le monde entier pour des clients très divers, et assument des responsabilités dans des fonctions essentielles de l’État et de la sécurité. Les acteurs sont tant les pays d’accueil où siègent les SPMS que les entreprises clés de ces pays. Quelques pays d’origine accueillent la majorité des SPMS : les ÉtatsUnis, le Royaume-Uni, la Chine et l’Afrique du Sud abriteraient ensemble environ 70% du secteur. La Russie, dont le secteur des SPMS est relativement petit, a sans doute utilisé ses sous-traitants pour le combat plus que d’autres pays. Les SPMS se comptent par milliers dans le monde. La plupart respectent la loi et leur mandat et, d’une manière générale, contribuent à la stabilisation et à la sécurité des régions où elles opèrent, souvent en étroite collaboration avec l’ONU et les ONG.
Toutefois, ces deux dernières décennies, l’importance croissante de plusieurs SMSP très médiatisées dans les zones de conflit et les contextes sécuritaires a suscité un intérêt accru de la part du public. Sociétés militaires et de sécurité privées en Afrique subsaharienne Le rôle récent des SPMS en Afrique subsaharienne suggère que leurs mandataires sont étroitement liés aux intérêts de l’État d’origine, et sont des instruments de politique nationale et de concurrence géopolitique. La Russie et la Chine semblent être à l’origine de l’actuel regain d’activité des SPMS en Afrique, bien que les premières vagues aient été menées par d’anciennes puissances coloniales européennes ou aient fait partie des rivalités par procuration de la Guerre froide.
La vague actuelle s’inscrit dans un contexte de rivalité géopolitique accrue et de conflits armés internationalisés. Le contrôle et l’extraction des ressources naturelles constituent un point de convergence commun. Des SPMS occidentales sont actives en Afrique, souvent dans la lutte contre le terrorisme, mais sans participer aux combats. En revanche, les SPMS russes, surtout le groupe Wagner, participent à des opérations militaires, généralement pour le compte de gouvernements ou de juntes menacés par des rebelles. Le paiement prend souvent la forme de précieuses ressources naturelles ou de concessions minières. Le groupe Wagner a fait l’objet de nombreux rapports ou enquêtes de l’ONU pour des allégations de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international. Les SPMS chinoises émergent de manière plus progressive et limitée, mais en lien étroit avec les investissements et le développement d’infrastructures et du commerce chinois. Cela pourrait présager un engagement plus durable des intérêts et des acteurs chinois et un plus grand impact stratégique sur l’accès aux ressources naturelles et, plus généralement, sur la dynamique politique de l’Afrique subsaharienne.
Le paysage réglementaire actuel Alors que le recours aux SPMS dans les conflits armés et les contextes fragiles semble se développer, on peut se demander si les normes internationales sont encore adéquates pour réglementer ce secteur. L’un des principaux défis est le recours aux SMSP comme acteurs par procuration dans les conflits armés (Russie et Turquie). Ces déploiements n’entrant pas dans la définition juridique internationale du mercenaire, certains États ont par exemple tenté de d’appliquer des critères terroristes au groupe Wagner ou de sanctionner ses dirigeants. Les procès en justice pénale contre des mercenaires ou le personnel de SPMS sont rares. À l’ONU, les travaux de réglementation ont été ravivés par la guerre en Ukraine et les activités du groupe Wagner.
Un groupe de travail intergouvernemental de l’ONU a tenté de combler les lacunes entre les dispositions juridiques internationales sur les mercenaires et les approches réglementaires plus souples comme le document de Montreux et le Code de conduite international des prestataires privés de services de sécurité. Toutefois, le consensus sur la nécessité d’un instrument juridiquement contraignant et son contenu reste difficile à atteindre. Lors des discussions du groupe de travail en 2022, les États ne sont toujours pas parvenus à un accord sur le caractère contraignant ou non de l’instrument ni sur son champ d’application, sur les dispositions relatives aux droits humains ainsi qu’à la responsabilité et aux voies de recours pour les victimes. Les discussions se poursuivront à l’ONU en 2023 mais se traduiront-elles par des changements réglementaires concrets et crédibles ?
DÉPENSES MILITAIRES ET PRODUCTION D’ARMES
Les dépenses militaires mondiales ont augmenté pour la 8e année consécutive pour atteindre un montant estimé à 2 240 milliards USD, le plus élevé jamais enregistré par le SIPRI. Malgré l’augmentation de 3,7% en glissement annuel, la part des dépenses militaires dans le PIB mondial est restée à 2,2% car l’économie mondiale a également progressé en 2022. Les gouvernements du monde entier ont consacré en moyenne 6,2% de leur budget aux dépenses militaires, soit 282 USD par personne. Impact de la guerre Russie-Ukraine La guerre en Ukraine a eu un effet majeur sur les dépenses militaires mondiales et régionales.
Les dépenses militaires en Europe ont augmenté de 13%, la plupart des pays d’Europe centrale et occidentale ayant réagi à l’invasion en augmentant considérablement leurs dépenses militaires. Ils ont également planifié une croissance future, certaines augmentations s’étendant jusqu’en 2033. Cela suggère que la guerre, et l’augmentation des dépenses militaires européennes qui s’ensuivra, exacerbera la tendance actuelle à la hausse des dépenses militaires mondiales, dont la plupart sont destinées à la modernisation de l’équipement militaire et à l’augmentation des effectifs. L’Allemagne, par exemple, prévoit d’y consacrer 2,0% de son PIB. L’aide militaire à l’Ukraine est une autre cause de l’augmentation des dépenses militaires des pays d’Europe centrale et occidentale et d’Amérique du Nord : la plupart ont soit envoyé une aide militaire financière, soit reconstitué les stocks qui s’amenuisent après avoir envoyé des équipements militaires. Les dépenses militaires de l’Ukraine ont été multipliées par plus de 7, soit plus d’un tiers de l’économie du pays. Celles de la Russie ont également augmenté, de 9,2%, malgré les sanctions économiques. Autres tendances des dépenses régionales Au Moyen-Orient, les dépenses militaires estimées ont augmenté de 3,2%, une première en quatre ans. L’Arabie saoudite est la plus dépensière dans le domaine militaire (+16%) et le principal moteur de l’augmentation régionale. En Israël, 2e pays le plus dépensier du Moyen-Orient, les dépenses militaires ont baissé de 4,2% Les dépenses en Asie et Océanie ont augmenté de 2,7%, principalement en raison de la modernisation militaire en Chine et l’augmentation des dépenses de l’Inde et du Japon. Le fardeau militaire du Japon a dépassé 1% pour la 3e année consécutive et atteint son niveau le plus élevé depuis 1960, avec, en outre, l’intention déclarée de porter le total de ses dépenses de sécurité à 2,0% du PIB d’ici 2027. L’évolution de la politique de sécurité japonaise résulte des tensions régionales croissantes, en particulier avec la Chine et la Corée du Nord. Les dépenses militaires de la Chine, 2e pays le plus dépensier au monde, ont augmenté de 4,2% pour la 28e année consécutive, réduisant ainsi l’écart entre ses dépenses et celles des États-Unis. Les États-Unis sont restés de loin les plus grands dépensiers militaires au monde, et avec les niveaux d’inflation exceptionnellement élevés, l’augmentation nominale de 8,8% est devenue une augmentation réelle de 0,7%. En conséquence, les dépenses militaires globales des Amériques ne sont qu’en légère hausse, de 0,3%.
La seule région où les dépenses militaires ont diminué est l’Afrique (-5,3%) ; une première depuis 2018 et la plus forte baisse depuis 2003. Les mauvaises performances économiques et les catastrophes naturelles ont entraîné cette baisse, malgré les défis sécuritaires persistants. Le Top 100 du SIPRI Les 100 plus grandes sociétés d’armes et de services militaires (Top 100 du SIPRI) ont totalisé 592 milliards USD de ventes d’armes en 2021 (dernières données disponibles), soit 1,9% de plus qu’en 2020. Cette tendance à la hausse dure depuis au moins 2015, malgré les effets persistants de la pandémie, la perturbation des chaînes d’approvisionnement, les pénuries de maind’œuvre et de semi-conducteurs. Les ÉtatsUnis continuent de dominer le classement avec 40 entreprises dont les ventes d’armes totalisent 299 milliards USD.
TRANSFERTS INTERNATIONAUX D’ARMES
Le volume des transferts internationaux d’armes majeures en 2018-22 a été inférieur de 5,1% à celui de 2013-17 et supérieur de 3,9% à celui de 2008-12 (parmi les plus élevés depuis la fin de la Guerre froide). Il reste toutefois inférieur d’environ 35% aux totaux de 1978-82 et 1983-87 (périodes de pic de transferts d’armes). Les acquisitions d’armes par les États, souvent auprès de fournisseurs étrangers, sont largement motivées par les conflits armés et les tensions politiques. Tout porte à croire que les tensions augmentent dans de nombreuses régions, comme en Europe après l’invasion de l’Ukraine, et que la demande d’armes majeures augmentera probablement dans les années à venir et sera en grande partie satisfaite par des transferts internationaux. Fournisseurs d’armes majeures Le SIPRI a identifié 63 États comme exportateurs d’armes majeures en 2018-22, mineurs pour la plupart. Les 25 plus grands fournisseurs ont représenté 98% du volume total des exportations, et les 5 plus grands fournisseurs de la période – États-Unis, Russie, France, Chine et Allemagne –, 76%.
Depuis 1950, les États-Unis et la Russie (Union soviétique avant 1992) ont toujours été de loin les principaux fournisseurs. Toutefois, en 2018-22, les États-Unis ont consolidé leur première position et l’écart avec la Russie s’est creusé. En 2018-22, les exportations d’armes des États-Unis ont augmenté de 14% par rapport à 2013-17 et leur part du total mondial est passée de 33 à 40%. En revanche, celles de la Russie ont diminué de 31% et sa part du total mondial est passée de 22 à 16%. Les plans connus concernant les livraisons futures indiquent clairement que l’écart entre les États-Unis et la Russie va se creuser et que la Russie pourrait perdre sa deuxième place dans quelques années. Les exportations d’armes de la France, 3e plus grand fournisseur, ont augmenté de 44% de 2013-17 à 2018-22. Celles de la Chine et de l’Allemagne ont respectivement diminué de 23% et 35%.
Importateurs d’armes majeures
Le SIPRI a identifié 167 États comme importateurs d’armes majeures en 2018-22. Les cinq premiers étaient l’Inde, l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Australie et la Chine, qui représentaient ensemble 36% du total des importations d’armes. La région qui a reçu le plus grand volume d’importations d’armes majeures en 2018-22 est l’Asie et Océanie, avec 41% du total mondial, suivie du Moyen-Orient (31%), de l’Europe (16%), des Amériques (5,8%) et de l’Afrique (5,0%). Entre 2013-17 et 2018-22, les flux d’armes vers l’Europe (+47%) ont augmenté, tandis que les flux vers l’Afrique (-40%), les Amériques (-21%), le Moyen-Orient (-8,8%) et l’Asie et Océanie (-7,5%) ont diminué. Les 167 importateurs sont souvent impliqués dans des conflits armés ou tensions avec d’autres États où les armes importées jouent un rôle important. Un grand nombre d’exportateurs y sont parties prenantes directes ou y participent, ce qui explique en partie pourquoi ils sont disposés à fournir des armes, même en contradiction avec leur politique déclarée en matière d’exportation d’armes.
Valeur financière des exportations d’armes des États
Les données du SIPRI n’indiquent pas la valeur financière des transferts d’armes mais de nombreux États publient des chiffres sur la valeur financière de leurs exportations d’armes. Sur cette base, le SIPRI estime la valeur totale du commerce mondial des armes à au moins 127 milliards USD en 2021 (dernière année de données financières disponibles), contre 95 milliards USD (constants de 2021) en 2012. En 2021, la valeur totale du commerce des armes représentait environ 0,5% de la valeur totale du commerce international mondial.
FORCES NUCLÉAIRES MONDIALES
Début 2023, 9 États (États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord et Israël) possédaient ensemble environ 12.512 armes nucléaires, dont 9.576 étaient considérées comme potentiellement disponibles sur le plan opérationnel. On estime que 3.844 de ces ogives ont été déployées avec des forces opérationnelles, dont environ 2.000 ont été maintenues en état d’alerte opérationnelle élevée, soit le même nombre que l’année précédente. Arsenaux nucléaires Le nombre d’ogives nucléaires dans le monde continue de diminuer, principalement en raison du démantèlement par les États-Unis et la Russie d’ogives retirées du service. Le nombre d’ogives opérationnelles augmente à nouveau. En parallèle, ces deux pays ont mis en place de vastes et coûteux programmes de remplacement et de modernisation de leurs ogives, systèmes de lancement de missiles, d’avions et de sous-marins, ainsi que de leurs installations de production d’armes nucléaires. La Chine modernise et étend considérablement son arsenal nucléaire. Son stock nucléaire devrait continuer à croître au cours de la prochaine décennie et selon certaines projections, elle déploiera au moins autant de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) que la Russie ou les États-Unis au cours de cette période.
Toutefois, le stock global d’ogives nucléaires de la Chine devrait rester inférieur à celui de ces deux pays. Les arsenaux des autres États dotés d’armes nucléaires sont encore plus réduits, mais tous développent ou déploient de nouveaux systèmes ou ont annoncé leur intention de le faire. L’Inde et le Pakistan semblent également augmenter la taille de leurs stocks, et le Royaume-Uni en a annoncé l’intention. La Corée du Nord continue de placer son programme nucléaire militaire au cœur de sa stratégie de sécurité nationale. Elle pourrait avoir assemblé jusqu’à 30 armes nucléaires et en produire davantage. Elle a procédé à plus de 90 essais de missiles balistiques en 2022, le nombre le plus élevé jamais atteint en une seule année. Israël maintient sa traditionnelle politique d’ambiguïté, laissant planer une grande incertitude sur le nombre et les caractéristiques de ses armes nucléaires. Faibles niveaux de transparence La disponibilité d’informations fiables sur l’état des arsenaux et des capacités nucléaires des États dotés varie considérablement. Les estimations peuvent se base sur la quantité de matières fissiles – plutonium et uranium hautement enrichi (UHE) – qu’un pays est supposé avoir produite et sur l’observation des forces de missiles.
DANSMITH, DIRECTEUR DU SIPRI