TENSION. Le président sortant est déclaré vainqueur au premier tour avec 61 % des suffrages, mais le Premier ministre, Succès Masra, conteste les résultats.
Trois jours seulement après le vote pour la présidentielle, l’Autorité nationale de gestion des élections (Ange) a proclamé le président de la transition Mahamat Idriss Déby largement vainqueur, dès le premier tour, avec 61 % des suffrages et plus de 75 % de participation. Il devance ainsi ses neuf concurrents, dont Succès Masra, son Premier ministre, arrivé deuxième avec 18,53 % des voix, mais qui affirme avoir lui aussi remporté l’élection. Arrivé en troisième position avec 16,91 % des suffrages, l’ancien chef du gouvernement Albert Pahimi Padacké a déjà félicité le vainqueur déclaré. L’agence chargée des élections avait jusqu’au 21 mai pour compiler ses bulletins.
Dès l’annonce de ces premiers résultats globaux provisoires jeudi soir, Succès Masra a appelé à une mobilisation pacifique dans la capitale N’Djamena, quadrillée par les forces de l’ordre. En effet, la tension est palpable dans le pays alors que l’opposition et la société civile tchadienne ont, également, exprimé des doutes quant à la crédibilité et la transparence du scrutin. Il faut savoir que c’est le chef de la junte qui a nommé tous les membres de l’Ange et du Conseil constitutionnel.
Vers un nouveau bras de fer ?
Le Premier ministre de transition avait revendiqué la victoire, bien avant la proclamation des résultats officiels, dans un long discours sur sa page Facebook où il accusait le camp Déby d’avoir truqué les résultats pour annoncer la victoire du général. « Un petit nombre d’individus pensent pouvoir faire croire que l’élection a été remportée par le même système qui dirige le Tchad depuis des décennies, avec des résultats que l’on connaît. Et pourtant nous avons promis à tous, et c’est ce qui va être fait, un Tchad sans vengeance, un Tchad réconcilié où chacun aura sa place. À tous les Tchadiens qui ont voté pour le changement, qui ont voté pour moi, je vous dis : mobilisez-vous pacifiquement, faites-le dans le calme avec un esprit de paix. Témoignez de ce que vous avez vu pendant ces élections, publiez les témoignages, les photos, les PV, les vidéos qui prouvent l’ampleur de votre victoire ! » avait-il lancé.
En face, plus sobrement : « Je suis désormais le président élu de tous les Tchadiens », a dit dans sa première brève prise de parole, Mahamat Idriss Déby à la télévision publique, promettant de mettre en œuvre ses « engagements ».
Ce scrutin, très attendu par les Tchadiens, devait marquer la fin d’une transition militaire de trois ans et nombre d’observateurs l’estimaient joué d’avance en faveur du général, proclamé président de la transition par l’armée le 20 avril 2021 en remplacement de son père Idriss Déby Itno, tué par des rebelles en se rendant au front, après avoir dirigé d’une main de fer, trente années durant, ce vaste pays sahélien parmi les plus pauvres du monde.
Alors plus farouche pourfendeur de « la dynastie Déby », l’économiste et opposant Succès Masra, s’était finalement rallié à la junte et le général l’avait nommé Premier ministre quatre mois avant la présidentielle. Si ses partisans protestent contre son élection dans la rue, cela pourrait ouvrir la voie à un nouveau bras de fer et des violences, les manifestations de l’opposition étant systématiquement réprimées dans ce pays.
Parmi les observateurs, l’Organisation internationale de la Francophonie « exhorte », dans un communiqué publié ce vendredi « toutes les parties prenantes à éviter toute forme de violence et à préserver un climat apaisé à travers le dialogue et la concertation, ainsi qu’à recourir aux voix légales en cas de contestation des résultats provisoires. Ces résultats doivent refléter la volonté du peuple tchadien ». Le Point Afrique
