décembre 7, 2024
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TCHAD Limiter l’impact de la guerre au Soudan dans le Ouaddaï

La Guerre au Soudan a des conséquences au Tchad où presque un million de personnes (plus de 930 000 personnes) se sont installées après avoir fui cette terre en conflit. Au même moment, l’aide humanitaire ne suffit déjà pas à satisfaire les besoins des réfugiés et des populations hôtes. Les populations de l’est du Tchad, notamment celles du Ouaddaï, où se concentre la majorité des réfugiés, faisaient déjà face à une extrême pauvreté et à des divisions entre communautés arabes et non arabes. L’accroissement soudain de la population et l’importation des fractures communautaires soudanaises risquent de déstabiliser la région. En attendant que les bailleurs de fonds honorent leurs promesses, les agences humanitaires devraient concentrer leurs efforts sur les points de tension les plus critiques entre réfugiés et populations hôtes. Le gouvernement tchadien devrait mobiliser un soutien économique pour le Ouaddaï et travailler à prévenir la montée du sentiment anti-arabe.  Des éléments de réponse sont apportés par le Crisis Group dans une étude intitulée « Tchad : limiter l’impact de la guerre au Soudan dans  le Ouaddaï » dont DakarTimes vous propose une synthèse.

Les impacts transfrontaliers de la guerre au Soudan

Ici Crisis Group a d’abord mis l’accent sur l’’intensification du conflit au Darfour. L’Ong rappelle dans son étude que depuis le mois d’avril 2023, les Forces armées soudanaises (FAS), dirigées par le général Abdel Fattah al-Burhan, sont engagées dans une lutte de pouvoir avec les Forces de soutien rapide (FSR), contrôlées par son ancien adjoint, Mohamed Hamdan « Hemedti » Dagalo.

Les FSR sont une force paramilitaire qui trouve son origine au Darfour, une vaste région de l’ouest du Soudan dont une partie jouxte le Tchad. A partir de 2003, l’ancien président du Soudan, Omar el-Béchir, a mobilisé des milices majoritairement arabes pour réprimer des mouvements rebelles issus des communautés non arabes du Darfour, qui accusaient le pouvoir central de les opprimer. Hemedti faisait partie du commandement des Janjawids, l’une des milices progouvernementales les plus puissantes. Dix ans plus tard, le régime de Khartoum a formalisé l’intégration de ces milices dans son appareil sécuritaire en créant les FSR. Après avoir joué un rôle important dans la chute du président el-Béchir en 2019, ces forces paramilitaires ont, en octobre 2021, participé avec l’armée régulière à un coup d’Etat contre le gouvernement de transition mixte, dirigé par des civils et des militaires.

Les négociations visant à fusionner les deux forces ont exacerbé les tensions entre Burhan et Hemedti, ce qui a conduit à un conflit violent en avril 2023. Les combats ont dévasté plusieurs régions et mené le Soudan à l’effondrement. La capitale Khartoum a été ravagée, poussant la direction des FAS à s’installer à Port-Soudan, la capitale de l’Etat de la mer Rouge, dans le nord-est du pays. Des puissances étrangères, comme l’Egypte et les Emirats arabes unis (EAU), se sont impliquées dans le conflit, soutenant respectivement les FAS et les FSR, éloignant un peu plus les perspectives de paix. Les combats ont provoqué la fuite de près de vingt pour cent de la population. Plus de huit millions de personnes se sont déplacées à l’intérieur du Soudan, tandis que trois millions ont fui à l’étranger, principalement en Egypte, au Tchad et au Soudan du Sud.

Les violences n’ont pas épargné le Darfour. En novembre 2023, les FSR ont achevé leur prise de contrôle de plusieurs villes importantes de cette région, notamment Al-Geneina, la capitale de l’Etat du Darfour occidental, et Nyala, la capitale de l’Etat du Darfour méridional. Elles y ont commis, avec leurs milices affiliées, de graves exactions contre les populations non arabes, telles que les Massalit, qualifiées de « nettoyage ethnique » par l’ONG des droits humains Human Rights Watch.3 Si les hommes et les jeunes garçons n’ont pas été épargnés, les femmes et les jeunes filles ont été particulièrement exposées aux violences sexuelles perpétrées à grande échelle par les FSR et leurs milices affiliées lors des attaques dans la région du Darfour occidental et dans l’agglomération de Khartoum.

Les violences perpétrées par les FSR sur les civils – incluant pillages, viols et meurtres – et les bombardements effectués par les deux camps sont la principale cause de l’exode au Tchad des populations darfouriennes, ainsi que des Tchadiens vivant dans cette région, que ce soit pour des raisons économiques ou familiales.5 Elles rappellent, dans une certaine mesure, les atrocités perpétrées, à partir de 2003, par les Janjawids contre les rebelles et les civils au Darfour, en particulier à l’encontre des communautés massalit, fur et zaghawa. A l’époque, ces violences avaient fait, selon l’ONU, plus de 300 000 morts, et poussé 240 000 Soudanais et 180 000 Tchadiens vivant au Darfour à trouver refuge dans l’est du Tchad. La majorité des Soudanais sont restés au Tchad, où ils continuent pour la plupart à vivre dans des camps et à bénéficier d’un statut de réfugié ; les Tchadiens (dits « rapatriés » dans le jargon humanitaire) se sont quant à eux réintégrés dans leur pays d’origine.

Les exactions des FSR et la distribution par les SAF d’armements aux communautés non arabes ont exacerbé les tensions interethniques au Darfour. Les communautés non arabes nourrissent un esprit de revanche vis-à-vis des populations arabes après les massacres d’Al-Geneina, qui ont fait entre 10 000 et 15 000 morts entre juin et novembre 2023, et le siège de la ville d’El-Fasher, capitale de l’Etat du Darfour septentrional, qui a commencé en mai 2024.10 Des milliers d’entre eux ont rejoint la Joint Darfur Force (JDF), une coalition armée de défense des civils créée en avril 2023 par d’anciens groupes rebelles du Darfour signataires d’un accord de paix avec le gouvernement soudanais, à Juba, en 2020.11

Initialement neutre, une partie de la JDF s’est alliée aux FAS en novembre 2023.12 Jusqu’ici, elle est parvenue à repousser les assauts des FSR sur El-Fasher. En octobre 2024, elle a lancé une vaste offensive au Darfour occidental, largement repoussée par les forces d’Hemedti. Ces récents combats ont entraîné une autre vague exceptionnelle de déplacements : plus de 20 000 personnes sont arrivées au Tchad lors de la première semaine d’octobre.

Sur le plan diplomatique, le président Mahamat Déby est confronté à un exercice d’équilibrage périlleux. Si son régime s’est proclamé neutre depuis le début du conflit, un accord conclu en juin 2023 avec les EAU – portant sur un prêt émirati de 1,5 milliard de dollars et un renforcement de la coopération sécuritaire, énergétique et minier entre les deux pays – a remis en cause son impartialité. 15 Au même moment, avec le consentement tacite du président tchadien et de son cercle rapproché, les EAU ont commencé, selon de multiples sources crédibles, à approvisionner en armes et en équipements les FSR depuis le Tchad. Le Tchad et les EAU ont cependant nié être impliqués dans ces livraisons d’armes.

Depuis, des avions cargo émiratis ont pourtant atterri régulièrement au Tchad, d’abord à Amdjarass (province de l’Ennedi Est), au nord-est du pays, puis à N’Djamena, après avoir coupé leur transpondeur pour ne pas être tracés. Les armes sont ensuite acheminées au Darfour par la route, comme établi dans le rapport du groupe d’experts de l’ONU sur le Soudan. En octobre 2024, les EAU ont accordé un deuxième prêt de 500 millions de dollars au Tchad. L’armée soudanaise a dénoncé cette ingérence, notamment devant le Conseil de sécurité de l’ONU, créant une crise diplomatique avec le Tchad qui a rejeté ces accusations.21 En 2023, les deux pays ont mutuellement expulsé des diplomates. Le 1er novembre 2024, le Soudan a porté plainte contre le Tchad pour son soutien aux FSR auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, marquant ainsi une nouvelle escalade des tensions entre les deux pays. Les autorités de N’Djamena ont répliqué, le 9 novembre, accusant le Soudan de soutenir des groupes armés pour déstabiliser le Tchad.

Les accords avec les EAU fragilisent l’assise du président Mahamat Déby dans la communauté zaghawa – dont il est issu, comme son père – mais lui permettent aussi d’asseoir son pouvoir à la tête du pays. D’un côté, l’appui émirati en faveur des FSR, qui s’en prennent régulièrement aux communautés non arabes du Darfour, dont les Zaghawa soudanais, est mal vécu par certains segments de cette communauté au Tchad. Ce mécontentement s’est renforcé depuis le début du siège d’ElFasher, qui compte une importante population zaghawa et dont les élites entretiennent des liens étroits avec la famille présidentielle tchadienne.25 De l’autre, le financement accordé en 2023 par les EAU, qui représente plus de 80 pour cent du budget de l’Etat tchadien, contribue à perpétuer une politique clientéliste. Il semblerait avoir permis au président Mahamat Déby d’acheter le silence des Zaghawa tchadiens critiques envers les EAU, mais aussi de nommer plusieurs ressortissants d’autres communautés du nord, en particulier les Gorane, à des postes de responsabilité créés pour l’occasion, élargissant ainsi sa base de soutien.

Malgré les efforts d’équilibre du président Mahamat Déby, ces tensions ont déjà débouché sur quelques incidents au sein de l’armée, comme des défections et des désaccords entre officiers arabes et zaghawa. Bien que très fréquents sous la gouvernance du président Mahamat Déby, les changements majeurs effectués en octobre 2024 dans le haut commandement de l’armée, de la police et de la gendarmerie pourraient en partie être liés à ces tensions.

Crisis Group a ensuite évoqué les profils et lieux d’installation des nouveaux arrivants. A ce titre, Crisis Group souligne qu’en raison de sa proximité géographique avec le Darfour et des liens communautaires et familiaux qui unissent les populations de part et d’autre de la frontière, le Tchad s’est rapidement retrouvé en plein cœur de la crise humanitaire causée par le conflit soudanais. Si le gouvernement tchadien a officiellement fermé sa frontière – longue de 1 400 kilomètres – avec le Soudan en avril 2023 pour prévenir l’entrée de combattants, le pays a accueilli les personnes non détentrices d’armes ou ayant accepté d’être désarmées. Au total, plus de 930 000 personnes ont trouvé refuge au Tchad, soit près de 40 pour cent de la population ayant fui le Soudan. Parmi les nouveaux arrivants, plus des trois quarts (près de 708 000 personnes) sont des réfugiés soudanais, les autres (un peu plus de 222 000 personnes) sont des rapatriés tchadiens.

Le profil des nouveaux arrivants répertoriés par les organisations humanitaires est plutôt homogène. Il s’agit à près de 90 pour cent de femmes et d’enfants partis sans autre bagage que les vêtements qu’ils portaient, ou avec quelques affaires personnelles pour ceux qui n’ont pas été pillés en route. Ces personnes ont perdu tout moyen de subsistance.31 Plusieurs raisons expliquent pourquoi les hommes sont faiblement représentés. Suspectés d’être des combattants, ces derniers ont été davantage tués par les FSR. De nombreux hommes sont aussi restés au Soudan, certains participant de fait au conflit, d’autres pour conserver une activité économique malgré les risques.

Une crise humanitaire sans précédent au Ouaddaï

La crise humanitaire de l’est du Tchad intervient dans une zone déjà en proie à de nombreuses difficultés sociales et économiques. La province du Ouaddaï est un concentré de ces défis. En 2021, le taux de pauvreté y atteignait 38 pour cent, scolarisation primaire les plus bas du pays (moins de vingt pour cent). L’accès aux soins est également un problème chronique pour de nombreux ménages.

Le Ouaddaï fait également face à des problèmes liés à l’accès aux ressources, notamment l’eau, le bois et les terres arables. Cette région semi-désertique subit en effet d’importants aléas climatiques, avec une courte saison des pluies (de juillet à septembre) suivie d’une longue saison sèche. Les ressources en eau se limitent aux cours d’eau – qui se forment avec la saison des pluies et s’assèchent à la fin de celleci – et aux nappes alluviales. En 2024, des épisodes de sécheresse plus intenses et une mauvaise pluviométrie ont affecté les récoltes agricoles.43 La région souffre enfin d’un manque critique de réserves de bois pour faire du feu, en raison de la coupe abusive d’arbres et de l’extension des terres cultivées.44 Avant l’éclatement de la guerre au Soudan, les populations ne mangeaient déjà pas à leur faim : en février 2023, la région affichait un indice d’insécurité alimentaire aigüe de deux sur cinq (cinq représentant l’état de famine).

Le Ouaddaï est aussi traversé par de profondes fractures identitaires. Celles-ci résultent des changements démographiques initiés dans les années 1980, qui ont vu un nombre croissant d’éleveurs nomades venus du nord du pays se sédentariser dans la région à la recherche de pâturages. Le Ouaddaï est ainsi devenu progressivement une zone de pâturage pour les troupeaux des éleveurs arabes, zaghawa et gorane. Ces trois groupes sont au pouvoir au Tchad depuis le début des années 1990, lorsque l’ancien président Idriss Déby Itno a pris la tête du pays.48 Les communautés sédentaires majoritaires du Ouaddaï, telles que les Maba, ont alors vu leur pouvoir coutumier et leur accès à la terre diminuer en faveur de ces éleveurs, qu’elles accusent de jouir de la protection et des faveurs de l’élite dirigeante.49 Les personnes ayant fui le conflit au Soudan dans les années 2000, pour la plupart non arabes, ont aussi importé leurs propres griefs contre la plupart des communautés arabes de la zone, creusant les fractures ethniques.

Des conflits opposant des populations arabes et non arabes ont déjà ensanglanté la région. En 2019, des centaines de personnes ont perdu la vie dans un cycle de vengeance entre ces deux communautés, qui s’accusaient mutuellement d’avoir déclenché un feu de brousse dans un département du Ouaddaï.51 En janvier 2022, à Abéché, l’attribution de la chefferie coutumière d’un nouveau canton à une communauté arabe a provoqué des manifestations que l’armée a réprimées, faisant onze morts et 80 blessés. Les manifestants, principalement issus du groupe Maba, estimaient que la création de ce canton par les autorités de N’Djamena avait comme seul but d’y étendre le pouvoir des communautés arabes.53 Aujourd’hui, les tensions entre communautés arabes et non arabes sont encore vives. « Les Arabes viennent avec leurs chameaux, ils dévastent les champs et ne remboursent jamais car ils sont protégés par les autorités locales », déplore un habitant de la ville de Gaga, située à environ 70 kilomètres d’Abéché.

Le gouvernement tchadien a longtemps négligé le développement économique de l’est du pays, privilégiant une approche sécuritaire. « L’Etat n’a rien fait pour nous depuis Tombalbaye [premier président tchadien, 1962-1975] », résume un agriculteur du Ouaddaï rencontré par Crisis Group, qui se plaint de devoir faire une dizaine de kilomètres par jour pour chercher de l’eau. L’Etat a préféré concentrer son action sur le renforcement de la présence militaire dans la région, surtout après les rébellions tchadiennes qui ont utilisé le Soudan comme base arrière et dont certaines ont tenté de renverser le régime d’Idriss Déby Itno en 2006 et en 2008.

Lors des affrontements communautaires de 2019, l’approche sécuritaire a continué de prédominer : au lieu d’agir sur les causes profondes des tensions ethniques, le gouvernement a essayé de régler le problème en décrétant l’état d’urgence, en instaurant un couvre-feu et en procédant à des opérations de désarmement. En même temps, ses représentants, chargés d’entériner la nomination des chefs coutumiers choisis au préalable par leur communauté, ont continué à outrepasser leurs prérogatives pour imposer un candidat proche des ethnies au pouvoir. Ce faisant, ils n’ont pas considéré les demandes des populations originaires de la région, comme les Maba, pour un partage plus équilibré des chefferies traditionnelles entre communautés arabes et non arabes.

Une crise humanitaire et socioéconomique inédite

Crisis Group évoque ici, une réponse humanitaire insuffisante. Et c’est pour dire que la crise qui sévit dans le Ouaddaï est inédite, tant en raison du nombre de nouveaux arrivants que des graves difficultés socioéconomiques que traverse la région. L’aide humanitaire internationale livrée à l’est du Tchad depuis le début de la guerre au Soudan est insuffisante pour combler les besoins d’une population qui dépend quasi exclusivement de l’assistance pour se nourrir, se soigner et se loger, et qui reste dans sa grande majorité en situation d’insécurité alimentaire aiguë.

En septembre 2024, la réponse d’urgence – qui inclut a minima l’aide alimentaire, l’eau potable, les soins de santé, les abris et la protection – n’était financée par les bailleurs de fonds internationaux qu’à hauteur de 35 pour cent, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Les soins de santé sont particulièrement essentiels, étant donné la proportion importante de femmes parmi les bénéficiaires, dont certaines sont enceintes ou ont subi des violences sexuelles. Sur le plan alimentaire, l’aide, délivrée en nature ou en espèces, ne permet de couvrir que deux ou trois semaines par mois, obligeant les réfugiés et les rapatriés à réduire ou à sauter des repas, à recourir à la mendicité et au sexe de survie, ou à vendre des biens personnels. En outre, les nouveaux venus ne reçoivent pas de combustible pour cuisiner et doivent donc aller en chercher à l’extérieur des camps, une activité qui les expose à la violence sexuelle.

L’accès à l’eau et aux sanitaires est aussi largement problématique. Dans certains camps, chaque personne ne reçoit que six litres d’eau par jour, loin du minimum de vingt litres quotidien préconisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les conditions d’hygiène sont très précaires. En mars 2024, le site d’accueil temporaire d’Adré, l’un des points d’entrée des nouveaux arrivants à la frontière soudanaise, ne disposait en moyenne que d’une latrine pour 667 personnes. Le manque d’eau et d’hygiène a favorisé l’émergence de maladies comme l’hépatite E, qui sévit dans plusieurs sites.

Les nouveaux venus ne sont pas les seuls à avoir besoin d’assistance. D’autres groupes vulnérables, comme les « anciens » réfugiés des années 2000, qui continuent à dépendre de l’aide humanitaire, et les ménages ouaddaïens les plus pauvres, souffrent de taux de malnutrition équivalents à ceux des nouveaux arrivants. L’assistance qu’ils reçoivent, déjà entravée par des problèmes de financement antérieurs à la crise actuelle, est également insuffisante, comme le reconnaissent plusieurs responsables humanitaires.

L’afflux de personnes fuyant le conflit soudanais occasionne également des litiges fonciers dans une région où les terres arables sont rares. Les autorités préfectorales ont dû recourir à des expropriations de terres pour loger les nouveaux arrivants. Avec le soutien du HCR, elles ont mis en place des comités mixtes – incluant les autorités locales, les chefs coutumiers et les représentants, hommes et femmes, des réfugiés et des rapatriés – pour faciliter l’installation des nouveaux venus. Ces comités identifient les terrains à allouer pour la construction des camps et mènent les médiations en cas d’expropriation. Si leur travail a permis d’éviter une montée des tensions, il a aussi créé des frustrations chez certains expropriés qui espéraient toucher des compensations financières, ce qui ne fait pourtant pas partie des missions du HCR. De leur côté, les nouveaux venus, qui sont pour la plupart agriculteurs, se plaignent de ne pas pouvoir accéder à un lopin de terre à cultiver. La présence importante de l’armée tchadienne dans la région constitue, néanmoins, un facteur dissuasif pour d’éventuels fauteurs de troubles.

Une aggravation de la situation socioéconomique

La crise humanitaire aggrave également les difficultés économiques du Ouaddaï. Comme ailleurs dans le pays, la province subit une forte inflation des prix, en particulier des produits céréaliers de grande consommation comme le millet. Avec l’arrêt quasi complet des importations en provenance du Soudan, qui était avant guerre l’une des principales sources d’approvisionnement de la région, de nombreux produits, tels que le sucre, le savon et surtout le pétrole, sont aussi devenus plus rares et plus chers. Désormais, le Ouaddaï se ravitaille depuis N’Djamena et la Libye, ce qui implique des distances plus longues et des coûts logistiques plus élevés. L’augmentation des prix des produits pétroliers, décrétée par le gouvernement central en février 2024 pour dégager des recettes fiscales, participe aussi à l’augmentation des coûts de transport, qui se répercutent sur la plupart des produits de grande consommation.

Le prix de la viande suit, lui, une tendance inverse. Les éleveurs tchadiens ne peuvent en effet plus vendre leur bétail au Soudan comme ils en avaient l’habitude, ce qui a fait chuter les prix de manière significative. Une vache, qui coûtait 100 000 francs CFA (152 euros) début 2023, n’en valait ainsi plus que 60 000 (91 euros) en mars 2024.

Dans les centres urbains du Ouaddaï, l’augmentation de la population a également un impact sur le marché de l’emploi et le logement. La ville d’Abéché compterait aujourd’hui environ trois réfugiés pour dix habitants. Cette situation tire les prix de la main d’œuvre vers le bas. Les emplois domestiques, très sollicités par les femmes et les jeunes filles réfugiées en ville, sont particulièrement touchés, subissant une baisse considérable de leur rémunération. En parallèle, les prix des loyers ont quasiment doublé en raison de la hausse de la population et de l’arrivée du personnel humanitaire international, contraignant certains ménages ouaddaïens à quitter leur domicile, parfois au profit de réfugiés plus aisés qu’eux.77

Cette conjoncture pousse une partie des résidents et des nouveaux arrivants à quitter la région, en quête d’un meilleur horizon économique. Certains se dirigent vers la province du Tibesti, au nord du Tchad, pour travailler dans les nombreuses mines d’or de la zone. D’autres poursuivent le voyage vers la Libye, pensant y trouver de meilleures conditions en matière d’aide humanitaire ou d’emploi, ou pour rejoindre l’Europe en traversant la Méditerranée. Le trajet en pick-up pour se rendre en Libye depuis Abéché coûte environ 60 000 francs CFA (91 euros). Le HCR a déjà constaté une augmentation des arrivées de Soudanais en Italie.

Une montée des tensions constante

L’insuffisance de l’aide humanitaire génère de plus en plus de tensions. Aux abords des camps, les frictions entre nouveaux venus et populations hôtes concernent surtout l’accès aux ressources rares comme l’eau et le bois de chauffe. Des querelles éclatent parfois autour des puits dont le niveau baisse dangereusement. A Métié, depuis fin 2023, des habitants ont passé à tabac à plusieurs reprises des nouveaux arrivants partis collecter du bois aux alentours de leurs camps, leur reprochant de s’accaparer toutes les ressources disponibles. Les femmes et les enfants, chargés de ce travail de collecte, sont particulièrement exposés à ces violences, notamment aux agressions sexuelles, comme en ont témoigné plusieurs humanitaires interrogés par Crisis Group. A Gaga, des altercations ont éclaté début 2024 entre « anciens » et « nouveaux » réfugiés, après que les premiers ont vu leur aide diminuer en raison des moyens limités. Dans d’autres provinces de l’est du Tchad, certains habitants qui tentaient de s’enregistrer comme réfugiés ont agressé du personnel humanitaire après avoir été démasqués.

Selon certains Tchadiens interrogés par Crisis Group, l’augmentation de la pauvreté urbaine nourrit la criminalité. « Les problèmes sécuritaires augmentent, [tels que] les vols, les cambriolages, les violences par arme blanche et arme à feu, les violences sexuelles, la prostitution », explique une autorité d’Abéché. Bien qu’il n’existe pas de statistique fiable pour étayer cette affirmation, cette perception constitue un autre facteur de tensions entre les Tchadiens et les réfugiés.

L’absence de perspectives économiques, combinée aux liens familiaux et communautaires transfrontaliers, pousse de nombreux jeunes hommes tchadiens à participer directement au conflit soudanais, aux côtés d’unités militaires des deux camps. Plusieurs centaines d’Arabes tchadiens ont rejoint les FSR, attirés par un salaire élevé et l’enrichissement permis par le pillage. Il s’agit surtout d’éleveurs qui, depuis le début de la guerre, ne peuvent plus vendre leur cheptel au Soudan et font face à une paupérisation croissante. Des sources sécuritaires à El-Fasher évoquent une présence de plusieurs milliers de Tchadiens de la communauté zaghawa dans les rangs des JDF qui défendent la ville. Leur participation aux combats amplifient les tensions ethniques de la région.

Une réponse étatique majoritairement sécuritaire

Si le gouvernement tchadien a déployé massivement l’armée dans le Ouaddaï dès le début du conflit soudanais, il a tardé à prendre des mesures pour éviter la montée des tensions dues aux crises humanitaire et socioéconomique. Lorsque la guerre a éclaté au Soudan, le Tchad commençait la phase finale de sa transition politique.

Privilégiant la stabilité de N’Djamena au détriment de celle des provinces, le chef de l’Etat n’a effectué qu’une seule visite officielle dans le Ouaddaï depuis le début du conflit.

Depuis l’élection présidentielle de mai 2024 et sous l’effet de la pression internationale, cette tendance semble toutefois être en train de changer. En juillet 2024, le gouvernement tchadien a déclenché, avec l’appui du Programme alimentaire mondial (PAM) et de la Banque mondiale, un plan national d’urgence pour répondre aux besoins alimentaires des foyers vulnérables dans huit provinces, dont le Ouaddaï, à travers des distributions de nourriture et des transferts monétaires. En septembre 2024, les ministres tchadiens de l’Elevage et de l’Agriculture se sont rendus à Abéché pour lancer ces opérations de distribution. La présence étatique dans le Ouaddaï reste, cependant, limitée.

Même si elles reconnaissent la nécessité d’accueillir les réfugiés et les rapatriés, les autorités locales, administratives ou militaires, perçoivent surtout les nouveaux venus comme une source de problèmes. Grâce à l’expérience des crises précédentes, elles sont conscientes des enjeux sécuritaires liés aux nouveaux arrivants, et ont donc installé un commissariat de police dans chaque camp.95 Cependant, les effectifs sont trop peu nombreux (on compte environ quatre officiers par site) et insuffisamment formés aux enjeux de protection des réfugiés.96 En outre, si un contentieux oppose populations hôtes et réfugiés, « il y a des chances que les premiers soient favorisés par les forces de l’ordre », explique un responsable humanitaire.97 Dans les années 2000, les forces de sécurité tchadiennes avaient déjà fait preuve de partialité en faveur des populations locales lors des litiges opposant ces dernières aux réfugiés soudanais.

Le risque d’une escalade rapide des tensions

L’intensification de la guerre au Soudan pourrait fragiliser le Tchad, qui constitue l’un des rares îlots de stabilité dans la région du Sahel de plus en plus en proie aux crises politiques et sécuritaires. Les combats au Darfour, en particulier, risquent d’aggraver la crise humanitaire dans l’Est tchadien. La chute possible de la ville d’El-Fasher, mise à genoux par les affrontements entre les FSR et la JDF depuis mai 2024, pourrait être accompagnée d’une vague de pillages et de massacres ethniques similaires à ceux qui ont ravagé Al-Geneina en 2023. El-Fasher abrite plus d’un million de personnes appartenant en majorité à des communautés non arabes, dont un nombre important pourrait chercher refuge au Tchad, pays de repli le plus proche et où beaucoup ont des liens familiaux ou ethniques. De plus, parmi le 1,7 million de Darfouriens qui connaissent des niveaux de pénuries alimentaires d’urgence – qui précèdent la situation de famine –, plusieurs pourraient se réfugier au Tchad pour fuir la faim.

Un afflux supplémentaire de personnes fuyant le conflit saturera les capacités des organisations humanitaires alors que les bailleurs de fonds peinent déjà à financer le plan de réponse actuel. En avril 2024, une conférence tenue à Paris a permis de mobiliser deux milliards d’euros de promesses de dons pour la crise soudanaise. Mais comme il est souvent le cas, les bailleurs n’ont pas encore décaissé tous les fonds. Sans le financement nécessaire, les agences d’aide pourraient se voir contraintes de réduire l’assistance aux nouveaux venus, voire de suspendre leur soutien à certaines catégories de bénéficiaires comme les rapatriés. « Cela aurait un impact dramatique, non seulement en termes de perte de vies humaines, mais aussi pour la sécurité », explique le responsable d’une ONG.103 Les humanitaires redoutent, en outre, une augmentation des rixes entre bénéficiaires de l’aide, ainsi que des agressions contre leur personnel.

Une nouvelle vague de réfugiés et de rapatriés dans le Ouaddaï pèsera encore davantage sur le partage des maigres ressources de la province. L’inflation, tout comme le manque d’emplois et de logements, suscitent déjà la colère d’une partie de la population à l’égard des nouveaux arrivants. Une paupérisation croissante pourrait favoriser l’enrôlement de jeunes hommes tchadiens dans la guerre au Soudan. Alors que leur activité est en berne, les jeunes éleveurs arabes sont particulièrement exposés à ce risque. Des réseaux criminels de recruteurs de combattants pour le Soudan pourraient également se structurer, en particulier dans les grandes villes ou sur les réseaux sociaux, pour tirer profit du désespoir économique de ces jeunes. Des vidéos de mobilisation de combattants tchadiens arabes pour le Soudan circulent déjà en ligne.

Alors qu’une issue politique à la guerre au Soudan semble aujourd’hui peu probable sur le court terme, les réfugiés risquent de rester au Tchad pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies, comme ceux arrivés lors de la crise de 2003. Confrontés au chômage et à la pauvreté, une part croissante d’entre eux, notamment les jeunes hommes, pourraient être tentés de partir chercher du travail dans la province du Tibesti, en Libye ou en Europe.

En parallèle, l’ethnicisation du conflit au Darfour est en train d’accroître le sentiment anti-arabe au Ouaddaï, faisant craindre de nouveaux affrontements intercommunautaires, comme ceux qui ont secoué la province en 2019. Des nouveaux venus, traumatisés par les exactions commises par des FSR au Soudan, importent de nouveaux griefs contre la communauté arabe, lesquels alimentent les préjugés des Ouaddaïens. Certains réfugiés et une partie de la population locale qualifient ainsi les éleveurs arabes venus du Soudan de « FSR » ou de « Janjawids ».106 En juin 2024, des habitants d’un village du département d’Abdi, au sud du Ouaddaï, disant craindre d’être attaqués par un groupe d’éleveurs arabes assimilés aux FSR, ont annoncé, dans une vidéo diffusée en ligne, la création d’une milice villageoise. Face à cette stigmatisation et au ralentissement économique de leur filière, des éleveurs se confinent, eux, dans leurs ferricks (villages arabes) par crainte d’attaques de la part des communautés non arabes, qui les accusent d’avoir envoyé leurs fils au Darfour pour combattre aux côtés des FSR.

Le soutien présumé apporté par les EAU aux FSR depuis le Tchad alimente aussi les griefs contre la communauté arabe. Des activistes et des chefs communautaires massalit déplacés au Tchad estiment que les exactions visant depuis des décennies les communautés non arabes font partie d’un « plan d’arabisation du Darfour », soutenu par les pays du Golfe et qui viserait à les expulser pour transformer leurs terres agricoles en pâturages pour les éleveurs arabes. Ces récits sont le résultat de décennies de soutien des élites au pouvoir à Khartoum et de leurs alliés régionaux aux éleveurs arabes du Darfour dans un contexte de lutte pour l’accaparement des terres. Ils sont aussi nourris par les nombreux investissements des pays du Golfe, de plus en plus « en quête de sécurité alimentaire “externalisée” », dans le secteur agroalimentaire soudanais.

Atténuer les conséquences socioéconomiques et identitaires de la crise

Le Tchad et ses partenaires internationaux disposent d’une marge de manœuvre limitée pour éviter une aggravation des tensions communautaires dans l’est du pays, en particulier dans le Ouaddaï. Depuis avril 2023, la constance des autorités tchadiennes dans leur politique d’accueil des nouveaux venus et dans l’ouverture de leur territoire aux organisations humanitaires internationales est à saluer. Malgré les risques sécuritaires que cette situation fait peser sur le Tchad, il est crucial que le président Mahamat Déby maintienne la frontière ouverte aux personnes fuyant le conflit, tout en continuant à surveiller, avec l’appui de l’armée, l’entrée d’armes et la création de réseaux criminels recrutant des combattants pour le conflit soudanais. Le gouvernement tchadien a déjà déployé certaines de ces mesures sécuritaires avec efficacité. Il devrait maintenant concentrer ses efforts sur l’amélioration de la situation socioéconomique de la région.

Crisis Group prône de contenir la crise humanitaire. A ce propos, l’ONG souligne que pour les autorités tchadiennes et leurs partenaires internationaux, le défi le plus urgent est d’éviter que l’insuffisance des ressources n’entraîne des violences majeures. Pour ce faire, les bailleurs de fonds devraient honorer les promesses de dons faites lors de la conférence à Paris en avril 2024 et financer les futurs plans de réponse humanitaire pour l’est du Tchad. Cela contribuerait à répondre aux contraintes budgétaires des agences d’aide et à limiter le risque de disputes entre bénéficiaires et d’agressions sur le personnel onusien et celui des ONG. Dans les incidents survenus jusqu’à présent, la réponse rapide des policiers stationnés dans les camps a empêché le conflit de dégénérer. Il est cependant important que les autorités tchadiennes exigent systématiquement des procès-verbaux des interventions des forces de l’ordre présentes dans les camps afin de renforcer l’impartialité de ces dernières.

La qualité de la réponse humanitaire aura un impact décisif sur la fréquence des incidents sécuritaires liés à l’arrivée des réfugiés. Si les bailleurs décaissent les fonds nécessaires, les organisations humanitaires devraient donner la priorité à l’accès à l’eau et au bois de chauffage. En collaboration avec les autorités locales, elles devraient installer les nouveaux arrivants dans des lieux disposant de capacités de stockage d’eau. Pour cela, elles pourraient généraliser la mise en place de seuils d’épandages, des ouvrages qui permettent d’améliorer l’absorption de l’eau dans le sol afin de mieux remplir les nappes phréatiques. Les violences autour de l’accès au bois, en particulier aux abords des camps, pourraient, elles, être réduites par la distribution de combustible aux réfugiés, comme le HCR l’avait fait avec succès lors de la précédente crise dans les années 2000.112 L’utilisation de briquettes de fumier ou de charbon écologique est d’ailleurs déjà étudiée par certaines organisations.

Malgré des difficultés récurrentes de trésorerie, le gouvernement tchadien devrait consacrer des fonds exceptionnels à la province du Ouaddaï pour mettre en place, sur une plus grande échelle et plus rapidement, les mesures récemment annoncées pour combattre l’inflation et la crise alimentaire au niveau national.

Si la gratuité de l’eau et de l’électricité, promise en mars, n’a guère profité à la région – ces deux services étant pratiquement inexistants au Ouaddaï –, les distributions de nourriture et les transferts monétaires décrétés en juillet vont offrir un soulagement pour les ménages ouaddaïens vulnérables. Le gouvernement pourrait également suspendre l’augmentation des prix des produits pétroliers décidée en février, qui pèse fortement sur le coût des produits alimentaires.

De telles mesures montreraient la bonne volonté des autorités, souvent critiquées par les habitants de la région pour leur inaction. Elles apporteraient aussi une aide immédiate aux habitants et contribueraient à réduire le nombre de jeunes hommes tchadiens qui, faute d’opportunités, partent rejoindre les rangs de l’une ou de l’autre partie au conflit au Soudan.

A moyen terme, avec l’appui des partenaires internationaux comme l’Union européenne et la Banque mondiale, le gouvernement tchadien devrait lutter contre l’enclavement de la région en investissant dans la construction d’infrastructures essentielles, telles que des routes, des adductions d’eau et des seuils d’épandages. Lors d’un discours prononcé à l’occasion de la fête de l’indépendance, le 11 août 2024, le président Déby s’est engagé à mener de tels projets.116 L’amélioration du réseau routier permettrait, en particulier, de diminuer le coût du transport et d’améliorer la disponibilité des biens de consommation. A ce titre, le goudronnage en cours de la route de 95 kilomètres reliant Abéché à Abou Goulem, un important axe commercial du Ouaddaï, est une initiative gouvernementale à reproduire.

Dans le secteur agroalimentaire, le gouvernement et ses partenaires pourraient identifier des cultures adaptées à la région et économiquement rentables. Cela permettrait, sur le long terme, de créer des emplois, de renforcer la sécurité alimentaire de la zone et de diminuer la dépendance des populations à l’aide humanitaire. C’est notamment le cas de la culture de l’acacia – qui permet de produire la gomme arabique – dont les débouchés commerciaux sont actuellement importants alors que la production soudanaise, la plus importante au monde, est pénalisée par le conflit.118 La reforestation rendue possible par ces projets aurait des effets bénéfiques supplémentaires, y compris sur la capacité des sols à retenir l’eau et la lutte contre la désertification. Entre 2013 et 2017, l’Agence française de développement a financé des projets de ce type.

 

Synthèse de Fatou SENE

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