janvier 24, 2025
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Sécurité

Une année canon pour les marchands d’armes

La dégradation du climat géopolitique et la multiplication des conflits armés ne font pas que des malheureux. Il reste les vendeurs d’armes qui font des affaires d’or.

L’industrie de l’armement a connu une bonne année en 2024. Ce n’était pas la première fois, et ce ne sera pas la dernière. Les choses allaient déjà si bien au milieu de l’année que les 15 plus grandes compagnies dans le secteur prévoyaient avoir doublé leurs carnets de commandes d’ici deux ans par rapport à 2021, rapportait cet été le Financial Times.

Pour essayer de répondre à la demande, on embauche à un rythme qu’on n’avait pas vu depuis la fin de la Guerre froide. Il n’est pas facile d’augmenter rapidement la production dans le domaine. Outre le défi de trouver la main-d’œuvre spécialisée, on repose sur des chaînes d’approvisionnement complexes où les contraintes n’ont fait que s’accumuler à cause de la montée des tensions géopolitiques.

Comme il n’est pas bon, en attendant, de laisser dormir tous ces milliards de nouveaux contrats publics d’armements, plusieurs compagnies en ont profité pour procéder à des rachats d’actions et magasinent des concurrents qu’elles pourraient racheter, ce qui ne va pas sans booster la valeur de tout le monde en Bourse. Depuis 2020, la valeur boursière des entreprises du secteur de la défense et de l’aérospatiale a crû 50 % plus vite que la moyenne.

C’en est au point où il devient difficile pour un grand investisseur de ne pas être présent dans le secteur pour profiter de l’occasion. Ce serait même le cas de plus en plus de fonds d’investissement responsable ou durable ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), dont au moins le tiers en Europe ont doublé leurs placements dans le secteur depuis deux ans. On se justifie en disant que toutes les compagnies ne fabriquent pas des armes internationalement bannies, comme les bombes à fragmentation ou les mines antipersonnel, et qu’il y va de la promotion de causes importantes, comme la défense de la souveraineté nationale ou des Ukrainiens contre l’envahisseur russe.

L’Ukraine, Trump et les autres

Les dépenses militaires des pays sont en augmentation depuis une trentaine d’années, même une fois neutralisé l’effet de l’inflation. Ils ont semblé, à mi-chemin, marquer une pause, ou même un tassement, avant de repartir à la hausse il y a quelques années. L’an dernier, ils ont approché les 2500 milliards $US, selon les plus récentes données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), la référence en la matière.

Cette récente augmentation des dépenses militaires est le résultat de plusieurs facteurs. À commencer par l’augmentation du nombre de conflits armés. Ils mettaient aux prises 27 pays en 2019. On en comptait 52 en 2023, rapporte le SIPRI.

On pense évidemment à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Non seulement s’y déverse-t-il des quantités effrayantes de fusils, de bombes, de tanks et de toutes sortes d’armes volantes venus des quatre coins du monde, mais ce retour de la guerre en Europe a déclenché une soudaine urgence de s’armer chez tous les voisins, proches et plus lointains. Le conflit dans la bande de Gaza et son extension à d’autres pays ont eu le même effet dans la région.

Il y a également la montée de la tension géopolitique à plusieurs endroits, notamment entre la Chine et Taïwan. Parlant de tension, la venue de Donald Trump à la Maison-Blanche est un autre facteur important. Non seulement à cause de sa rhétorique agressive et belliqueuse sur la scène internationale, mais aussi en raison de son insistance à ce que les alliés des États-Unis augmentent leurs propres dépenses militaires et parce qu’il permet à ces derniers de douter de l’aide militaire américaine en cas de besoin.

Les armes de l’avenir

Ce retour à l’avant-scène des questions de défense, en même temps que les géants américain, chinois ou russe se recentrent sur eux, force les autres pays à vouloir regarnir leurs propres capacités militaires ainsi qu’à prêter une plus grande attention à leur autonomie industrielle en la matière, observaient cet automne dans Le Monde le spécialiste des questions militaires Alexandr Burilkov et l’économiste Guntram Wolff.

Cela ne sera pas facile, préviennent les experts. Les armes coûtent cher. Les fabriquer coûtera de plus en plus cher dans une économie mondiale fragmentée. Et puis, encore faut-il savoir ce que l’on veut fabriquer.

À lui seul, le conflit en Ukraine a été le théâtre de trois sortes de guerres en une, observait la firme de consultation PricewaterhouseCoopers dans sa plus récente analyse de l’industrie de la défense : une guerre de tranchées et d’artillerie comme la Première Guerre mondiale ; une guerre de tanks et de bombardement des populations civiles comme la Deuxième Guerre mondiale ; et une guerre de drones, de reconnaissance et de ciblage par satellites et de cyberattaques qui préfigure une toute nouvelle sorte de guerre.

Dans tous les cas, cette nouvelle course à l’armement arrive alors que les gouvernements ont déjà du mal à maintenir à flot les finances publiques face au vieillissement de leurs populations, l’impérative transition climatique et le fardeau de leurs déficits accumulés. Elle constitue un terrible gaspillage collectif d’argent, d’énergie et de génie, sans parler des vies gâchées ou perdues.

Avec la fin de la Guerre froide, on avait vu diminuer de 50 % les dépenses militaires mondiales. Qualifiées de « dividendes de la paix », ces centaines de milliards avaient soudainement été rendues disponibles pour d’autres usages beaucoup plus positifs et productifs, même sur le plan strictement économique.

En effet, les experts estiment généralement que pour 1 $ dépensé par les gouvernements, on peut espérergénérer 1,50 $ d’activité économique, à condition que l’économie ne roule pas déjà à plein régime. Mais cette estimation n’est qu’une moyenne et cache de grands écarts entre les secteurs où cet argent est dépensé.

Selon une étude publiée en 2013, comme les dépenses militaires vont largement à l’achat de technologies et de matériel importés, leur effet multiplicateur se révélerait de toute évidence négatif (entre -5,70 $ et -7,40 $ selon le cycle économique). Ce serait tout le contraire pour l’amélioration du filet social (entre +2,70 $ et +3 $), de la santé (entre +3,60 $ et +4,90 $), de l’environnement (entre +3,20 $ et +9,50 $) ou de l’éducation (entre +7,90 $ et +9,40 $).

Mieux dépenser son argent

En attendant que la nouvelle course à l’armement s’arrête, les pays devraient au moins essayer de faire en sorte que leurs dépenses militaires servent un peu plus au reste de l’économie, avait avancé un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il y a un an. Actuellement, tout cet argent va principalement aux salaires des militaires (48 %), à l’achat d’équipement (20 %) et à l’entretien de celui que l’on a déjà ou à l’achat de biens qui ne serviront qu’une fois (29 %).

Si au moins une plus grande partie des budgets était consacrée à de la recherche et à du développement qui offriraient des possibilités de transferts technologiques vers les secteurs civils privés, suggérait l’institution économique. Ou que les pays apprenaient à mieux coopérer en matière de politique d’achat et de recherche militaire afin de réduire leur fragmentation et les duplications en plus d’augmenter leur interopérabilité.

Mais bon, si l’on assiste à une course à l’armement, c’est parce que les pays se méfient de plus en plus les uns des autres. Et l’on ne prête pas attention à ce genre de choses lorsqu’on se méfie de plus en plus les uns des autres. Source : Le Devoir

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