mai 20, 2024
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Sécurité

AFRIQUE DE L’OUEST : Pour des lendemains pacifiés et constructifs

La directrice générale et un expert associé de l’Institut Montaigne appellent à refonder la politique française de coopération avec l’Afrique de l’Ouest, notamment en soutenant le secteur agricole.

Le Parlement entend ouvrir aujourd’hui, ce mardi 21 novembre, un débat sur la politique de la France en Afrique, alors que de nombreuses crises sécuritaires et politiques redéfinissent les rapports de force et les alliances possibles avec le continent voisin.
Cette réflexion, pourtant essentielle, est trop souvent partielle, caricaturée ou ignorée. Il faut donc travailler sur des axes de politiques publiques en faveur de l’Afrique de l’Ouest s’appuyant sur une compréhension fine des racines du djihadisme et des solutions socio-économiques à y apporter. Refonder notre politique de coopération avec les pays du Sahel et du golfe de Guinée est une priorité, si nous souhaitons investir des lendemains plus pacifiés et plus constructifs.

Depuis plusieurs années, le Sahel, un espace grand comme l’Europe, se disloque progressivement et sûrement sous les coups de boutoirs des djihadistes, des néosouverainistes militaristes et des puissances autocratiques. L’instabilité ébranle le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Niger, la démocratie recule, les mouvements terroristes ignorent les frontières et contaminent les pays côtiers, les grandes puissances réinvestissent une rivalité longtemps contenue. Les dynamiques à l’œuvre sont mauvaises et les crises humanitaires ont des conséquences majeures, tant pour les populations et les États concernés que pour la France et l’Europe.

Au-delà même des bilans à dresser sur les opérations militaires françaises et étrangères dans la région, ce contexte de plus en plus dégradé exige une analyse qui ne saurait se limiter au tout sécuritaire. Au-delà des impacts profonds et durables de cette fragmentation ouest-africaine, c’est bien le potentiel d’innovation et de croissance que représente l’Afrique qu’il faut questionner.

Prioriser l’agriculture

Si les causes de la détresse ouest-africaine sont connues (facteurs religieux, instabilité politique, tensions intracommunautaires), les études montrent que la marginalisation économique des populations, notamment rurales, joue un rôle prédominant dans l’implantation des djihadistes et la déstabilisation de la région. Le secteur agricole, qui représente 30 % du PIB de l’Afrique de l’Ouest, est, pour 80 % de la population, la principale source de revenus. Il est donc un levier essentiel de stabilisation et de croissance.

Pour autant, ce secteur est durement éprouvé : entre 30 % et 50 % de la production agricole en Afrique de l’Ouest est perdue, une infime portion est transformée sur place, pourtant gage de valorisation, les financements sont aléatoires quand ils ne sont pas tout simplement de vaines promesses ou des investissements peu durables. L’aide publique au développement pour le secteur agricole est de seulement 3,8 % aujourd’hui contre 17 % dans les années 1980. Or, sortir les populations rurales ouest-africaines de l’isolement économique, par la structuration du secteur agricole, devrait être la priorité des bailleurs de fonds.

Embrasser la notion de risque

Il est donc impératif de renouer avec des politiques agricoles et industrielles ambitieuses et de redéfinir des partenariats publics et privés à même de les définir et de les implémenter. Trois grands domaines d’action possibles s’imposent en première instance. Le premier domaine appelle prioritairement la stabilisation de la politique foncière, un investissement en amont sur les intrants agricoles et la mise en place de filières spécifiques permettant un accroissement de la productivité et une transformation industrielle des matières premières. Un modèle de coopérative intégrée semble particulièrement adapté à la recherche d’une taille critique valorisant au mieux les productions locales.

Le défi semble immense. Pour autant, nous ne saurions baisser les bras.

Le deuxième domaine entend s’appliquer à la construction d’infrastructures pour l’eau et l’énergie, mais aussi pour la grande distribution à l’échelle tant régionale qu’internationale. La structuration des compétences de la filière est une nécessité qui pourrait s’incarner dans des Écoles nationales à vocation régionale agricole (ENVR), au plus près des centres de recherche en agronomie et en réseau avec les coopératives intégrées évoquées. Le troisième domaine d’action concerne les financements publics et privés, que ce soit par l’accompagnement des acteurs privés, la concentration de l’aide publique, le financement propre de chaque État, ainsi que la professionnalisation de l’environnement des affaires.

Le défi semble immense. Pour autant, nous ne saurions baisser les bras : la croissance du continent reste élevée, les matières premières de plus en plus stratégiques, le potentiel d’innovation en matière d’énergie réel, le capital humain prometteur, la jeunesse avide d’opportunités… Il nous faut donc modifier notre regard, embrasser la notion de risque avec une résolution lucide et optimiste, croire que seuls l’inaction et le dédain portent les échecs dont tous pâtiront et investir sans relâche le temps long et la confiance.

Par Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut Montaigne et Jonathan Guiffard, chercheur en relations internationales, et expert associé défense et Afrique à l’Institut Montaigne

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