mai 19, 2024
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Economie

Pourquoi certains pays africains font face à une grave crise énergétique et comment comptent-ils la résoudre ?

Le Tchad, la Guinée, le Niger le Mali, et bien d’autres pays de l’Afrique subsaharienne font face depuis quelques mois, à une crise énergétique qui s’est accentuée avec des vagues de chaleur enregistrées ces dernières semaines dans la sous-région.

En raison des délestages, l’électricité est devenue une denrée rare dans ces Etats qui s’organisent comme ils peuvent faire face à la demande de plus en plus croissante. De leur côté, les consommateurs trouvent des alternatives pour s’adapter à cette situation devenue presque banale.

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Le Tchad vote dans l’obscurité

Le lundi 6 mai prochain, les Tchadiens se rendront aux urnes pour élire celui qui présidera aux destinées de leur pays pour les 5 prochaines années. Alors que la campagne bat son plein, le pays est en même temps confronté à une crise énergétique sans précédent. Dans certains quartiers de N’djaména, les habitants ont passé plus de 2 mois sans électricité, dans un contexte de forte chaleur où la température frôle les 45°. C’est donc tout naturellement que la question de l’accès à l’électricité s’invite dans les débats de la campagne présidentielle et fait l’objet de multiple promesses politiques.

Le Président de la transition et candidat à la présidentielle a, par exemple, promis en cas de victoire, de garantir à chaque Tchadien une fourniture de l’électricité 24h/24h et 7 jours/7. Même son de cloche du côté de Succès Masra, son Premier ministre et principal challenger. « Quand je suis arrivé à la tête du gouvernement, j’ai découvert que 90 % des Tchadiens n’ont jamais vu l’électricité depuis l’indépendance. Si je suis élu président, je demande cinq ans aux Tchadiens, pour mettre fin à 60 ans d’obscurité », a affirmé le Président du parti Les Transformateurs.

Les autorités tchadiennes qui ont décrété la gratuité de l’eau et de l’électricité pour les consommations ne dépassant pas les seuils sociaux mensuels de 300 kWh pour l’électricité et 15 mètres cubes pour l’eau, n’ont pas particulièrement communiqué sur les raisons de la crise énergétique. Mais selon le Think-tank Thinking Africa, la crise de l’énergie au Tchad est surtout le résultat de la mauvaise gestion technique et commerciale constituant de ce fait un problème majeur à l’extension de l’électricité dans le pays. Bien que le pays recèle d’appréciables potentialités énergétiques telles que le solaire, la biomasse, l’éolienne, la géothermique et l’hydrocarbure, dont l’exploitation pourrait contribuer au développement du secteur.

« Les candidats font plein de promesses au sujet de l’accès à l’électricité. Mais les populations n’y croient pas. Les Tchadiens sont occupés à chercher les moyens de s’adapter ou de pallier l’absence de l’énergie. Ils ne prennent donc pas au sérieux les promesses politiques sur le sujet», rapporte Maji Maji Odjitan, correspondant de la BBC Afrique à Ndjaména.

Il ajoute : « Il en est de même pour la mesure de gratuité de l’électricité et de l’eau qui avait été décrété par l’Etat. La population se demande toujours comment on peut profiter de la gratuité d’une ressource qui n’existe pas ».

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‘’Nous passons la nuit à la belle étoile’’

Les Tchadiens s’organisent comme ils peuvent pour s’adapter à l’absence de l’électricité ou trouver une alternative à cette situation devenue quasi banale dans la capitale. Dès qu’ils en ont l’occasion, certains se réfugient dans les jardins du Séminaire de Bakara, situé à une quinzaine de km de N’djamena, afin de profiter de la pureté de l’air et du vent frais qu’offre la verdure des lieux. Assise sur une banquette à l’ombre d’un arbre, Maryse Nganaldjim affirme qu’« avoir de l’électricité à Ndjaména est devenu presqu’un miracle ».

« Dans mon quartier, sur 1 à 2 mois, à peine nous avons l’électricité un seul jour et juste pour quelques heures. Avec la forte chaleur de ces temps-ci, la température dans les chambres même à la tombée de la nuit est insupportable. Nous avons donc fait l’option comme la majorité des Ndjaménois de passer la nuit à la belle étoile afin de profiter de la fraicheur de la nuit pour mieux dormir », confie Maryse.

« J’ai été obligé d’acquérir 3 panneaux [solaires] pour pouvoir au moins avoir de la lumière chez moi. Mais ce n’est pas suffisant pour faire tourner le ventilateur, encore moins le climatiseur. La nuit, je passe beaucoup de temps à ventiler les enfants afin qu’ils dorment mieux. C’est extrêmement difficile. Parfois je me demande ce que j’ai pu faire à Dieu pour qu’il décide de me faire naître au Tchad », regrette MANGA JEAN BOSCO avec un air désemparé.

Les détenteurs de groupes électrogènes sont, quant à eux, confrontés à la cherté du carburant dont le prix a été récemment revu à la hausse par le gouvernement de transition. L’essence est ainsi passé de 518 à 730 francs CFA le litre, soit une augmentation de 40% et le gasoil a été porté à 828 francs au lieu de 700 francs, soit une hausse de 18%.

Dans un communiqué officiel émanent de la Primature, il est indiqué que cette hausse du prix du carburant est due au fait que la production de la raffinerie nationale ne suffit plus à satisfaire les besoins en carburant à court terme. Et que cette augmentation serait donc nécessaire afin d’harmoniser les prix des produits pétroliers avec ceux des pays voisins et de la zone CEMAC.

La Guinée se branche sur le Sénégal

En Guinée, l’explosion survenue au principal dépôt pétrolier du pays en décembre 2023 a entraîné la perte d’une centrale thermique à Coronthie. Depuis, le pays connait une crise énergétique entrainant de fréquentes coupures d’électricité. Le jeudi 14 mars 2024, une panne générale a plongé la capitale dans le noir et provoqué des émeutes dans de nombreux quartiers.

La compagnie Électricité de Guinée avait justifié la panne, dans un communiqué, par « un incident sur un pylône à haute tension ». A cela s’ajoute le déficit d’eau impactant les barrages hydroélectriques et le retrait du bateau producteur d’électricité de la société turque Karpowership qui assurait depuis décembre 2019, 10 % des besoins totaux en électricité de la Guinée.

En réponse aux manifestations contre les coupures d’électricité, le directeur général de la société Électricité de Guinée (EDG), et ses deux adjoints avaient été relevés de leur fonction par le chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya. Le Premier ministre, Amadou Oury Bah, avait déclaré en son temps que « les responsables de cette situation liée aux coupures doivent des explications et que chacun doit assumer sa part de responsabilité ».

Plus d’un mois après cet incident, pour sortir de la crise énergétique, la Guinée a fait l’option de se rabattre sur ses voisins en commençant par le Sénégal. « Depuis le 25 avril 2024, la ligne d’interconnexion de l’OMVG a été activée pour permettre le transfert de 120 mégawatts depuis le Sénégal (SENELEC) vers la Société Électricité de Guinée (EDG) », a annoncé le ministère de l’Energie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures de la Guinée dans un communiqué publié ce mardi 30 avril 2024. Le ministère dit poursuivre les discussions avec d’autres pays de la sous-région pour explorer des solutions alternatives face à la situation énergétique actuelle. Il estime également que « l’activation de cette ligne d’interconnexion sous-régionale permet désormais d’alimenter tous les sites stratégiques, les industries, et d’améliorer significativement la desserte en électricité dans les ménages durant la journée ».

Au Niger, le rétablissement de la ligne d’interconnexion avec le Nigeria n’a rien changé

Le Nigeria, à travers le barrage de Kainji, est le principal fournisseur d’électricité du Niger. Mais suite au coup d’Etat du 26 juillet 2023, le Nigeria à interrompu l’alimentation de la ligne. La société Nigérienne d’Electricité (NIGELEC) s’est donc retrouvée du jour au lendemain privée de cette source d’approvisionnement. Ce qui a entrainé une grande instabilité dans la fourniture de l’électricité à la population. Actuellement, la ligne a été rétablie mais cela n’a pas forcément améliorer la situation de la crise énergétique dans le pays.

« La ligne d’interconnexion avec le Nigeria a été rétabli mais la situation actuelle est pire que celle que nous avons connu durant la suspension. Depuis plus de 3 mois, le Niger vie au rythme des coupures d’électricité et des délestages. Dans certains quartiers, l’électricité est disponible à peine 4 à 5 heures par jour. Avec la forte chaleur, la demande en énergie électrique à grimper. Toutes les 8 régions du pays sont affectées par les coupures. Mais les régions de Dosso, Tillabéry et Niamey sont les plus touchées », rapporte Mariama Soumana, correspondante de la BBC Afrique au Niger.

Dans un communiqué rendu publique le 28 février dernier, la société Nigérienne d’Electricité (NIGELEC) a justifié la situation des coupures d’électricité à Niamey et ses alentours. « Les perturbations constatées ces derniers jours sont dues d’une part à la poursuite des travaux de maintenance sur les moteurs des centrales thermique de Gorou Banda et de Goudel et d’autre part à l’installation graduelle de la saison chaude », informe le communiqué.

Tout en présentant ses excuses à ses clients, NIGELEC avait assuré via le même communiqué que « toutes les dispositions sont prises pour finaliser les travaux dans une semaine ». Mais un mois après, la situation continue à se dégrader. Avec la chaleur, la demande en énergie électrique est montée en flèche et la NIGELEC a tout simplement du mal à y faire face.

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“Nous réclamons une communication transparente autour des programmes de délestage”

A Niamey et dans les 7 autres régions du pays, la situation est quasiment similaire. Les coupures de courant sont imprévisibles au grand dam des consommateurs. « Nous avons de très sérieux problème de disponibilité du courant durant cette période de forte chaleur. Il est vrai qu’il n’y a pas de manifestations de rue pour protester contre les coupures d’électricité. Mais, les consommateurs se plaignent énormément notamment sur les réseaux sociaux », affirme Mahaman Nouri, président de l’association de défense des droits des consommateurs (ADDC) du Niger, joint par téléphone.

Au-delà de l’absence de l’électricité, le caractère imprévisible des coupures et l’absence de communication autour de la situation est très mal vécu par les populations. « Le droit à l’information du consommateur est bafoué. Nous réclamons une communication transparente autour des programmes de délestage. Cela permettrait au consommateur de prendre ses dispositions et de mieux s’organiser. Nous avons saisi la direction générale de la NIGELEC et lui avons fait des propositions allant dans ce sens. Ils doivent mieux informer les consommateurs sur les programmes de délestage comme cela se faisait à l’époque de Mamadou Tandja », insiste Mahaman Nouri.

Pour pallier la crise énergétique, la société nigérienne d’électricité (Nigelec) a récemment mis en service une centrale photovoltaïque de 30 mégawatts (MW). Elle s’est également rabattue sur des centrales thermiques qui nécessitent une consommation énorme de gasoil.

Mais Malgré toutes ces difficultés, le Niger envisage venir en aide au Mali voisin qui broie également du noir.

Le Niger vole au secours du Mali

La Société Nigérienne de Pétrole (SONIDEP) fournira à Energie du Mali (EDM-SA) 150 millions de litres de gasoil. C’est ce qu’on peut retenir du communiqué de la présidence du Mali à l’issue de l’audience accordée par le Colonel Assimi GOÏTA, le 16 avril dernier à une délégation du Niger conduite par son ministre du Pétrole, Mahaman Moustapha Barke. Ce carburant servira à alimenter les centrales électriques du pays afin de renforcer l’offre d’électricité et limiter un tant soit peu les nombreuses coupures de courant.

« Le Mali est un pays frère et ami. L’année écoulée, il y a eu une première phase portant sur 22 millions de litres. […] Nous travaillons ensemble pour faciliter l’acheminement de ces 150 millions de litres de gasoil au Mali dans les meilleures conditions et dans les plus brefs délais », a déclaré Mahaman Moustapha Barke, cité dans le communiqué.

Au Mali, les coupures d’électricité peuvent aller jusqu’à 18 heures par jour. La difficulté de la compagnie Énergie du Mali (EDM) chargée de la production, du transport et de la distribution d’électricité dans le pays à couvrir la demande en électricité, s’explique d’une part par la vétusté de ses installations et d’autre part par la difficulté de la compagnie à financer l’achat du carburant nécessaire pour faire tourner les centrales de production de l’énergie électrique. Lors d’une récente sortie, Bintou CAMARA, ministre de l’Énergie et de l’Eau du Mali a fait savoir que le pays à nouer de nouveau partenariat qui lui permettront de renouveler ses équipements et de financer l’achat du carburant pour alimenter les centrales de production de l’énergie électrique.

Le Directeur général de la compagnie nationale d’électricité avait déclaré que le pays, pour couvrir ses besoins en électricité pour l’année 2024, a besoin de 500 millions de litres de combustibles. La compagnie qui croupit sous une dette de plus de 200 milliards de FCFA (environ 300 millions d’euros), a de plus en plus du mal à assurer la couverture en électricité de la capitale et d’autres localités du pays.

Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié en juin 2023, 567 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’avaient pas accès à l’électricité en 2021, ce qui représente plus de 80 % de la population mondiale n’ayant pas accès à l’électricité.

Le Ghana n’a pas assez d’argent pour acheter le combustible

Au Ghana, tous les secteurs d’activité sont affectés par des coupures intempestives de l‘électricité.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la grande majorité (63 %) de l’électricité ghanéenne provient du gaz naturel. Mais le pays qui est devenu plus dépendant de ce combustible ne dispose pas actuellement d’une production nationale de gaz suffisante pour alimenter ses centrales et doit donc en importer de l’étranger.

La difficulté à financer l’achat de combustible cumulé au mauvais entretien des infrastructures électriques a plongé le pays, qui ambitionne de réaliser 10 % de sa génération d’énergie à partir d’énergies renouvelables d’ici 2030, dans une grave crise énergétique.

“Les liquidités nécessaires à la livraison régulière du carburant n’ont pas été disponibles et nous n’avons donc pas pu mettre en marche les générateurs qui nécessitent des combustibles liquides”, explique Benjamin Boakye, analyste à l’Africa Centre for Energy Policy.

Sur une capacité totale installée d’environ 5100 MW le Ghana ne dispose aujourd’hui que d’un peu plus de 3100 MW de capacité de production. Ce qui n’est pas suffisant pour couvrir la demande sans cesse croissante. En outre, les vols et les branchements illégaux entraînent des pertes qui peuvent atteindre en moyenne 25 % de la production d’électricité.

 

BBC

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