mai 19, 2024
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TCHAD : Prévenir le risque d’instabilité post-transition

Les électeurs tchadiens se sont rendus hier aux urnes pour élire un nouveau président de la République. Cette élection va conclure concluant une transition politique de trois ans qui verra presque certainement le président sortant Mahamat Déby Itno conserver le pouvoir. Dans cette séance de questions-réponses, les experts de CrisisGroup, Enrica Picco et Charles Bouëssel, se penchent sur les enjeux et les menaces possibles pour la stabilité du pays après le vote.

L’élection présidentielle au Tchad est prévue pour le 6 mai. Quels sont les enjeux ?

L’élection présidentielle du 6 mai sera la dernière étape d’une transition marquée par de profondes tensions politiques et sociales. L’élection présente les caractéristiques des précédentes élections de 2011, 2016 et 2021, lorsque le président Idriss Déby Itno (1990-2021), père de l’actuel président Mahamat Déby Itno, a facilement battu les membres de l’opposition urbaine muselée, peu soutenue dans les zones rurales où vivent 76 % des Tchadiens. Le jeune Déby est le grand favori pour s’imposer cette fois-ci. Il n’a pas d’adversaire de poids, si ce n’est Succès Masra, chef du parti Les Transformateurs. Masra a cependant perdu une grande partie de sa popularité en janvier, lorsqu’il a accepté le poste de Premier ministre. Une partie importante de son électorat le considère aujourd’hui comme un larbin du pouvoir. Il continue d’attirer de grandes foules lors de ses événements de campagne, au cours desquels il critique ouvertement Déby et assure aux électeurs que sa victoire est possible. Mais rares sont ceux qui croient que le vote sera serré. Le 23 mars, la plateforme de la société civile Wakit Tama a appelé les Tchadiens à boycotter le scrutin, le qualifiant de « mascarade » destinée à perpétuer une « dictature dynastique ». Des manifestations post-électorales sont possibles, même si la menace d’une répression policière pourrait dissuader de nombreuses personnes de descendre dans la rue.

Au-delà de sa portée démocratique, cette élection marque la fin de la transition politique entamée en avril 2021, juste après la mort de Déby père. Craignant une vacance du pouvoir, un groupe de généraux a nommé l’un de ses fils, Mahamat, qui avait 37 ans à l’époque, à la tête d’un Conseil militaire de transition. Initialement prévue pour durer dix-huit mois, la transition dure depuis plus de trois ans. S’écartant de sa pratique habituelle, l’Union africaine (UA) n’a pas sanctionné N’Djamena pour ce changement de pouvoir anticonstitutionnel, arguant que le Tchad avait apporté une contribution significative à la lutte contre le terrorisme. En retour, l’UA a exigé que les dirigeants de la transition ne soient pas éligibles aux élections qui suivraient.

Malgré cette demande, le président de la transition a annoncé qu’il se présenterait. La pression sur l’opposition s’est accrue ces derniers mois, atteignant son paroxysme le 28 février avec la mort brutale de l’opposant Yaya Dillo, leader du Parti socialiste sans frontières et cousin de Mahamat Déby. Le gouvernement affirme que Dillo a été tué alors qu’il résistait à son arrestation, mais des membres de l’opposition affirment qu’il a été assassiné de manière extrajudiciaire lors d’une opération militaire. Au cours de la même opération, l’oncle du président, Salleh Déby, a également été arrêté. La mort de Dillo est un exemple flagrant des dissensions croissantes au sein du clan Zaghawa, dont fait partie la famille Déby. Ce clan représente un peu plus de 5 % de la population tchadienne, mais il contrôle le pays depuis 30 ans avec le soutien d’autres élites du nord appartenant aux ethnies Goraneet arabe.

Un certain nombre de problèmes à l’approche du scrutin ont jeté le doute sur sa crédibilité. Le nouveau code électoral, adopté au cours d’une session parlementaire qui n’a duré que deux heures le 22 février, abolit l’obligation pour l’Agence nationale de gestion des élections d’afficher les résultats dans chaque bureau de vote, et ne prévoit que la publication des décomptes régionaux, ce qui empêchera les observateurs de vérifier les résultats en additionnant les chiffres dans les bureaux de vote. L’Agence est principalement composée de membres ou de proches collaborateurs du Mouvement patriotique du salut (MPS) au pouvoir. Le Conseil constitutionnel, qui valide les candidatures et les résultats, offre peu de garanties d’indépendance, le jeune Déby ayant nommé à sa tête un ancien cadre du MPS, Jean Bernard Padaré.

Le Conseil constitutionnel a également rejeté dix candidatures, dont celles de deux figures de l’opposition : Ahmat Hassaballah Soubiane, homme politique et diplomate d’origine arabe, et Nassour Koursami, zaghawa et dirigeant du Groupe de concertation des acteurs politiques, une plateforme créée en 2021. À la suite de cette décision, l’opposition a souligné que les dix candidats rejetés étaient originaires du nord et du centre du pays. Ces deux régions rurales sont les fiefs électoraux de Mahamat Déby ; selon l’opposition, le Conseil a cherché à éliminer sa concurrence potentielle dans ce pays.

Quels étaient les objectifs de la transition et ont-ils été atteints ?

Lorsque la transition a commencé, de nombreux Tchadiens ont nourri l’espoir d’un changement de pouvoir, après trois décennies de régime autoritaire dominé par la famille Déby. Mahamat Déby a montré des signes d’ouverture démocratique, entamant des négociations avec l’opposition et la société civile, et permettant à plusieurs militants dissidents de longue date, tels qu’Abel Maïna, Makaïla Nguebla, Tahirou Hissein Dagga et Habib Ben, de rentrer au pays après des années d’exil. Le président a également promis un dialogue national pour discuter de la réforme institutionnelle, d’une nouvelle constitution et d’une nouvelle élection présidentielle.

Mahamat Déby a également tendu la main aux nombreux mouvements politico-militaires qui cherchent à jouer un rôle dans la définition de l’avenir du pays. Il a accepté de tenir des pourparlers à Doha en mars 2022, sous les bons offices des autorités qataries, où des représentants de 52 mouvements se sont réunis pour négocier leur participation au dialogue national. L’accord conclu à Doha a permis le retour d’autres exilés, comme Timan Erdimi, cousin d’Idriss Déby et chef de l’Union des forces de résistance rebelle. Mais les deux groupes rebelles les plus puissants ont refusé de signer, arguant que le gouvernement n’avait pas pris en considération leurs demandes concernant les conditions de leur désarmement et le retour de leurs combattants de l’étranger. Il s’agit du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad, basé en Libye, dont l’offensive sur N’Djamena en avril 2021 a coûté la vie à Déby père, et du Conseil du commandement militaire pour le salut de la République, basé dans la région du Tibesti, également à la frontière libyenne.

Lancé en août 2022, le dialogue national a été de courte durée, anéantissant les espoirs démocratiques des premiers mois. En l’absence de garantie que Mahamat Déby ne se présenterait pas à l’élection présidentielle, l’une de leurs principales revendications, les principaux dirigeants de l’opposition civile et politico-militaire ont refusé d’y participer. Le dialogue s’est donc déroulé sans les forces les plus favorables au changement de régime, telles que Les Transformateurs de Masra et Wakit Tama, qui ont tous deux des circonscriptions considérables dans les zones urbaines. Le dialogue a permis de prolonger la transition de deux ans. Il a également permis aux dirigeants de la transition, y compris Déby, de se présenter aux élections. Malgré cette violation des conditions imposées au début de la transition, les États membres de l’UA n’ont pas été en mesure de parvenir à un consensus sur les sanctions à l’encontre du Tchad.

En réaction à ce qu’elle a perçu comme une trahison, l’opposition a opté pour une démonstration de force, appelant à une mobilisation massive contre le régime. Le 20 octobre 2022, jour qui devait marquer la fin de la transition prévue pour dix-huit mois, des milliers de personnes sont descendues dans la rue, prenant d’assaut des bâtiments publics à N’Djamena et dans des villes de province telles que Moundou, Doba, Koumra et Sahr. La répression brutale exercée par les forces de sécurité a fait 128 morts, 518 blessés et plus de 900 arrestations, selon la Commission tchadienne des droits de l’homme, créant un climat de peur et poussant la plupart des dissidents de premier plan à se taire, à s’exiler ou à rejoindre le gouvernement.

Face à cette crise, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale a lancé une médiation menée par le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi. Mais cet effort n’a pas réussi à créer les conditions d’une véritable réconciliation nationale. L’accord signé à Kinshasa en octobre 2023 entre le gouvernement tchadien et l’opposition n’impliquait qu’une seule partie, Les Transformateurs, et consistait principalement à permettre le retour de Masra après un an d’exil. Ce geste avait une grande portée symbolique, compte tenu de la polarisation du discours politique dans le pays à la suite de la répression d’octobre précédent. Mais ce n’est pas tout : quelques jours après le retour de Masra à N’Djamena, le parlement a adopté une amnistie générale couvrant les événements de 2022. Cette loi a abandonné toutes les charges retenues contre les figures de l’opposition qui avaient été arrêtées, mais elle a également enterré les demandes d’enquête des Tchadiens mettant en lumière la responsabilité des dirigeants politiques et militaires dans la répression. Deux mois après cette amnistie, MahamatDéby nomme Masra Premier ministre, décevant au grand dam les partisans de l’ancien dissident.

Le mois précédent, un référendum constitutionnel avait entériné le système présidentiel hyper-centralisé du pays, malgré les objections de l’opposition. Le dialogue national avait prévu que les Tchadiens puissent choisir entre un Etat unitaire mais décentralisé et une fédération. Mais la commission chargée de rédiger la nouvelle constitution, composée en grande partie de personnes affiliées au régime, ne leur a pas offert ce choix ; En effet, leur projet renforçait le système existant. Malgré les images de bureaux de vote en grande partie vides le 17 décembre 2023, le gouvernement a déclaré la nouvelle constitution approuvée par 86 % des électeurs, avec un taux de participation de 62 %. Les observateurs nationaux et internationaux, qui avaient noté un très faible taux de participation dans les bureaux de vote qu’ils ont visités, ont exprimé des doutes quant à la crédibilité des résultats officiels.

Enfin, fin février, Mahamat Déby a annoncé que l’élection présidentielle, initialement prévue en octobre, aurait lieu plus tôt dans l’année, présentant cette mesure comme une réalisation de sa promesse d’achever la transition plus rapidement que les pays voisins qui ont subi des changements anticonstitutionnels de gouvernement. Les opposants ont dénoncé cette décision comme une tentative d’accélérer sa propre consolidation du pouvoir en renforçant sa légitimité en tant que président sur la scène nationale et internationale. Il a également dissocié les élections présidentielles et législatives, qui devaient se tenir en même temps. Le vote parlementaire est toujours prévu pour octobre, mais il n’y a pas eu de confirmation depuis un certain temps. Les Tchadiens n’ont pas voté pour les représentants parlementaires depuis 2011, et beaucoup craignent que le découplage ne soit, dans les faits, un autre report indéfini.

Qu’est-il advenu de la politique étrangère du Tchad au cours des trois dernières années de transition ?

Mahamat Déby a mis l’accent sur la sécurité, cherchant à s’assurer que les mouvements rebelles ne puissent pas utiliser les pays voisins comme bases arrière. Il a renforcé ses liens avec le président Faustin-Archange Touadéra en République centrafricaine et avec le maréchal Khalifa Haftar en Libye. Ces liens plus étroits ont permis au Tchad de mener des opérations militaires contre les rebelles sur le territoire centrafricain et libyen. Déby s’est également positionné sur l’échiquier régional en préservant sa relation avec la France tout en ouvrant la porte à de nouveaux partenariats sécuritaires et économiques avec les Émirats arabes unis, la Hongrie et, plus récemment, la Russie, même si les contours de ce dernier accord restent flous.

La récente vague de coups d’État dans les États du Sahel occidental, ainsi que le déclenchement de la guerre au Soudan en avril 2023, ont fait du Tchad un îlot de stabilité dans le grand Sahel, ainsi que l’un des rares alliés fiables des puissances occidentales. Le Tchad s’enorgueillit également d’être le premier pays de la région en transition politique, comme le Mali, la Guinée, le Burkina Faso, le Niger et le Gabon, à organiser des élections. N’Djamena a utilisé sa position pour devancer les critiques internationales sur la dérive autoritaire de la transition.

Se positionner dans le camp occidental n’a pas empêché Mahamat Déby de jouer un jeu géopolitique ambigu. Il y a environ 3 000 soldats français au Tchad et, conscient de l’impopularité de la France et de l’Occident, en particulier auprès de la jeunesse tchadienne, Déby a délibérément mis en doute le fait qu’il laisserait de tels arrangements se poursuivre. Une centaine de membres des forces spéciales américaines stationnés sur la base aérienne d’Adji Kosseï, près de N’Djamena, ont aidé l’armée française à combattre les djihadistes au Sahel. Le 4 avril, le chef d’état-major de l’armée de l’air tchadienne, Amie Ahmed Idriss, a demandé aux États-Unis de mettre fin à ces activités, affirmant que les États-Unis n’avaient pas fourni les documents nécessaires pour justifier leur présence. (La demande fait suite à une demande similaire de la junte au Niger, où les États-Unis ont environ 1 000 soldats et négocient les conditions de leur retrait.) Le personnel des forces spéciales américaines a quitté la capitale tchadienne quelques jours plus tard. Washington attend maintenant le résultat des élections, après quoi il réévaluera son partenariat avec N’Djamena.

La continuité du régime représente-t-elle un risque pour la stabilité du Tchad ?

Même si les mesures prises par Mahamat Déby pour renforcer son pouvoir ont permis au Tchad de jouir d’une relative stabilité, elles ne l’ont pas mis à l’abri d’autres menaces, internes et externes, étroitement liées et dont l’évolution est imprévisible.

À l’intérieur du pays, l’équilibre au sein de l’élite dirigeante n’a jamais été aussi délicat, pour plusieurs raisons. L’emprise de Mahamat Déby sur l’armée pendant la transition a conduit plus d’une centaine de généraux proches de son père à prendre leur retraite. Pendant ce temps, le jeune Déby met en place une nouvelle garde prétorienne, la Force d’intervention rapide. Ces mesures ont exacerbé les tensions au sein du gouvernement tchadien, en raison de la place que les membres des groupes non-Zaghawa, en particulier les Goranes (dont descend la mère de Mahamat) et les Arabes fidèles à MahamatDéby, ont acquis dans l’armée. Bien que Mahamat Déby ait jusqu’à présent utilisé le système de clientélisme existant pour calmer les esprits, ces décisions pourraient exacerber les frictions au sein du clan Zaghawa, dont la cohésion a été mise à l’épreuve depuis la mort de Dillo, déclenchant une lutte pour le contrôle du pays.

La position du Tchad dans le conflit soudanais est une autre source majeure de tensions au sein du régime de N’Djamena. Après avoir d’abord adopté une position de neutralité, Mahamat Déby a ensuite autorisé les Émirats arabes unis à fournir des armes et du matériel aux Forces de soutien rapide (RSF) du général Mohamed « Hemedti » HamdanDagalo depuis le territoire tchadien. Parallèlement, le Tchad a obtenu un prêt de 1,5 milliard de dollars, représentant plus de 80 % du budget de l’État, ainsi que son propre matériel militaire. D’intenses disputes s’ensuivirent au sein des clans Zaghawa. Avec des liens familiaux forts au Tchad et au Soudan, ce groupe ethnique est fortement divisé. Alors que certains à N’Djamena approuvent le soutien aux RSF, la branche soudanaise, basée au Darfour-Nord, a choisi le camp de son ennemi, l’armée régulière soudanaise du général Abdel Fattah al-Burhan. Si les affrontements entre les RSF et les milices zaghawa au Darfour s’intensifient, ces dernières pourraient chercher à se venger en soutenant un coup d’État contre le gouvernement de N’Djamena, comme cela s’est produit par le passé. Les rumeurs de combats imminents au Darfour-Nord, en particulier autour de la ville d’El-Fasher, qui abrite une grande partie de la communauté zaghawa du Darfour, augmentent considérablement ce risque.

De plus, les tensions sociales et communautaires restent vives au Tchad. Le gouvernement de transition n’a proposé aucune solution réelle à la crise socio-économique qui frappe les Tchadiens depuis des années. Les mesures récentes, telles qu’un accord avec les enseignants, une réduction des taxes sur les transports et des subventions sur les services publics, n’ont pas calmé le mécontentement social. Au contraire, les arriérés de salaires dans la fonction publique, la hausse des prix des carburants et les coupures d’eau et d’électricité ont provoqué des grèves répétées. Dans le même temps, les tensions intercommunautaires s’intensifient dans tout le pays. Le sud et le centre sont en proie à des conflits entre éleveurs et agriculteurs, exacerbés par des divisions identitaires de longue date, conduisant à la résurgence des griefs sécessionnistes. Les provinces de l’Est, quant à elles, subissent une pression sans précédent en raison de l’arrivée de plus de 600 000 réfugiés soudanais, malgré les efforts déployés par les autorités tchadiennes depuis le début de la guerre au Soudan pour permettre aux organisations humanitaires nationales et internationales d’acheminer de l’aide. La concurrence pour l’accès aux ressources, notamment à la terre, et la hausse de l’inflation risquent d’accroître les tensions dans l’une des régions les plus pauvres du pays, où des affrontements intercommunautaires ont fait des dizaines de morts en quelques jours en mars. 

La lutte d’influence entre les puissances mondiales au Sahel est à la fois un atout et un risque pour le Tchad. Le président Déby a profité d’un voyage à Moscou en janvier non seulement pour envoyer un signal fort à Paris, qui a immédiatement réaffirmé son engagement sécuritaire envers le Tchad, mais aussi pour faire de la politique intérieure. Conscient de la montée du sentiment anti-français, il a qualifié sa rencontre avec le président Vladimir Poutine d’« acte historique de souveraineté et d’indépendance ». Une partie de la société civile tchadienne a salué ces propos, mais l’a également appelé à aller plus loin et à rejoindre l’Alliance des États du Sahel, un bloc formé en septembre 2023 par les juntes prorusses du Burkina Faso, du Mali et du Niger, avec lesquelles Déby entretient de bonnes relations. Si pour l’instant la diversification des partenariats sécuritaires a permis de consolider le régime à travers des financements et des équipements militaires, de nouveaux fronts d’instabilité pourraient s’ouvrir. Des divisions pourraient émerger entre les éléments pro-russes et pro-occidentaux du régime, tandis que l’opposition politico-militaire pourrait décider de chercher le soutien de Moscou ou des capitales occidentales. En d’autres termes, les messages contradictoires des autorités tchadiennes vis-à-vis du sentiment anti-français dans le pays pourraient se retourner contre eux en faisant des alliances du pays une source de discorde interne.

L’avenir du Tchad au-delà des élections du 6 mai dépendra des mesures prises pour faire face à ces menaces. Au Tchad, les tensions sociales et politiques sont alimentées par le déficit de gouvernance qui afflige le pays depuis des décennies. Les jeunes, en particulier, réclament un État plus inclusif et plus équitable. L’organisation des élections législatives, dont la date n’a pas encore été fixée, sera le premier grand test pour le président élu le 6 mai. La crédibilité de ces élections dépendra de leur tenue dans un délai raisonnable et selon les principes de transparence, notamment avec un audit des listes électorales. De telles mesures pourraient être le premier pas vers le rétablissement des règles du jeu démocratique dans le pays et la mise en place des bases d’une véritable réconciliation nationale. À moyen terme, ces efforts pourraient également permettre au nouveau président de restaurer la confiance sociale et de briser le cycle de la violence liée aux conflits intercommunautaires qui se multiplient sur l’ensemble du territoire, en impliquant davantage les communautés locales dans la résolution des conflits et en renforçant les capacités de l’appareil sécuritaire et judiciaire.

Avec autant d’agitation dans son voisinage, N’Djamena devra adopter une position prudente à court terme quant à son positionnement dans le conflit soudanais et à ses relations avec les pays sahéliens. Si le nouveau président décide de continuer à diversifier ses partenaires sécuritaires, il devra jouer cartes sur table et assurer la coordination entre les différents acteurs, comme les militaires français et hongrois (et, éventuellement, les Russes aussi si l’accord entre les deux pays le permet), notamment dans la formation et le soutien de l’armée. Cela permettra d’éviter la montée de la désinformation et de la rhétorique incendiaire dans le pays ou, pire encore, une confrontation directe entre ses alliés.

Avec Crisis Group

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Les déclarations de Déby et Masra après leur vote

Les deux principaux candidats à la présidentielle au Tchad se sont exprimés devant la presse après leur vote.

Au Tchad, plus de huit millions d’électeurs sont  appelés aux urnes, ce lundi 6 mai, pour élire leur prochain président de la République. Dix candidats, dont une seule femme, sont en lice. La victoire devrait se disputer entre les deux principaux, le général Mahamat Idriss Deby Itno et Succès Masra. Le premier avait été proclamé chef de l’Etat par l’armée il y a trois ans pour succéder à son père et le second, ancien opposant, nommé Premier ministre il y a cinq mois. Tous les deux ont promis à leurs militants, lors du dernier jour de campagne samedi 4 mai 2024, la “victoire au premier tour“. 

Retour à l’ordre constitutionnel” pour Idriss Déby 

Tout comme son Premier ministre, Mahamat Idriss DébyItno s’est dit convaincu d’être élu dès le premier tourImage : Blaise Dariustone/DW

Mahamat Idriss Déby a aussi accompli son devoir civique dans le 2ème arrondissement de la capitale tchadienne, tôt lundi. En votant aujourd’hui, je suis animé d’un double sentiment : celui d’avoir accompli mon devoir civique, mais surtout celui d’avoir réalisé mon engagement, celui d’organiser dans le délai accordé les élections qui marqueront le retour à l’ordre constitutionnel”, a-t-il déclaré en sortant du bureau de vote. “Il revient maintenant au peuple tchadien de voter massivement pour choisir leur président. Le destin de notre pays est maintenant entre les mains de Dieu et du peuple du Tchad souverain.” 

Appel à voter de Succès Masra

C’est un grand jour pour notre pays, sans doute un grand jour pour la démocratie”, s’est réjoui le Premier ministre Succès Masra, candidat au scrutin qui a voté dans le 7ème arrondissement de N’Djamena, tôt lundi également. Et d’inviter “tous ceux qui ont montré qu’ils veulent un changement de sortir à massivement et à aller voter de façon pacifique”. Succès Masra s’est réjoui qu’internet ne soit pas coupé.

Il a également insisté sur les prises de vues dans les bureaux. “Il y avait des conseils qui ont été donnés ici et là, qui ont été mal compris, allant dans le sens de l’impossibilité, par exemple, de filmer les procès verbaux. C’est plutôt un conseil qui a été donné, mais en réalité, les gens, s’ils ont besoin d’avoir un élément de preuve, ils peuvent avoir ça”, a expliqué le Premier ministre candidat. “Les délégués qui sont dans les bureaux, etc, ils ont le droit de filmer le procès verbal. Et moi, en tant que chef du gouvernement aussi, j’ai le droit d’avoir la copie de chaque procès verbal.” 

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