avril 29, 2024
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Sécurité

Cybersécurité : « L’Afrique doit former un maximum d’experts »

ZOOM. L’Afrique doit se protéger numériquement par ses propres moyens. Expert en TIC et président de l’école d’ingénieurs ECPI de Dakar, Mouhamadou Sall explique.

C’est du haut de sa quarantaine d’années d’expérience dans les nouvelles technologies que Mouhamadou Sall a forgé sa conviction que l’Afrique doit se mobiliser pour combler à tout prix le déficit de compétences qui le frappe dans un domaine clé du numérique : la cybersécurité. Après avoir été expert pour l’Unesco pour notamment le Programme international pour le développement de la communication dont l’objectif était de créer, moderniser, former et développer les moyens de communication des organes de presse, ce qui l’a conduit à concevoir tous les outils pour mettre en place l’Agence panafricaine de presse (Panapress), il a officié au sein du leader mondial de la transformation digitale Atos, notamment comme sénior architecte informatique et expert en cybersécurité. Aujourd’hui, chargé de cours à l’ESIEE Paris, l’école de l’innovation technologique, et surtout à la tête de l’École centrale polytechnique d’ingénieurs de Dakar, il confie combien la formation de compétences dans tous les domaines du numérique est devenue vitale pour l’Afrique.

Le Point Afrique : La mise à l’échelle de son système de cybersécurité est l’un des défis les plus importants à relever dans ce monde hyperconnecté. Où en est l’Afrique aujourd’hui ?

Mouhamadou Sall : L’irruption du numérique dans toutes les activités humaines est un phénomène irréversible. Le contexte géopolitique, en particulier la pandémie et les conflits dans le monde, a amplifié l’utilisation des services et du travail en ligne. La conséquence en est d’abord un élargissement des surfaces d’attaque, et ensuite une exposition plus grande aux cyberattaques.

En Europe, le Parlement a voté les directives NIS pour « Network and Informations Security ». Objectif : garantir collectivement les conditions de sécurité adéquates pour toute l’Union européenne. Pour assurer la protection du territoire en élevant le niveau global de sécurité numérique des différentes entités concernées, telles que les entreprises, les administrations, les hôpitaux, etc., le passage à l’échelle de ces directives au niveau national est un enjeu majeur de résilience économique et sociale.

D’évidence, l’Afrique souffre d’un retard structurel. Cela fait du continent une cible facile des cyberattaques. La preuve, le 3 mars 2023, l’Union africaine a été victime d’une demande de rançon de 3 millions de dollars. De quoi constater un vent de panique à l’Union africaine face aux risques en la matière.

Le Cyber Africa Forum tenu le 7 juin dernier à Abidjan ne prédisait-il pas que l’Afrique est sous la menace d’un « chaos numérique » pourtant le premier sommet africain sur la cybersécurité, tenu le 23 mars 2022 à Lomé, incitait chaque « gouvernement africain à s’engager à mettre en place une stratégie politique et un cadre juridique national de cybersécurité ».

Cela se justifie d’autant plus que la cybersécurité présente des enjeux économiques, stratégiques et politiques qui vont bien au-delà de la seule sécurité des systèmes d’information. Cependant, au-delà du caractère multidimensionnel de la cybersécurité, le plus gros problème de l’Afrique, à ce jour, c’est le déficit de compétences techniques en cybersécurité.

Pour résoudre le problème à sa source, vous avez créé à Dakar l’École centrale polytechnique d’ingénieurs (ECPI) pour former des compétences à travers un diplôme professionnalisant en cybersécurité. Comment avez-vous bâti le programme et établi un lien avec les entreprises ?

L’École centrale polytechnique d’ingénieurs forme en effet des ingénieurs et des techniciens supérieurs dans les domaines des technologies numériques innovantes : software engineering, cybersécurité, intelligence artificielle, systèmes embarqués, big data, objets connectés, télécommunications, microélectronique appliquées. Nous sommes passés à une phase effective avec notamment le premier étage de notre fusée, le premier examen d’État de brevet de technicien supérieur en cybersécurité qui s’est tenu en août dernier.

Nous sommes partenaires de l’ESIEE Paris, l’école d’ingénieur de l’innovation technologique de la Cité Descartes du campus de Marne-la-Vallée Paris. Sa réputation est d’autant mieux établie que c’est de là que sont sortis de célèbres ingénieurs comme Marcel Dassault, fondateur du Groupe industriel Marcel Dassault, ou Yann Le Cun, l’un des inventeurs du deep learning en intelligence artificielle et lauréat du prix Turing 2018.

Puisque de nos jours, les données constituent la principale richesse, l’expertise en cybersécurité est un enjeu majeur de la formation à l’ECPI, laquelle est aussi un centre de formations certifiantes couvrant tout le périmètre de la cybersécurité, de la sécurité défensive à la sécurité offensive en passant par le management de la sécurité des systèmes d’information, la gestion des incidents et le Security Operation Center (SOC).

Comment est établi son programme de formation en cybersécurité ? Il l’est sur la base de retours d’expérience de très grands projets et du partenariat avec de grands organismes internationaux de certification en cybersécurité comme EC Council, société basée à Albuquerque, au Nouveau-Mexique et PECB.

Quelles initiatives vous paraissent devoir être prises en Afrique pour que le continent s’inscrive au mieux parmi les créateurs de valeur dans le domaine des nouvelles technologies et dépasse son état actuel de continent plus consommateur que producteur ?

Il faut rappeler que, depuis les indépendances, le mal endémique de l’Afrique est dans le déficit de masse critique de compétences à même de développer le continent. Aujourd’hui, l’évolution technologique offre des opportunités nouvelles pour les pays africains. Les frontières étant tombées et le marché des services devenu mondial, grâce à l’accroissement continu des performances des réseaux de communication et leur interconnexion généralisée, le savoir-faire et le faire-savoir sont partagés partout.

 

Pour être au diapason de cette nouvelle donne, l’Afrique doit former un maximum d’experts en numérique capables de prendre en charge les besoins sur le plan local national mais aussi de se positionner sur les marchés internationaux. De quoi faire vivre cette phrase de Cheikh Anta Diop s’adressant aux jeunes : « Formez-vous ! Armez-vous de sciences et de techniques jusqu’aux dents. »

Propos recueillis par Malick Diawara

 

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