juillet 3, 2024
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Youssef Chiheb, professeur à l’université Sorbonne Paris Nord : «L’efficacité des services de renseignement marocains est internationalement reconnue »

Docteur en géographie humaine, professeur-associé à l’Université Paris XIII-Cité Sorbonne, spécialiste des questions de géopolitique, Youssef Chiheb est directeur de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R). Spécialiste reconnu de l’islam politique, de l’islam de France, des problématiques urbaines (quartiers sensibles), conférencier-formateur à l’Ecole nationale supérieure de Police à Paris, il nous explique les raisons ayant fait que les services de police marocains sont réputés pour leur efficacité et leur professionnalisme.

Lors de sa visite au Maroc, le 22 avril 2024, le ministre de l’Intérieur français a évoqué l’apport de la police et des services de renseignement marocains dans la lutte antiterroriste en France et en Europe. Comment voyez-vous cet apport?
La déclaration du ministre de l’Intérieur français Gérard Darmanin au sujet de la contribution et de l’efficacité des services de renseignement marocains dans la lutte contre le terrorisme islamiste ou autre vient conforter et réaffirmer l’expertise marocaine internationalement reconnue. En ce sens, le ministre français ainsi que ses collègues des pays de l’Union européenne et les diverses agences de renseignement américaines, sollicitent régulièrement le Maroc pour le démantèlement de réseaux terroristes et l’anticipation de leur passage à l’acte, que ce soit au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et particulièrement dans la zone fragile qu’est l’Europe.

Tout d’abord, l’apport des services de renseignement Marocain se traduit par sa capacité de collecte de renseignements humains, son interopérabilité avec les différents services occidentaux, arabes et africains du renseignement. Face à une vague d’attentats qui a secoué la France entre 2012 et 2017, le Maroc a déployé sa force de frappe de renseignement, là où se trouve une forte communauté marocaine. Ensuite vient la co-gestion du fait religieux qui a été confié au Maroc en Europe. Cela a permis donc aux divers services de renseignement du Maroc d’infiltrer, de pister et de neutraliser les deux facettes de l’action violente qui est le terrorisme inféodé à des organisations djihadistes comme Daesh ou Al-Qaïda, ou à des cellules dormantes, voire des loups solitaires.

Avez-vous des faits précis qui corroborent vos dires ?
Il y en plein. Ainsi, le démantèlement, la localisation du groupe terroriste de Bruxelles responsable de la tuerie de masse au Bataclan, à Paris, le 13 novembre 2015, n’ont été possibles que grâce aux précieux renseignements fournis par le Maroc au sujet du commando Abdelhamid Abaoud et Salah Abdesslam qui ont permis à la DGSI, la Direction Générale de la Sécurité Intérieure et au RAID, le service d’intervention de la police, la neutralisation des assaillants. En parallèle, plusieurs projets d’attentat ont été déjoués grâce au concours décisif en amont des services de renseignement marocains.

Ainsi, le Maroc est l’un des rares pays arabes et le seul service de renseignement en Afrique qui maîtrise le concept de l’interopérabilité. En dépit des crises politiques ou diplomatiques cycliques entre le Maroc et la France, la coopération sécuritaire entre les deux pays est sanctuarisée et ne cesse de se développer au regard des similitudes des organigrammes sécuritaires des deux pays et leur exposition aux mêmes risques terroristes, qu’ils soient endogènes, dormants ou affiliés à des organisations terroristes moyen-orientales.

L’efficacité de la police marocaine est telle que la France a officiellement demandé sa participation pour la sécurité des Jeux Olympiques 2024 de Paris. Pensez-vous que le renseignement marocain est puissant à ce point?
La France est consciente que la police marocaine dispose d’une expertise incontestable en matière de sécurisation d’événements majeurs tels que les congrès internationaux, les représentations diplomatiques et les événements sportifs mondiaux ou continentaux. D’ailleurs, les instances internationales comme la FIFA ou la CAF ont donné leur accord pour l’organisation au Maroc de plusieurs manifestations sportives au niveau de l’Afrique, comme la CAN 2025, et plus tard, la Coupe du Monde en 2030 avec l’Espagne et le Portugal.

Tout cela n’était possible qu’à partir d’une certification des forces de sécurité marocaines pour leur contribution à la sécurisation optimale de la Coupe du Monde qui s’est déroulée au Qatar en 2022, tant sur le plan du maintien de l’ordre, la gestion des foules et la dissuasion du hooliganisme que sur les risques terroristes très élevés qui pesaient sur le Qatar. Les Jeux Olympiques 2024 à Paris est un événement à très haut risque compte tenu des menaces qui pèsent sur la France en matière de terrorisme et des cycles de violences urbaines ou d’émeutes qui éclatent dans les lieux déshérités de la région parisienne. Il ne s’agit pas de puissance, mais plutôt d’efficacité des services de renseignement que je résume en deux concepts : efficacité, anticipation. Tels sont les éléments cardinaux de la doctrine des services de renseignement marocain.

Comment s’opère la coopération maroco- française en matière de sécurité?
La coopération est très étroite entre les services de sécurité et de renseignement des deux pays. Elle remonte d’ailleurs au temps de SM Hassan II. Cette étroite coopération a été toujours sanctuarisée et renforcée malgré les tensions diplomatiques cycliques entre Rabat et Paris, comme je l’ai déjà expliqué. La coopération sécuritaire s’est construite sur plusieurs éléments qui reflètent la relation et le partenariat stratégique qui lient les deux pays. Tout d’abord, des relations de confiance entre des hommes de terrain. Les politiques et les ministres en général ne font qu’acter les protocoles de coopération. Les responsables des services de renseignement des deux pays travaillent en étroite collaboration dans la discrétion et loin des radars médiatiques. Ensuite, l’interopérabilité des deux systèmes de renseignement et la grande similitude qui caractérisent les organigrammes des deux pays, le maillage territorial et les forces d’action rapide qui suivent souvent la même formation conjointe en France ou au Maroc.

Enfin, la coopération judiciaire et consulaire entre les deux pays, basée essentiellement sur l’échange d’informations des personnes faisant l’objet de mandats d’arrêt international ou fichés par les services de renseignement, les accords d’extradition d’un pays vers l’autre, y compris les binationaux, et les accords de transfert de détenus français vers le Maroc et vice versa. En marge de cette coopération sécuritaire, les deux pays ont signé également un accord en 2013 pour la formation des imams dans le cadre de l’islam de France et un autre accord d’échange des identités des voyageurs entre les deux pays, appelé le Passenger National Recording pour limiter les risques d’attentats qui peuvent cibler la navigation aérienne commerciale entre les deux pays. Enfin, les pièces d’identité biométrique, que ce soit la carte d’identité nationale ou les passeports, dans les deux pays, sont fabriquées selon le même protocole de fiabilité et les mêmes standards.

PAR NOUREDDINE JOUHARI/ MAROC HEBDO

 

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