La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a analysé l’impact sur le commerce mondial de la perturbation des routes maritimes en mer rouge, en mer noire et dans le canal de panama. Dans une évaluation « rapide », la Cnuced a montré que la navigation en eaux troubles a des liens avec l’ampleur des perturbations du transport maritime qui se chevauchent, la sécheresse provoquée par le climat perturbe le canal de Panama, l’interruption des canaux de la mer Rouge et de Suez avec impacts et implications, le réacheminement des navires augmente les distances et déplace les opérations, entre autres.
L’ampleur des perturbations du transport maritime qui se chevauchent
Pour la première fois, le monde est confronté à des perturbations simultanées dans deux grandes voies navigables du commerce maritime mondial, avec des implications considérables pour l’inflation et la sécurité alimentaire et énergétique.
Depuis novembre 2023, l’escalade des attaques contre les navires en mer Rouge aggrave les perturbations en mer Noire causées par la guerre en Ukraine et dans le canal de Panama en raison des sécheresses induites par le climat.
La baisse des transits mensuels souligne l’ampleur des perturbations du transport maritime qui se chevauchent.
Dans les canaux de Suez et de Panama, les transits sont en baisse de plus de 40 % par rapport à leurs sommets. La majeure partie du déclin du canal de Suez s’est produite au cours des deux derniers mois, tandis que les transits par le canal de Panama ont diminué au cours des deux dernières années.
Le canal de Suez permet une route plus directe pour le transport maritime entre l’Europe et l’Asie, sans avoir à faire le tour du continent africain.
En 2023, environ 22 % du commerce mondial de conteneurs transportés par voie maritime ont transité par le canal1, transportant des marchandises, notamment du gaz naturel, du pétrole, des voitures, des matières premières et de nombreux produits manufacturés et composants industriels, à destination et en provenance de l’océan Indien, de la mer Méditerranée et de l’océan Atlantique.
Compte tenu du risque d’attaque en mer Rouge, de nombreux navires évitent désormais le canal, optant pour une route plus longue autour de l’Afrique. Au cours de la première quinzaine de février 2024, 586 porte-conteneurs avaient été déroutés2, tandis que le tonnage des conteneurs traversant le canal a chuté de 82 %
Déplacement des routes maritimes de conteneurs du canal de Suez au cap de Bonne-Espérance
La sécheresse provoquée par le climat perturbe le canal de Panama
Face à des niveaux d’eau alarmants, l’Autorité du canal de Panama a réduit les transits quotidiens d’une moyenne de 36 à 22, et prévoit de réduire encore le nombre de passages quotidiens à 18 par jour d’ici février 2024. Le canal de Panama est particulièrement important pour les pays de la côte ouest de l’Amérique du Sud.
Pour éviter de longs temps d’attente, les navires ont été réacheminés par le canal de Suez pour les marchandises en provenance d’Asie, ce qui a augmenté les transits de Suez avant la crise actuelle de la mer Rouge. Les perturbations dans le canal de Panama ont augmenté la demande de services de transport ferroviaire et routier au cours des dernières semaines, car les expéditeurs n’ont plus la possibilité de changer d’itinéraire par le canal de Suez.
Interruption des canaux de la mer Rouge et de Suez : impacts et implications
Le canal de Suez est une source majeure de revenus en devises étrangères pour l’Égypte, contribuant à hauteur de 9,4 milliards de dollars au cours de l’exercice 2022/23, soit environ 2,3 % du PIB du pays. La crise de la mer Rouge aurait provoqué une baisse de 40 % des recettes du canal de Suez3. Une détérioration de la situation en Égypte pourrait avoir des répercussions négatives sur d’autres pays de la région, comme l’Éthiopie et le Soudan.
Le réacheminement des navires augmente les distances et déplace les opérations
La guerre en Ukraine a exacerbé la tendance à l’allongement des distances pour les cargaisons maritimes, en particulier pour le commerce du pétrole et des céréales.5
Sur d’autres marchés maritimes, de plus en plus de pétroliers passent désormais par le cap de Bonne-Espérance. Le nombre de navires spécialisés dans le transport de voitures utilisant la mer Rouge a diminué de plus de moitié en décembre 2023 par rapport à décembre 2022. Et pratiquement aucun navire transportant du gaz naturel liquéfié n’emprunte actuellement le canal de Suez, ce qui provoque une flambée des prix du gaz.
Les dernières données pour le premier trimestre 2024 montrent comment la capacité de transport maritime par conteneurs est redéployée loin des pays du Golfe et introduit davantage de services, y compris en provenance et à destination de l’Afrique.
Augmentation de la vitesse des navires et des émissions de carbone
La perturbation de la mer Rouge et du canal de Suez, combinée à des facteurs liés au canal de Panama et à la mer Noire, pourrait éroder les gains environnementaux obtenus grâce à la « vapeur lente », car les navires déroutés augmentent leur vitesse pour couvrir de plus longues distances.
Cela est particulièrement évident pour les porte-conteneurs, où une augmentation de 1 % de la vitesse entraîne généralement une augmentation de 2,2 % de la consommation de carburant. Par exemple, l’accélération de 14 à 16 nœuds augmente la consommation de carburant par mille de 31 %.
En conséquence, les distances plus longues causées par le détournement du canal de Suez au cap de Bonne-Espérance impliquent une augmentation de 70 % des émissions de gaz à effet de serre pour un aller-retour entre Singapour et l’Europe du Nord.
Les frais et les tarifs d’expédition augmentent
Les répercussions sur les taux de fret ont varié d’un segment de marché à l’autre, les secteurs de la manutention de conteneurs et des biens de consommation et manufacturés étant les plus touchés.
Les taux de fret des conteneurs sur les routes Asie-Pacifique vers l’Europe ont fortement augmenté depuis novembre 2023. Un pic hebdomadaire record de 500 $ a été observé au cours de la dernière semaine de décembre 2023. Les tarifs moyens d’expédition au comptant de conteneurs au départ de Shanghai au début du mois de février 2024 ont plus que doublé, soit une hausse de 122 % par rapport au début du mois de décembre 2023. Les tarifs de Shanghai vers l’Europe ont plus que triplé, bondissant de 256 %.
Bien que les hausses de taux de fret aient été relativement plus importantes sur les routes traversant le canal de Suez, les répercussions s’étendent à des endroits éloignés, tels que les routes reliant l’Asie à la côte ouest des États-Unis, où les tarifs ont bondi de 130 % depuis le début de novembre. La côte ouest offre un itinéraire alternatif utilisant le train pour atteindre des destinations dans le centre et l’est des États-Unis.
Pendant ce temps, les taux de fret vers d’autres destinations ont connu des augmentations plus faibles.
Bien que l’impact combiné de ces perturbations n’ait pas encore été à la hauteur de l’ampleur de la crise logistique induite par la pandémie en 2021-2022, la CNUCED suit de près la situation.
La guerre en Ukraine a déjà montré à quel point les longues distances et les taux de fret plus élevés peuvent affecter les prix des denrées alimentaires.
À l’avenir, il sera important de continuer à suivre l’évolution de la situation et d’évaluer ses implications potentielles pour les transports et le commerce, en particulier pour les pays en développement. Les principaux problèmes à suivre comprennent les calendriers d’expédition et la fiabilité des services, les mesures de sécurité pour les navires et les ports, les retards dans les expéditions et les délais de livraison, l’augmentation des taux de fret et des primes d’assurance, la connectivité du transport maritime et la géographie globale du commerce.
Alimatou SARR
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