Bien que le parti fondé par l’opposant Ousmane Sonko affiche en public une forte hostilité vis-à-vis du camp de la majorité, certains de ses hauts cadres cultivent dans la plus grande discrétion des liens avec le gouvernement.
C’est un coup de fil qui incommode jusqu’au sommet de la hiérarchie des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), parti fondé par le principal opposant sénégalais, Ousmane Sonko. Dans les jours qui ont suivi l’annonce du report de l’élection présidentielle de C’est un coup de fil qui incommode jusqu’au sommet de la hiérarchie des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), parti fondé par le principal opposant sénégalais, Ousmane Sonko. Dans les jours qui ont suivi l’annonce du report de l’élection présidentielle de 2024 par les autorités, Birame Souleye Diop, premier vice-président de cette formation, a secrètement téléphoné à un proche du président Macky Sall. À son interlocuteur, le maire de Thiès a exprimé son soutien à la décision du chef de l’État de repousser le scrutin, initialement prévu le 24 février.
Le message transmis par Birame Souleye Diop a de quoi surprendre. Le Pastef, nominalement dissous par les autorités en juillet, n’a eu de cesse de s’insurger publiquement contre le report de l’élection. Le parti dénonce, aux côtés d’autres membres de l’opposition, un “coup d’État constitutionnel” fomenté par le pouvoir.
Dénouement contesté
Alors qu’un dialogue national organisé par Macky Sall avait recommandé que l’élection ait lieu en juin 2024, cette proposition a finalement été invalidée par le Conseil constitutionnel le 6 mars. Suscitant un soulagement relatif auprès d’une partie de l’opposition, les Sages se sont ensuite accordés avec le gouvernement pour que le vote ait lieu le 24 mars.
Ce dénouement n’était toutefois pas celui privilégié par certains poids lourds du Pastef, qui auraient préféré une période de report plus étendue afin de négocier la libération d’Ousmane Sonko. Ce dernier est actuellement incarcéré dans la prison du Cap Manuel de Dakar, où il purge une peine de deux ans à la suite d’une condamnation en juin pour une affaire de moeurs. Une situation qu’ont tenté de débloquer sans succès Birame Souleye Diop et Abass Fall, un autre ténor du parti, en amorçant des pourparlers avec le gouvernement.
Diatribe contre le président
Birame Souleye Diop est loin d’être l’unique figure du Pastef à entretenir des liens avec le gouvernement. Outre lui et Ousmane Sonko, plusieurs membres influents du parti ont exercé entre 2006 et 2013 des fonctions d’inspecteur des impôts et des domaines sous la coupe d’Amadou Ba. Le premier ministre sortant est le champion officiel de la majorité pour l’élection du 24 mars (AI du 14/07/23). Il a par ailleurs été le professeur de plusieurs cadres du Pastef au sein de l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM). Encore aujourd’hui, une poignée d’entre eux continue d’appeler affectueusement l’ex-chef du gouvernement “professeur” ou encore “maître”.
Cette proximité a valu à Amadou Ba de nombreuses critiques émanant de membres de l’entourage du président Macky Sall, qui ont, jusqu’ici en vain, tenté de l’évincer de la course à la magistrature suprême (AI du 04/02/24).
Bien qu’issu d’un tout autre horizon, le très médiatique député du Pastef Guy Marius Sagna, classé à l’aile gauche de la formation d’opposition, cultive lui aussi son entregent auprès du gouvernement. Connu pour ses diatribes à l’encontre de Macky Sall, l’ancien militant de la société civile, a ainsi rencontré en toute discrétion fin 2023 Mamadou Moustapha Ba, ministre des finances à l’époque. Celui qui est aujourd’hui à l’économie est lui-même proche d’Amadou Ba. L’entrevue, qui a donné lieu à une chaleureuse poignée de main entre les deux hommes, a été organisée par le directeur de cabinet du ministre, Pape Oumar Diallo. Ayant, lui aussi, commencé sa carrière au sein des impôts et des domaines avec plusieurs figures du Pastef, il est un très proche d’Ousmane Sonko. Pape Oumar Diallo avait notamment aidé l’opposant numéro un à Macky Sall à rédiger les statuts du Pastef, lors de la création du parti en 2014.
Un “plan B” à risque
La perspective d’une alliance entre le Pastef et Amadou Ba n’est cependant pas à l’ordre du jour. Dans l’incapacité de se présenter, Ousmane Sonko a désigné fin janvier l’un de ses lieutenants, Bassirou Diomaye Faye, afin de porter les couleurs de son camp en vue de l’élection. Actuellement derrière les barreaux pour “association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste”, ce dernier pourrait être libéré dans les prochaines semaines grâce à une loi d’amnistie votée par l’Assemblée nationale le 6 mars. Son adoubement ne fait cependant pas l’unanimité au sein de son parti.
Certains ténors redoutent ainsi qu’en cas de victoire, BassirouDiomaye Faye puisse briguer un second mandat compte tenu de son jeune âge (44 ans), et ce, au détriment d’Ousmane Sonko. Avant que ce dernier ne choisisse Bassirou DiomayeFaye comme “plan B” officiel, ceux-ci avaient même plaidé auprès du fondateur du Pastef pour que son choix se porte plutôt sur Habib Sy. Ce ministre de l’ex-président Abdoulaye Wade, proche du Pastef, avait publiquement affirmé qu’il ne ferait qu’un seul mandat.
Africa Intelligence.
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