mai 6, 2024
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Economie

RAPPORT DU FMI SUR LES PERSPECTIVES ECONOMIQUES : Reprise timide et coûteuse en Afrique de l’Ouest

Après quatre années mouvementées, les perspectives pour l’Afrique subsaharienne s’améliorent progressivement. La croissance va passer de 3,4 % en 2023 à 3,8 % en 2024, et près des deux tiers des pays s’attendent à une croissance plus élevée. La reprise économique devrait se poursuivre au-delà de cette année ; d’après les projections, la croissance devrait atteindre 4,0 % en 2025. En outre, l’inflation a presque diminué de moitié, les ratios de dette publique se sont largement stabilisés et plusieurs pays ont émis des euro-obligations cette année, mettant ainsi un terme à une période de deux ans pendant laquelle la région n’avait plus accès aux marchés internationaux. Cependant, tout n’est pas au beau fixe.

La pénurie de financement se poursuit pour les États de la région qui doivent encore faire face à des coûts d’emprunt élevés et à des remboursements de dette imminents. Ces perspectives demeurent exposées à des risques plutôt baissiers. La région reste plus vulnérable aux chocs externes mondiaux, ainsi qu’au risque d’aggravation de l’instabilité politique et de multiplication des catastrophes climatiques. Trois mesures stratégiques peuvent aider les pays à relever ces défis : redresser les comptes publics sans entraver le développement ; mener une politique monétaire axée sur la stabilité des prix ; et mettre en oeuvre des réformes structurelles pour diversifier l’économie et les sources de financement. Dans ce contexte, les pays d’Afrique subsaharienne auront besoin de plus de soutien de la part  de la communauté internationale afin de construire un avenir plus inclusif, durable et prospère.

Au terme de quatre années turbulentes, l’Afrique subsaharienne semble se rétablir …

L’éclaircie qui se profile à l’horizon pour l’économie d’Afrique subsaharienne semble enfin briller un peu plus vivement. En janvier 2024, la Côte d’Ivoire a procédé avec succès à une émission euro-obligataire, mettant ainsi un terme à une période de près de deux ans pendant laquelle la région n’avait plus accès aux marchés internationaux de capitaux. Le Bénin et le Kenya lui ont rapidement emboîté le pas, en tirant parti du regain d’appétence à l’échelle mondiale pour les instruments de dette africains. Cet intérêt croissant se manifeste également par la diminution des écarts de rendement observés sur les obligations souveraines, à la suite de l’assouplissement des conditions financières au niveau mondial (graphique 1).

Dans le même ordre d’idées, les déséquilibres macroéconomiques dont pâtit la région continuent de se résorber, ce qui renforce le sentiment d’optimisme souligné dans la précédente édition des Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne : « Une éclaircie à l’horizon

? ». En particulier, l’inflation a nettement ralenti : le taux médian d’inflation globale est passé d’un pic de près de 10 % en novembre 2022 à environ 6 % en février 2024, ce qui tient en partie aux effets du resserrement de la politique monétaire dans de nombreux pays. S’agissant des finances publiques, les autorités ont poursuivi le rééquilibrage budgétaire, ce qui a permis au déficit budgétaire médian de descendre à 4,0 % du PIB en 2023, son niveau le plus bas depuis le début de la pandémie. Par conséquent, les ratios d’endettement public se sont largement stabilisés autour de 60 % du PIB en 2023, et devraient baisser cette année.

En outre, on observe des signes encore timides de reprise de certains mouvements de capitaux à destination des pays de la région. Après plusieurs années d’atonie, les investissements directs étrangers (IDE) à destination de la région ont augmenté à 2,0 % du PIB en 2023, ce qui témoigne de la poursuite du redressement économique au lendemain de la pandémie. Plus prometteur encore, le nombre de projets d’IDE annoncés a augmenté d’environ 10 % en 2023 par rapport à l’année précédente.

mais les États de la région sont encore en proie à une pénurie de financements, des coûts d’emprunt élevés et des risques de refinancement …

Hélas, la situation de la région n’est pas au beau fixe. Cette dernière subit encore une grave pénurie de financements, décrite dans de précédents rapports. Les obligations au titre du service de la dette continuent de s’alourdir.

D’après les données préliminaires de l’année dernière, sous l’effet conjugué de la baisse des sources de financement extérieur du secteur public et de l’augmentation du service de la dette, les États de la région ont reçus les flux extérieurs nets les plus faibles depuis la crise financière mondiale (graphique 2). En 2023, les paiements d’intérêts par les États ont représenté 12 % des recettes publiques (hors dons) pour le pays médian d’Afrique subsaharienne, soit plus du double du niveau observé il y a dix ans. De considérables remboursements de dette extérieure vont arriver à échéance cette année et la suivante, dont 5,9 milliards de dollars au titre des euro-obligations en 2024 et 6,2 milliards de dollars en 2025, ainsi que d’importants remboursements de prêts bancaires (syndiqués et bilatéraux) au cours des deux prochaines années.

Cette pénurie de financements s’explique en partie par la diminution des sources de financement habituelles, en particulier l’aide publique au développement (APD), essentielle pour la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, dont la part dans le PIB n’a cessé de baisser au cours des 15 dernières années. Ce recul est aggravé par le réacheminement des aides vers les zones de conflits en Ukraine et à Gaza. De plus, les prêts officiels bilatéraux chinois sont nettement en deçà de leur pic de 2016. À mesure que les sources de financement classiques se sont réduites, les États se sont tournés vers d’autres solutions. À la faveur de leur intégration accrue au sein des marchés internationaux de la dette et de l’approfondissement des marchés financiers locaux, il est devenu plus facile pour les pays de la région de souscrire davantage de dette commerciale, au niveau national comme au niveau international, à des conditions non concessionnelles. Si ce progrès considérable fournit aux pays de la région un accès accru aux sources de financement, il est fréquemment synonyme de coûts plus élevés. Les prêts bilatéraux et syndiqués accordés par les banques commerciales internationales sont souvent assortis de périodes de remboursement plus courtes, de charges plus élevées, d’une moindre transparence et, dans certains cas, de garanties, ce qui peut créer de nouvelles charges et risques budgétaires potentiellement élevés.

Même pour les pays qui ont récupéré l’accès aux marchés internationaux, les coûts de l’emprunt demeurent élevés. À fin mars, le rendement moyen des euro-obligations des pays non surendettés de la région dépassait les 11 % (nettement plus que la moyenne de 7,3 % observée avant la pandémie), ce que beaucoup de pays ne peuvent pas se permettre. Le Kenya, par exemple, a émis une obligation dont le rendement à l’échéance est de 10,4 %, un niveau bien supérieur au rendement à l’émission de 6,9 % pour son obligation arrivant à échéancecette année. Cela lui a permis d’apurer la majeure partie de la charge immédiate de sa dette et de repousser lesremboursements de sept ans. De même, la Côte d’Ivoire a dû faire face à son coût d’emprunt le plus élevé depuis une décennie pour une euro-obligation libellée en dollars1. En général, les émetteurs souverains d’Afrique subsaharienne paient des rendements plus élevés que les émetteurs présentant des risques similaires dans d’autres régions, quoique la « prime africaine » souvent évoquée semble relativement modeste. De plus, cette prime disparaît pour l’essentiel lorsqu’on compare les entreprises publiques et privées d’Afrique subsaharienne avec les émetteurs analogues dans d’autres régions (encadré 1).

… et le secteur privé n’est pas épargné.

Ces dernières années, les banques locales ont préféré prêter au secteur public qu’au secteur privé. Avant la pandémie, l’exposition des banques au secteur privé a augmenté beaucoup plus vite que leur exposition au secteur public, ce qui témoigne du développement financier de la région. En revanche, depuis la pandémie, la part du crédit au secteur privé dans les actifs des banques est restée largement inchangée, tandis que le crédit au secteur public n’a cessé d’augmenter (graphique 3). Cette interdépendance croissante entre banques et États pourrait poser des risques pour la stabilité financière dans certains pays (au sein de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), par exemple), en raison de problèmes tels que l’asymétrie des échéances entre actifs et passifs, la concentration des actifs et l’illiquidité.

Encadré 1. Estimation de la « prime africaine »

Les pays d’Afrique subsaharienne ayant accès aux marchés internationaux ont toujours été confrontés à des coûts d’emprunt plus élevés que d’autres pays émetteurs similaires. Par exemple, l’émission d’euro-obligations de 2,6 milliards dedollars par la Côte d’Ivoire en janvier 2024 (avec un écart de taux moyen pondéré d’environ 400 points de base) a été laplus coûteuse à ce jour, bien que les récentes augmentations de coûts puissent être largement attribuées à la hausse des rendements obligataires américains (graphique 1.1). L’écart à l’émission pour la Côte d’Ivoire était de 50 points de base au-dessus du prix d’une obligation similaire d’un pays en développement hors Afrique subsaharienne affichant la même notation. Ce fait amène à se poser la question de savoir s’il existe une « prime africaine » reflétant un coût supplémentaire que paieraient les pays africains lorsqu’ils empruntent sur les marchés internationaux, et qui ne saurait être justifiée par la présence de fondamentaux macroéconomiques différents.

Toutefois, l’analyse exposée dans le présent encadré révèle que la « prime africaine » est assez modeste pour les obligations souveraines et pratiquement inexistante en ce qui concerne les entreprises privées et publiques. Si l’on prend en compte les fondamentaux spécifiques à chaque émetteur (illustrés par la notation de crédit de l’émetteur), les facteurs mondiaux et les caractéristiques des obligations, la prime pour les émissions d’euro-obligations souveraines se situe entre 53 et 88 points de base, avec un point médian de 70 points de base (graphique 1.2). Cet écart se creuse lorsque des chocs mondiaux surviennent (jusqu’à 120 points de base) ; cela peut s’expliquer par les contraintes potentielles portant sur la demande des investisseurs et la liquidité. Cependant, si l’on se concentre sur les euro-obligations émises par des entreprises privées et publiques d’Afrique subsaharienne, cette prime disparaît : ceci indique qu’il n’y a pas de différences significatives en matière de coûts d’emprunt par rapport à leurs homologues en dehors de la région. Une explication plausible réside dans le fait que la plupart des sociétés d’Afrique subsaharienne émettant des euro-obligations (comparativement à l’émission d’obligations souveraines) ont généralement une meilleure note en matière de qualité d’investissement, ce qui tient à la présence de bilans plus sains et de meilleures normes de gouvernance et de gestion.

Il convient de remarquer que cet encadré n’aborde pas la question de l’objectivité des notations de crédit, qui sont considérées exogènes dans l’analyse1. Le débat sur les notations reste peu concluant, la disponibilité des données étant l’un des principaux points d’achoppement. Au-delà de la question des notations, Gbohoui et al. (2023) ainsi que Presbitero et al. (2016) ont constaté que, sur le marché secondaire, les disparités dans les écarts de rendement sur les obligations entre les pays d’Afrique subsaharienne et leurs homologues en dehors de la région sont principalement dues à la présence de fondamentaux économiques plus fragiles, notamment en ce qui concerne le risque de conflit, les antécédents de défaut de paiement et les problèmes structurels. Plus précisément, les difficultés liées à la gouvernance, à la transparence et à la gestion des finances publiques en Afrique subsaharienne sont des facteurs importants qui contribuent à la présence de spreads plus élevés. Adrian Alter est l’auteur de cet encadré.

Les entreprises ont aussi vu leurs coûts d’emprunt augmenter. Sur le plan intérieur, dans plus de la moitié des pays de la région pour lesquels des données sont disponibles, le taux prêteur préférentiel médian a plus que doublé en termes réels à la fin de 2023 par rapport à l’année précédente, où il se montait à environ 2,5 % (graphique 4). Le taux prêteur préférentiel est généralement un indicateur des coûts d’emprunt intérieurs pour les entreprises les mieux notées, de sorte que les taux d’intérêt pour les prêts aux petites entreprises sont probablement encore plus élevés, ce qui reflète leur moindre accès aux services financiers, l’absence de garanties solides et des risques de défaut plus élevés. Parallèlement, les entreprises ayant accès aux marchés internationaux ont emprunté davantage à l’étranger, ce qui a augmenté leur endettement et leurs coûts d’emprunt. Par exemple, s’agissant du crédit syndiqué aux entreprises, l’écart médian par rapport au taux de référence est passé de 350 points de base avant la pandémie à 580 points de base en 2023. À l’avenir, une période prolongée de taux d’intérêt élevés pourrait affecter la qualité du crédit aux entreprises en augmentant les coûts de l’emprunt et en compromettant la rentabilité des entreprises et leur capacité à rembourser leur dette.

En outre, plusieurs pays rencontrent des difficultés telles que des pénuries de devises ou des restrictions à l’importation (par exemple l’Angola, l’Éthiopie, le Kenya, le Nigéria et le Tchad), qui compliquent le fonctionnement des entreprises, alors même que celles-ci viennent de passer un cap en renouant avec leur rentabilité d’avant la pandémie.

La capacité des pays à relever les défis actuels est encore contrainte par l’incertitude croissante et la multiplication des chocs

Les difficultés de financement ont forcé de nombreux pays à réduire certaines dépenses publiques essentielles à leur développement, notamment leurs investissements en capital, pour assurer le service de leur dette. La pénurie de liquidités met en péril les perspectives de croissance des futures générations, car les pays de la région manquent cruellement de fonds pour répondre à leurs importants besoins de développement, un phénomène qui vient s’ajouter aux d’aucune instruction primaire ou secondaire. Parmi ceux qui vont à l’école, seuls 65 % achèvent le cycle d’instruction primaire, contre 87 % en moyenne au niveau mondial (note d’analyse « Bâtir la main-d’oeuvre de demain : éducation, opportunités et dividende démographique de l’Afrique »). En plus de la santé, de l’éducation et des infrastructures, l’insécurité alimentaire demeure une des principales difficultés de l’Afrique subsaharienne. On estime qu’en 2023, 140 millions d’habitants de la région, dont beaucoup en République démocratique du Congo et au Nigéria, étaient en proie à une insécurité alimentaire aiguë, or les pouvoirs publics peinent à réagir efficacement par manque d’espace budgétaire. Dans le même temps, la région est également confrontée à une instabilité politique croissante et à des chocs climatiques qui entravent la croissance, pèsent lourdement sur des ressources limitées et pourraient accroître les tensions sociales :

ƒ L’instabilité politique, en créant de l’incertitude sur les politiques publiques et en entamant la confiance des investisseurs, aggrave les difficultés de l’Afrique subsaharienne et nuit à sa croissance. Au terme de désaccords politiques prolongés à la suite de récents coups d’État, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont quitté la Communautééconomique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en janvier 2024. Cette décision exacerbe l’incertitude et la fragmentation géoéconomique dans une région déjà en proie à la fragilité, la pauvreté et l’insécurité alimentaire. L’année 2024 sera critique pour l’Afrique subsaharienne, où doivent se tenir 18 élections de portée nationale, dont des présidentielles, prévues pour la plupart dans l’Ouest et le Sud de la région. Le retard des élections présidentielles au Sénégal a engendré un surcroît d’incertitude sur le plan politique au niveau régional. De manière plus générale, on a pu observer que l’instabilité politique autour des élections ne générait pas seulement des coûts macroéconomiques, mais qu’elle déclenchait également des ajustements budgétaires de long terme au détriment de l’investissement public (Ebeke et Ölçer, 2013). En outre, cette instabilité fait peser la menace de retours en arrière sur le plan des réformes publiques (Gaspar, Gupta et Mulas-Granados, 2017).

ƒ Le changement climatique exacerbe par ailleurs les difficultés que rencontre l’Afrique subsaharienne, en pesant sur les rendements agricoles et la productivité du travail dans une région déjà vulnérable. L’année dernière, la plus chaude jamais enregistrée dans le monde, a été très difficile pour la région. Le Malawi et le Mozambique ont été frappés par des cyclones dévastateurs, et dans la Corne de l’Afrique des sécheresses graves et prolongées ont été suivies par des crues soudaines au mois de novembre. La longue période d’inondations au Soudan du Sud a exacerbé la pénurie de denrées alimentaires. Certaines zones de l’Afrique australe souffrent à présent de sécheresses inédites : en 2024, les premiers mois de l’année (période cruciale pour les cultures) ont connu les plus bas niveaux de précipitation depuis 40 ans. En Afrique centrale, le bassin du fleuve Congo connaît les pires inondations depuis près de 60 ans. Ces phénomènes météorologiques extrêmes prélèvent un lourd tribut humain, entravent le développement, réduisent les moyens d’action des pouvoirs publics et font sentir leurs effets de manière disproportionnée sur les couches les plus vulnérables de la population.

Perspectives : timidité du rebond tant attendu

Le rebond de la croissance projeté pour cette année s’annonce modeste, et la reprise, très inégale …

Après deux ans de croissance atone, les perspectives de la région s’améliorent légèrement dans l’ensemble : la croissance devrait passer de 3,4 % en 2023 à 3,8 % en 2024. Les deux tiers des pays d’Afrique subsaharienne s’attendent à une croissance plus soutenue cette année qu’en 2023 : celle-ci devrait connaître une accélération médiane de 0,6 point de pourcentage. Ce regain de croissance en 2024 varie considérablement d’un groupe de pays à l’autre : il tient, pour l’essentiel, à une embellie dans les pays exportateurs de pétrole (à l’exception du Nigéria), qui devraient voir leur croissance augmenter de 1,5 point de pourcentage pour atteindre 3,1 % (graphique 5). Quant aux pays dont l’économie est plus diversifiée, qui jouissent de taux de croissance durablement élevés, ils devraient conserver leur taux de croissance inchangé.

Les taux de croissance en 2024 varient considérablement d’un pays à l’autre. Les projections de croissance en Afrique du Sud plafonnent à 0,9 % en 2024, du fait de la persistance de pénuries d’énergie et de difficultés logistiques portuaires et ferroviaires. Le Nigéria devrait voir son économie, portée par son secteur pétrolier, croître de 3,3 % en 2024, ce qui représente une légère amélioration par rapport à 2023. Il importe de souligner que le Niger et le Sénégal font partie des pays à la plus forte croissance de la région (10,4 % et 8,3 % en 2024, respectivement), grâce à la mise en service de projets gaziers et pétroliers. Dans l’ensemble, la divergence entre les trajectoires de croissance des pays riches en ressources naturelles et des pays pauvres en ressources naturelles (qui présentent une économie plus diversifiée) devrait persister. Déjà ancienne, cette tendance est devenue manifeste depuis le choc sur les cours des produits de base survenu en 2015. En 2024, le premier groupe devrait croître de 3,0 %, et le second, de 5,7 %.

En 2025, la consommation et l’investissement privés devraient poursuivre leur redressement en Afrique subsaharienne, dont la croissance économique devrait atteindre 4,0 %. Dans le scénario de référence, l’on s’attend à ce que d’autres pays préémergents, en plus du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Kenya, commencent à émettre des obligations, au plus tôt en 2025, ce qui permettra d’atténuer la pénurie de financement et d’alimenter la reprise économique dans ces pays. À moyen terme, la croissance économique de la région devrait se stabiliser autour de 4,3 % ; on prévoit que les pays pauvres en ressources naturelles devraient croître presque deux fois plus vite (6,2 %) que les pays riches en ressources naturelles (3,5 %).

… et lorsque l’on prend en compte la croissance démographique, l’écart de revenu avec le reste du monde se creuse.

Le rebond de la croissance masque un autre problème grave, à savoir que les revenus par habitant ont cessé de converger, une tendance alimentée par la croissance démographique de la région, sans pareille dans le reste du monde. Entre 2000 et 2024, le revenu réel par habitant en Afrique subsaharienne a augmenté de près de 75 %, bien davantage que dans les pays avancés, qui n’ont vu une hausse que de 35 %. Néanmoins, ce résultat pâlit en comparaison des pays émergents et pays en développement (PEPD) d’autres régions du monde, où le revenu réel par habitant a fait plus que tripler au cours de la même période (graphique 6). Plus inquiétant encore, depuis 2014, la croissance du revenu réel par habitant en Afrique subsaharienne a nettement ralenti, signe d’une divergence grandissante avec les autres PEPD.

Des risques et des incertitudes considérables pèsent sur le rebond attendu de la croissance

La reprise de la croissance décrite ci-dessus est intimement liée à des évolutions régionales et mondiales. Au niveau régional, les perspectives économiques dépendent de la bonne marche des réformes en cours. En Afrique du Sud, les autorités s’emploient à atténuer la crise énergétique en améliorant l’offre d’électricité, mais des incertitudes sur le plan électoral risquent de mettre un coup d’arrêt à cet l’essor du secteur privé, en remédiant aux distorsions sur le marché des changes, en favorisant la production pétrolière et en augmentant les recettes publiques.

Étant donné que la probabilité d’un atterrissage brutal s’est éloignée à mesure que les chocs sur l’offre se sont estompés, les risques pesant sur les perspectives mondiales sont dans l’ensemble équilibrés. Il est possible que de bonnes surprises viennent tirer la croissance mondiale vers le haut, par exemple si la reprise économique en Chine et la désinflation intervenaient plus rapidement que prévu. Toutefois, les risques pesant sur les perspectives économiques de l’Afrique subsaharienne semblent davantage orientés à la baisse. Plusieurs chocs mondiaux concernent tout particulièrement la région2 :

ƒ Une économie mondiale à la peine. Dans un scénario pessimiste où les principales puissances économiques comme la Chine et l’Union européenne enregistreraient des résultats économiques plus faibles que prévu, la croissance mondiale ralentirait fortement et durablement. Ce choc sur la demande extérieure aurait des répercussions considérables en Afrique subsaharienne ; la région serait touchée de différentesmanières, notamment du fait de la baisse de la demande pour les biens qu’elle exporte, de la dépréciation de ses taux de change, de la diminution des envois de fonds par la diaspora africaine et de la baisse des cours des matières premières. Il en résulterait que la croissance en Afrique subsaharienne perdrait à peu près 1 point de pourcentage par rapport au scénario de référence en 2024 et 2025, à noter que les pays exportateurs de pétrole seraient touchés le plus durement.

Cependant, en cas de baisse des cours des matières premières et si l’inflation marquait le pas plus vite que prévu, les autorités monétaires pourraient assouplir leurs politiques plus rapidement, ce qui permettrait à la croissance de repartir légèrement à la hausse en 2026.

ƒ Risques élevés sur le plan géopolitique. Une aggravation du conflit au Moyen-Orient perturberait encore davantage es chaînes d’approvisionnement, les itinéraires de transport et la production des matières premières, ce qui ferait augmenter les prix des matières premières et les coûts d’expédition des marchandises (graphique 7). Les cours du pétrole et du gaz gagneraient (en moyenne) 15 % en 2024 et 2025 par rapport au scénario de référence.

Dans le même temps, les cours des produits agricoles et agroalimentaires augmenteraient. Des simulations réalisées à partir de modèles donnent à penser que l’effet d’ensemble sur la croissance en Afrique subsaharienne serait négatif et relativement modéré. Cependant, les pays de la région qui dépendent moins de l’exploitation de ressources naturelles connaîtraient un ralentissement marqué, qui se traduirait par une perte de croissance d’environ 1,3 point de pourcentage en 2024. Il importe de souligner que l’inflation se maintiendrait plus longtemps à un niveau élevé dans la région, en s’écartant à la hausse des projections de référence d’environ 1,9 et 1,5 point de pourcentage en 2024 et 2025, respectivement.

En plus de risques économiques mondiaux, l’Afrique subsaharienne est de plus en plus exposée à des risques spécifiquement régionaux (voir également FMI, 2024). Le risque de tensions sociales et politiques s’est nettement accru en raison de la fragmentation géopolitique croissante, de la multiplication des coups d’État et d’une crise du coût de la vie qui fait beaucoup de laissés-pour-compte, le tout étant aggravé par les effets du changement climatique. La recrudescence des tensions sociales et le grand nombre d’échéances électorales font craindre que les pouvoirs publics ne soient coupés dans leur élan réformateur. Plus précisément, la croissance pourrait pâtir des éléments suivants :

ƒ Risques accrus pour la sécurité

La prévalence des attaques terroristes dans la région est l’une des plus élevées au monde3. En Éthiopie, en dépit d’un accord de paix, les tensions sociales restent vives et le risque de nouvelles violences demeure élevé. Plusieurs autres pays continuent de rencontrer des problèmes d’insécurité, comme le Burkina Faso, le Mali, le Mozambique, le Nigéria, la République démocratique du Congo et le Tchad. En outre, l’aggravation au conflit au Soudan risque de nuire encore davantage aux conditions économiques et humanitaires de ses voisins. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime que depuis le début du conflit, en avril 2023, presque 1,3 million de réfugiés, de demandeurs d’asile et de rapatriés sont entrés au Soudan du Sud, au Tchad, en Éthiopie et en République centrafricaine. La violence et les conflits, en plus de causer de tragiques pertes humaines et de perturber l’activité économique, mettent à rude épreuve des budgets déjà restreints, ne serait-ce qu’en raison de la forte augmentation des dépenses de sécurité.

ƒ Aléas climatiques

Si la sécheresse se prolonge en Afrique australe, les perspectives économiques de certains pays pourraient nettement se dégrader en 2024 ; en outre, il en résulterait des pressions sur les dépenses publiques et les soldes extérieurs. Par ailleurs, l’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne pourrait s’en trouver aggravée, ce qui entraînerait de graves difficultés sur le plan humanitaire tout en compromettant la productivité et les perspectives économiques.

S’adapter à des coûts d’emprunt élevés dans un monde exposé à des chocs multiples : priorités pour l’action publique

Quoique la région donne enfin des signes de rétablissement économique, de nombreux pays doivent faire face à des coûts d’emprunt élevés et restent en proie à de pesantes contraintes financières et à des facteurs de vulnérabilité liés à leur endettement. Dans un monde davantage exposé aux chocs, ces difficultés s’amplifient4. Pour s’adapter, les pouvoirs publics doivent résolument adopter un ensemble de réformes intérieures fortes tout en s’appuyant sur l’aide extérieure. Sur le plan intérieur, il convient de poursuivre le resserrement de la politique budgétaire, tout en limitant le plus possible les dommages que ce dernier pourrait causer au développement économique. Les autorités monétaires doivent continuer de s’attacher en premier lieu à assurer la stabilité des prix, tout en complétant les efforts budgétaires et en stimulant la croissance à condition que l’inflation diminue. Pour s’adapter à un environnement de taux d’intérêt élevés et renforcer leurs capacités de résistance, il sera essentiel que les autorités mettent en œuvre des réformes structurelles visant à diversifier les sources de financement et le tissu de l’activité économique. Comme il faudra du temps à ces réformes pour faire sentir leurs effets, il est urgent que les pays obtiennent des financements moins coûteux, notamment auprès de leurs partenaires internationaux.

Politique budgétaire : redresser les comptes publics sans entraver le développement

Au cours de la dernière décennie, la position budgétaire de nombreux pays d’Afrique subsaharienne s’est dégradée, et cette tendance s’est aggravée au fil des chocs successifs et du fait des besoins de soutien budgétaire qu’ils ont engendrés. Les facteurs de vulnérabilité liés à l’endettement se sont ainsi intensifiés dans la région. À présent, les pouvoirs publics réagissent en reconstituant leurs marges de manoeuvrebudgétaires et en se désendettant pour renforcer leur capacité d’emprunt future. Dans certains pays, l’assainissement budgétaire est plus urgent qu’ailleurs, en raison d’une grave pénurie de financements, entretenue par le renchérissement du service de la dette et le manque d’accès aux financements. Cette situation, à laquelle s’ajoutent des dépréciations de change, exacerbe les contraintes de financement. C’est ainsi que l’Éthiopie, en ne parvenant pas à honorer le paiement d’uncoupon sur une euro-obligation en décembre 2023, est devenue le dernier pays de la région à s’être trouvé en situation de défaut de paiement.

La plupart des pays d’Afrique subsaharienne ont entamé le rééquilibrage de leurs comptes publics. Environ les deux tiers des pays ont déjà amélioré leurs soldes budgétaires en 2023, et l’on s’attend à ce que les déficits budgétaires passent d’une valeur médiane de 5,2 % du PIB en 2022 à 3,7 % du PIB en 2024. Si tous les pays ne s’y prennent pas de la même façon pour rééquilibrer leurs budgets, environ 40 % de ceux qui s’y emploient concentrent l’essentiel de l’effort en début de période. Par exemple, au sein du groupe de pays qui réduisent leur déficit budgétaire sur une période de trois ans entre 2022 et 2025, le pays médian a procédé à près de la moitié de l’ajustement total au cours de la première année, c’est-à-dire en 2023.

Les efforts d’ajustement budgétaire en cours se répartissent demanière à peu près égale : presque la moitié de ceux-ci visent à accroître les recettes alors que le reste consiste à réduire les dépenses. Concernant ces réductions des dépenses, la moitié des pays procédant à des ajustements, dont le Botswana, le Cameroun et le Kenya, s’efforcent de préserver leurs ratios investissement sur PIB, tout en effectuant des coupes dans les dépenses courantes. Les autres entendent réduire les dépenses en capital à hauteur de 1,4 % du PIB en moyenne, ce qui pourrait ralentir la croissance future.

À l’heure où les besoins de financement augmentent et que les sources se tarissent et deviennent plus coûteuses, les mesures de rééquilibrage budgétaire de l’Afrique subsaharienne doivent être mises en oeuvre de façon à répondre aux besoins propres à chaque pays tout en réduisant autant que possible les effets néfastes pour l’économie et les populations. Pour cela, il faudra notamment :

Augmenter les recettes publiques.

Pour mettre en oeuvre l’ajustement nécessaire, tout en préservant la croissance économique et les dépenses sociales, il est essentiel de s’attacher davantage à augmenter les recettes qu’à réduire les dépenses publiques (bien qu’il soit également possible d’améliorer l’efficience des dépenses, comme nous le verrons plus loin). En mettant l’accent sur les hausses d’impôt, il est possible de lever plus de fonds sans nuire aux investissements dans des domaines essentiels comme les infrastructures, la santé et l’éducation. L’« écart fiscal » de la région, qui correspond à la différence entre les recouvrements réels et les recouvrements potentiels, est estimé à environ 5 % du PIB (voir la note d’analyse intitulée « Réduire les déficits budgétaires en Afrique subsaharienne sans compromettre le développement »). Cet écart est une belle occasion d’augmenter les recettes en mettant en oeuvre des politiques fiscales plus judicieuses et en améliorant l’administration fiscale. Il est possible d’optimiser le recouvrement de l’impôt en simplifiant le système fiscal, en élargissant l’assiette de l’impôt, en faisant mieux respecter les obligations fiscales et en tirant parti des nouvelles technologies. Le succès des registres de vente électroniques en Éthiopie est un exemple éloquent sur ce dernier point. Une stratégie de recettes publiques à moyen terme (qui décrit à la fois les changements de politique et les améliorations d’ordre administratif) permet d’orienter les réformes, de les rendre plus crédibles et d’en faciliter la mise en oeuvre. Grâce à l’appui technique du FMI, des pays comme le Bénin, le Cameroun, l’Éthiopie, le Rwanda et le Togo mettent au point de telles stratégies, tandis que le Kenya, le Libéria, l’Ouganda et le Sénégal les mettent d’ores et déjà en oeuvre. L’autre avantage de la hausse des recettes est qu’elle accroît la capacité d’emprunt et la qualité de crédit d’un pays, ce qui lui permet par la suite d’emprunter à moindres frais.

Procéder à un rééquilibrage progressif

La solution idéale serait d’étaler le rééquilibrage des finances publiques dans le temps, car cela permettrait d’éviter des changements brusques et perturbateurs. Avec un ajustement plus prononcé en fin de période, les autorités disposeraient aussi de plus de temps pour mettre en oeuvre d’importantes réformes et adopter des mesures pour en atténuer les effets négatifs. Cependant, de nombreux pays sont confrontés à des besoins urgents de financement du budget en raison de la pénurie de financements actuelle. Pour beaucoup, l’adoption de mesures immédiates en vue de rééquilibrer les finances publiques paraît inévitable, ce qui pourrait également renforcer la confiance autour des efforts déployés dans la région. L’approche retenue pour réduire les déficits variera d’un pays à l’autre. Par exemple, pour les pays riches en ressources naturelles, le choix d’une approche  plus graduelle pour rééquilibrer les finances publiques peut se justifier, étant donné que les prix des combustibles devraient rester faibles à moyen terme.

 

S’assurer la confiance de la population

Le soutien de l’opinion publique est essentiel à la réussite des plans de rééquilibrage budgétaire. Pour cela, il est indispensable de communiquer clairement sur l’importance des mesures d’ajustement, sur les avantages qu’elles peuvent apporter, sur les risques encourus si rien n’est fait à temps, même si certaines catégories de la population peuvent subir certains coûts à court terme. D’autres stratégies peuvent aider à influencer l’opinion publique, comme proposer de mesures de soutien ciblées qui aident les personnes négativementaffectées, planifier minutieusement le calendrier des réformes et démontrer la détermination des autorités à gérer les finances de manière responsable et transparente.

Faire face à une charge de la dette élevée.

Il s’agit là d’importants facteurs de vulnérabilité en matière d’endettement : sur 35, 19 PFR d’Afrique subsaharienne étaient en situation de surendettement ou bien risquaient fort de le devenir à fin 2023. En plus de procéder à un rééquilibrage des finances publiques, certains pays peuvent également adopter des mesures supplémentaires, visant notamment à améliorer la publication des données sur la dette, à procéder à des refinancements et, en collaboration avec les créanciers, à prolonger les échéances des prêts et à étaler les remboursements.

Il est essentiel d’améliorer la gestion des finances publiques et des risques, et de renforcer la transparence budgétaire et la surveillance des entreprises publiques pour aider à contrôler les « ajustements stocks–flux » de la dette, causés par certains problèmes, comme l’accumulation d’arriérés, la hausse des dépenses hors budget et l’augmentation des garanties. De plus, plusieurs pays de la région (Éthiopie, Ghana, Tchad et Zambie) travaillent actuellement à la restructuration de leur dette dans le cadre commun du Groupe des Vingt (G20) pour le traitement de la dette. La coordination entre les créanciers a été difficile, mais des progrès ont été accomplis. Le Ghana a conclu un accord de principe sur le traitement de sa dette avec ses créanciers bilatéraux officiels en janvier 2024, en deux fois moins de temps que le Tchad deux ans auparavant, et le moratoire de la dette de l’Éthiopie à fin 2023 a également connu une évolution positive. Après avoir conclu un accord avec les créanciers officiels en juin 2023, les autorités zambiennes et le Comité directeur des détenteurs d’euro-obligations sont convenus, en mars 2024, d’un traitement de la dette conforme aux paramètres des programmes et au principe de comparabilité du traitement définis dans le cadre commun du G20. Parmi les mesures visant à améliorer ce processus, citons la mise en place par le FMI, la Banque mondiale et le G20 d’une table ronde mondiale sur la dette souveraine, dont l’objectif est de resserrer la coordination entre créanciers et de s’attaquer aux problèmes de restructuration.

 

 

Politique monétaire : maintenir la stabilité des prix tout en soutenant la croissance

Après avoir atteint son pic en novembre 2022, l’inflation globale en Afrique subsaharienne est en baisse, même si la situation varie d’un pays à l’autre. Dans l’idéal, la politique monétaire pourrait compléter les efforts budgétaires et soutenir la croissance. Cependant, d’après les dernières données disponibles de février 2024, environ un tiers des pays sont toujours confrontés à une inflation à deux chiffres, en grande partie causée par d’importantes dépréciations monétaires (notamment en Angola, au Malawi, au Nigéria, en Zambie et au Zimbabwe). Même parmi les pays qui ont enregistré une forte baisse de l’inflation, seuls quelques-uns ont réduit leurs taux directeurs au cours des 12 derniers mois (Botswana, Ghana et Mozambique). La majorité d’entre eux ont choisi de poursuivre le resserrement de leur politique monétaire ou de maintenir des taux directeurs élevés, alors même que l’inflation a amorcé sa descente. Le choix d’adopter une politique monétaire prudente repose sur deux facteurs principaux.

Réformes structurelles : élargir les sources de financement et diversifier le potentiel de croissance

Les recommandations relatives aux réformes structurelles formulées dans les rapports précédents restent pertinentes pour stimuler la croissance et le développement en Afrique subsaharienne. Toutefois, dans un monde plus exposé aux chocs et dans un contexte marqué par des coûts d’emprunt plus élevés, les priorités structurelles décrites ci-après traitent plus spécifiquement de ces défis. Pour faire face à l’augmentation des coûts d’emprunt, il est nécessaire de trouver d’autres sources de financement plus abordables et plus stables, mais aussi de dépenser plus judicieusement.

Attirer les investissements directs étrangers

Attirer les investissements directs étrangers. Le rôle des IDE a été crucial pour le développement de nombreux pays émergents, où ces investissements ont permis de fournir un financement stable, de faciliter l’accès à la technologie et de créer des emplois. Cependant, l’Afrique subsaharienne ne reçoit que 3 % des IDE mondiaux. Compte tenu des coûts d’emprunt élevés dans la région, il est essentiel que la mise en oeuvre de réformes viables et présentant un bon rapport coût/efficacité devienne une priorité pour mobiliser davantage d’IDE. En soi, le fait de mettre l’accent sur des réformes qui garantissent la stabilité macroéconomique et réduisent l’incertitude politique peut renforcer la confiance des investisseurs. D’autres mesures efficaces existent, comme celles visant à améliorer le climat des affaires, à assurer l’égalité des conditions de concurrence entre les entreprises publiques et privées, à réduire les formalités administratives età renforcer la gouvernance. Par exemple, le Sénégal a considérablement réduit le temps nécessaire pour créer unenouvelle entreprise en simplifiant les démarches administratives et en réduisant les coûts de transaction (le délai qui auparavant était de deux mois est aujourd’hui de seulement 48 heures). Cette décision a grandement contribué à renforcer son attractivité auprès des investisseurs, comme l’illustre l’augmentation des flux nets d’IDE, qui sont passés de 1,6 % du PIB en 2012 à 9,3 % en 2022, notamment dans le secteur des hydrocarbures.

Favoriser les marchés financiers intérieurs.

Le développement des marchés intérieurs pourrait également offrir une autre source de financement pour la région. Aujourd’hui, ces marchés sont moins développés que dans d’autres parties du monde. Si l’on exclut l’Afrique du Sud, la capitalisation boursière moyenne dans les pays d’Afrique subsaharienne est inférieure à 20 % de son PIB (graphique 13), ce qui est nettement inférieur à ce que l’on trouve dans les autres PEPD (50 %) et bien inférieur à ce qui est observé dans les pays avancés (126 %). Pour développer les marchés financiers, il est nécessaire de mettre en place des cadres institutionnels solides qui protègent le droit de propriété et l’exécution des contrats, favorisent la concurrence bancaire et améliorent l’infrastructure financière. Comme pour attirer les IDE, les États doivent également garantir la stabilité économique, mais aussi accroître la transparence et réduire les risques. De plus, le développement des marchés financiers intérieurs permettra d’utiliser de manière plus productive l’épargne, souvent conservée sous forme d’actif non financier, en la convertissant en capital d’investissement.

Étant donné que le secteur privé de la région est constitué en majorité de petites et moyennes entreprises, favoriser l’inclusion financière à travers le développement des services bancaires mobiles, de la microfinance et de l’éducation financière permettrait à ces entreprises d’accéder plus facilement au financement.

 

Améliorer la qualité et l’efficience des dépenses publiques.

Face à des coûts d’emprunt plus élevés et à des contraintes de financement plus fortes, il est essentiel de dépenser chaque centime de la manière la plus judicieuse qui soit pour garantir un rendement maximal. Cependant, les pays d’Afrique subsaharienne accusent un retard important en matière d’efficience des dépenses publiques, près de la moitié de la valeur potentielle des investissements publics  ne se matérialisant pas (résultat bien inférieur au niveau d’inefficience mesuré à 34 % en 2020 dans d’autres pays émergents). Ce constat appelle à adopter une approche plus stratégique dans la sélection des projets, à garantir la transparence des marchés publics et à réduire au maximum les coûts de gestion des projets. Les investissements devraient en priorité être dirigés vers les secteurs à rendement social et privé élevé, notamment les infrastructures l’éducation et les soins de santé, conformément aux objectifs de développement durable. En outre, les efforts déployés pour lutter contre la corruption peuvent améliorer la qualité des investissements et renforcer la confiance du public.

Dans un monde davantage exposé aux chocs, il est essentiel de diversifier les sources de la croissance économique pour réduire la volatilité et renforcer la résilience :

Accélérer la diversification de l’économie.

Les pays de la région riches en ressources naturelles représentaient près des trois quarts du PIB total de la région en 2022. Cette forte dépendance les expose à la volatilité des prix mondiaux des produits de base. En outre, les huit pays exportateurs de pétrole devraient enregistrer une réduction significative de leurs recettes pétrolières, qui devraient d’ici 2050 baisser de moitié par rapport à leur niveau de 2020 (dans l’hypothèse d’un scénario modéré de transition énergétique (Note d’analyse « Gérer l’incertitude et la transition énergétique dans les pays exportateurs de pétrole », octobre 2022). Pour atténuer ces risques et renforcer la résilience de ces pays, il est crucial pour ces derniers de se détourner du pétrole et de diversifier leurs économies, notamment en développant les secteurs de l’industrie manufacturière, des services et de la technologie. Pour les pays de la région riches en minerais essentiels à la transition vers les énergies propres, cette diversification économique pourrait impliquer de ne plus se limiter à l’extraction et à l’exportation de minerais bruts, mais de passer à leur transformation, ce qui augmenterait ainsi leur valeur ajoutée, créerait des emplois plus qualifiés et favoriserait les retombées technologiques (Note d’analyse « L’Afrique subsaharienne en quête de ressources : tirer parti de l’abondance des minerais essentiels »). À moyen terme, il sera essentiel d’encourager les mesures qui soutiennentl’innovation, le développement des compétences, l’amélioration de la logistique et la connectivité pour parvenir à une transformation structurelle qui rendra les économies plus compétitives et plus résilientes.

Intégration avec les partenaires commerciaux de la région.

En tissant des relations commerciales avec d’autres pays que leurs partenaires traditionnels, les pays africains peuvent diversifier la destination des exportations et la provenance des importations, atténuant ainsi les risques associés au ralentissement économique dans une région donnée. La zone de libre-échange continentale africaine offre un horizon prometteur à cet égard, mais, pour assurer son succès, il est primordial de réduire substantiellement les barrières commerciales tarifaires et non tarifaires, de prendre des mesures pour faciliter les échanges et d’améliorer le climat des affaires ainsi que les infrastructures commerciales.

Jusqu’à présent, la mise en oeuvre de ces mesures a été lente et modeste, limitée à quelques pays et à un champ d’application restreint. Pleinement mises en oeuvre, ces mesures pourraient augmenter le commerce médian de marchandises de 53 % en Afrique et de 15 % avec le reste du monde (El-Ganainy et al., 2023). L’amélioration de l’intégration régionale pourrait également créer un marché plus vaste et plus interconnecté, renforçant ainsi l’intérêt des investisseurs pour la région.

Appel à la solidarité et au soutien de la communauté internationale

Il faudra du temps aux réformes intérieures pour produire des résultats. Dans l’intervalle, les pays d’Afrique subsaharienne auront besoin du soutien de la communauté internationale. D’après les estimations, les besoins bruts de financement extérieur des PFR de la région s’élèveront à environ 70 milliards de dollars par an (6 % du PIB) entre 2024 et 2028 (graphique 14). Il est crucial que les créanciers officiels (multilatéraux et bilatéraux) continuent de jouer leur rôle en fournissant des financements à la région et en soutenant les efforts de réforme des différents pays. Cependant, ces créanciers et bailleurs de fonds reçoivent à l’heure actuelle de nombreuses demandes concurrentes venant de différentes parties du monde. Les discussions en cours sur la manière de mieux utiliser les bilans des banques de développement multilatérales et régionales pourraient contribuer à fournir davantage de financements aux PFR (Holland et Pazarbasioglu, 2024). De même, les réévaluations continues des engagements des bailleurs de fonds et créanciers bilatéraux officiels envers les pays (à la fois les fournisseurs traditionnels d’aide publique au développement et les créanciers non membres du Club de Paris) pourraient améliorer l’allocation de dons et de fonds concessionnels limités, notamment aux pays les plus pauvres.

Certains pays confrontés à des déficits de financement extérieur pourraient aussi être amenés à solliciter le soutien du FMI. Au cours des quatre dernières années, le FMI est devenu un soutien de poids pour l’Afrique subsaharienne. Depuis 2020, la demande d’aide financière a nettement augmenté dans toute la région, amenant le FMI à débourser 34 milliards de dollars de financement, dont une majeure partie à des conditions concessionnelles. Les allocations de droits de tirage spéciaux de 2021 ont apporté une contribution supplémentaire de 23 milliards de dollars, portant le soutien total à environ 58 milliards de dollars, dont 0,8 milliard de dollars provenant du fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes. Actuellement, plus de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne (27 sur 45) bénéficient d’accords de financement avec le FMI, qui leur a versé environ 6 milliards de dollars rien qu’en 2023.

Le FMI met davantage l’accent sur la croissance inclusive, notamment en aidant mieux les pays à augmenter leurs dépenses sociales. Ces dernières années, presque tous les nouveaux programmes du FMI pour l’Afrique subsaharienne ont inclus des objectifs en matière de dépenses sociales, qui devaient représenter environ 2 % du PIB (valeur médiane) en 2022 et 2023. Les questions climatiques font également l’objet d’une plus grande attention de la part du FMI. Depuis décembre 2022, neuf pays d’Afrique subsaharienne (Bénin, Cabo Verde, Cameroun, Côte d’Ivoire, Kenya, Niger, Rwanda, Sénégal et Seychelles) ont conclu des accords dans le cadre de la nouvelle facilité pour la résilience et la durabilité. En outre, le FMI joue un rôle crucial dans le développement des capacités, en fournissant de l’assistance technique et des formations. L’Afrique subsaharienne a notamment bénéficié directement de près de 40 % des activités de développement des capacités menées par le FMI en 2023. Une initiative de mobilisation des ressources intérieures va bientôt être lancée pour aider les pays à surmonter leurs difficultés de financement et à obtenir des investissements pour le développement.  Enfin, trois étapes clés mettant en lumière les efforts concertés du FMI pour répondre aux besoins changeants de la région ont été franchies. Premièrement, les quotes-parts des pays membres du FMI ont été augmentées de 50 % après l’achèvement de la 16e révision générale des quotes-parts, une décision complétée par l’engagement des pays membres à réfléchir aux stratégies possibles pour réaligner les quotes-parts d’ici juin 2025. Deuxièmement, l’Afrique subsaharienne est désormais mieux représentée au sein du FMI avec l’ajout d’un 25e siège au conseil d’administration (le troisième attribué au continent africain). Cet aménagement vient souligner la valeur accordée à la diversité de points de vue aux plus hauts niveaux des instances décisionnaires. Ces avancées illustrent les efforts déployés par la communauté internationale pour amplifier l’influence de l’Afrique sur la scène économique mondiale, tout comme l’adhésion permanente de l’Union africaine au G20, groupe dont la présidence sera d’ailleurs assurée par l’Afrique du Sud en 2025. Troisièmement, les objectifs de la première étape de collecte de fonds pour le fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (fonds fiduciaire RPC), l’instrument de prêt concessionnel du FMI, ont été atteints. En mars 2024, 19,5 milliards de dollars avaient été collectés au total pour les ressources de prêt du fonds fiduciaire RPC, ainsi que 3,1 milliards de dollars pour les ressources de bonification. Plus tard cette année, le FMI réexaminera ses facilités et ses financements au titre du fonds fiduciaire RPC afin de renforcer ses financements concessionnels en faveur des PFR, dont beaucoup se trouvent en Afrique subsaharienne. Dans un contexte marqué par la volatilité de l’économie mondiale, l’objectif de cette revue est de trouver un équilibre en assurant un soutien financier adéquat aux PFR tout en restaurant la viabilité financière à long terme du fonds fiduciaire RPC.

Extrait rapport FMI, Avril 2024

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